"Exilé" de Johnny To fait suite aux deux films "Elections". Mais à part qu'il se passe dans le milieu des triades de Hong-Kong, il est très différent.
Il ressemble plus à un exercice de style.
Le scénario ? Y en a-t-il un sinon que cinq copains d'une même bande de tueurs à gage hong-kongais font passer l'amitié avant l'obéissance à la hiérarchie. En effet, un des cinq, Wo, s'est réfugié à Macao avec sa femme et son jeune enfant fuyant la triade. Et la hiérarchie de la triade a lancé les quatre autres à sa poursuite. Mais au moment d'exécuter le copain Wo, ils préfèrent l'amitié.
On retrouve les habituels acteurs de To avec Simon Yam en patron de la triade et l'inénarrable Lam Suet dans le rôle d'un tueur à gage, (très) bon vivant appelé, comme d'habitude chez To, le "gros".
Et le réalisateur nous fait "goûter" des scènes, des numéros d'acteur où règne en permanence un second degré.
Par exemple, les flics. Pas de chance, ils arrivent toujours au moment où ça va castagner. Mais le flic-chef est à moins de 24 h de la retraite : pas question de risquer bêtement sa peau alors que les gangsters en s'entretuant font le boulot à sa place. "on n'a rien vu", "on n'est pas là" dit-il, en planquant le gyrophare...
Par exemple, la bande des quatre en fuite ne sait pas où aller, quelle direction prendre : "tirons à pile ou face" mais personne n'a de monnaie sauf "le gros". Et ils se retrouvent par hasard à faucher une opportune tonne d'or : "ça fait combien de kilos une tonne ? ", "50 kilos, je crois" ,"mais non, 5000".
Par exemple encore, les quatre qui viennent de retrouver le fuyard Wo et qui ont pour mission de le desouder se retrouvent, après une petite séance de baston, quand même, à aider à emménager Wo et installer les meubles puis à faire la cuisine avant un repas pantagruélique, à slurper comme des malades, les soupes, les pates chinoises en wok, les thés ... Et "le gros" n'est pas à la remorque, bien entendu. Contrairement à d'autres films de To, ce sera le seul repas dans le film...
Par exemple toujours, le dernier baston qui ne dure que le temps qu'une canette lancée en l'air retombe au sol, tout le monde reste sur le tapis laissant le butin à la disposition de la femme de Wo et d'une prostituée qui louait ses services dans le bâtiment. Les hommes se battent, meurent et à la fin, les femmes gagnent...
Pour finir, il y a un aspect melvillien dans ce film qui me fait penser, dans une certaine mesure, au "cercle rouge". Les gens (les gangsters) ont beau se disperser, s'émanciper, se fuir, un jour, le Destin les réunira inexorablement dans un même lieu et réglera leur compte.
Et toujours, cette stylisation de la bagarre, cette chorégraphie de la mort...
A la fin de la rédaction de cette critique, c'est dit, je remonte d'un point la note initialement mise...