En 2007, Caramel, premier film de Nadine Labaki avait réussit à séduire aussi bien le jury cannois que les journalistes et les spectateurs. Il s'expliquait surtout par sa légèreté, sa finesse d'écriture, ses actrices et, disons le, cela donnait un bon coup de pied dans la fourmilière du Liban. Caramel était une réussite de bout en bout et a été pour certain une véritable claque et la découverte d'un nouveau cinéma (dont moi). C'est donc avec une immense joie qu'on retrouve Nadine devant et derrière la caméra. Dans son premier long, elle avait déjà abordé le thème des femmes sans manquer d'humour. Ici, elle garde toujours ce même sens, ce même thème mais en y ajoutant deux sujets beaucoup plus graves : le deuil, mais surtout, la religion, sujet d'autant plus tendu à notre époque.

Cette fois-ci, ce n'est plus dans un salon de coiffure mais dans un petit village de montagne. Coupé du monde, ce village christiano-musulman n'est pas au courant de la guerre de religion qui déchire son pays. Mais quand les hommes découvrent ces horreurs par l'arrivée d'une télévision dans le village, les femmes vont faire absolument tout ce qui est possible pour que la gente masculine du village pour éviter que ce conflit s'étende à ce village alors paisible et heureux. Dès les premières minutes, Labaki et ses deux scénaristes (des hommes) prennent un parti pris féministe très tranché. Certains d'ailleurs décrieront le message du film (les femmes sont l'avenir des hommes) et ces personnes indignées font doucement rire quand on voit que le cinéma actuel est complètement misogyne. Remettre les choses à leur place, même en faisant un peu trop, ne peux clairement pas faire de mal.

Il est intéressant de voir à la fois le parallèle et l'opposition entre les deux long métrages de Nadine. D'un côté nous avons ce village, reclus et complètement hors du temps et de l'autre ce salon de coiffure où passe tous les potins de la ville, où la télévision et la radio tournent à fond toute la journée. Dans le premier, le monde des femmes tournaient autour des hommes puisqu'elles étaient tourmentées par leurs histoire d'amour. Ici c'est tout le contraire puisque le monde des hommes tournent autour des femmes. La vie et le nouvel amour oppose la mort, le deuil et le mariage ancré. On retrouve d'ailleurs cette idée dans l'affiche puisque dans Caramel, Nadine Labaki est de dos et regarde par la fenêtre. Pour Et maintenant... elle tourne le dos au soleil, se met face à nous et semble regarder un point bien précis. Et pourtant, malgré ces différences, le film est construit de la même façon et aborde foncièrement les mêmes thèmes. Ces différences rapprochent ces deux films si bien que Et maintenant on va où pourrait être la suite logique de Caramel.

Mais c'est là où le bat blesse puisque l'effet de surprise passé (Caramel donc), il s'avère que nous sommes en terrain connu. Et le scénario peine parfois sans visiblement savoir trop aller. En effet, la motivation des hommes est floue, pour ne pas dire invisible puisque ce sera à nous de la deviner. Pourquoi, après avoir vu ses conflits, décident-ils de les reproduire ? Egalement le récit traîne en longueur, notamment sur la fin puisque la conclusion, bien que terriblement ingénieuse, semble un peu sortie de nulle part et facile. L'histoire se perd par moment dans son intrigue si bien qu'on arrive nous aussi à se dire « Et maintenant, on va où? ». Il est vrai cependant que certaines situations sont rocambolesques mais elles font le charme de ce long métrage, tout comme la galerie des personnages et les stratagèmes utilisés pour défendre leur village. Car oui, il n'y a pas un acteur principal mais un lieu, un peuple. Les villageoises sont absolument hallucinantes de vérités, notons d'ailleurs que les actrices choisies sont des amatrices des villages où le film a été tourné, ce qui donne probablement tout ce côté vrai à la chose. Car malgré les défauts évoqués plus haut, la fraîcheur, les sentiments et la volonté sont les forces du récit.

Encore une fois, Nadine Labaki prouve qu'il faut la suivre de plus en plus vu son talent pour la mise en scène. Elle ponctue son film de quelques scènes musicales, pas toujours très discrète et bien amenée mais relevant d'une véritable volonté de bien faire et respirant un amour pour le cinéma. Même si « Et maintenant on va où » n'atteint pas l'excellence de Caramel mais le message qu'il transmet n'en reste pas moins touchant, même si, malheureusement, utopique. Certains pourront rebuté devant certains aspects discutables (notamment sur le rôle des femmes et de la télévision), mais le plus simple, c'est de vous même vous forger un avis car une chose est sûr, ce genre de film qui nous fait sortir avec le sourire et qui mêle talent et humour, c'est à voir.
AlexLoos
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le 12 sept. 2011

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AlexLoos

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