Au milieu d'un Minnesota esseulé où l'horizon est couvert d'un enneigement sans fin se produit un fait divers invraisemblable ; un vendeur de voiture endetté fomente l'enlèvement de sa femme afin de toucher la rançon payée par son riche beau-père. Malheureusement tout se ne passe pas comme prévu et l'entreprise va vite tourner au chaos. Orchestré à merveille par les frères Coen, Fargo fait figure de film culte de la fin du XXe siècle.
Joel et Etan n'ont pas raté de rafler le prix de la mise en scène de Cannes. Et c'est amplement mérité tant la réalisation du film est maîtrisée. Difficile de ne pas être happé par la blancheur de la scénographie où chaque tache de sang dans la neige compose un tableau morbide tout au long du film. L'ensemble des plans larges sur cette région glaciale plonge tout naturellement le spectateur dans un univers isolé où il ne semble plus y avoir de confins, de voies de secours.
Une fois le décor posé, les réalisateurs font un usage très méticuleux du rythme qui donne au film tout son corps : chaque plan est assumé pleinement sans aucune précipitation - ce qui est souvent le risque lorsque l'on réalise un film "policier" - tandis que les rebondissements successifs permettent de tenir le spectateur en constante haleine. Scénario qui se voit par ailleurs saupoudré d'une fine couche d'humour noir venant ajouter un supplément d'absurdité au film.
Mais surtout, le traitement du sujet est équilibré. Fargo ne se morfond pas dans un suspense policier où l'on resterait bloqué du seul point du vue de l'enquêteur au dépend du reste des personnages. Les Coen s'efforcent à partager judicieusement la présence de la caméra dont l'ubiquité multiplie la richesse du film et la médiocrité ambiante inhérente à chaque personnage. Parce qu'au final, on ne sait pas trop si l'on a visionné une intrigue policière ou bien une sombre comédie tant la réalisation refuse d'emprunter les codes formels du genre.
Fargo est définitivement empreinte de la patte des frères Coen : une succession d'échecs qui entraîne les personnages dans une aventure tragi-comique dont la fatalité guette chaque instant. Et en ce sens, ce film fait figure de manifeste.
On n'oubliera pas de saluer la performances de Frances Mc Dormand dont l'air hagard ajoute une touche irrésistible de légèreté au film. Au final, les frères Coen signent ici un de leurs trois meilleurs films, avec No country for old men et the big Lebowsky.