J'ai choisi du gratiné pour ma première critique sur Satoorn. Et pas seulement parce que ce film raconte l'histoire de Robert La Fondue (fondue, gratiné... vous voyez ?), vrai nom de Fatal Bazooka.

L'histoire

Le synopsis du film éponyme tient en deux lignes :
Fatal Bazooka (Michael Youn) est le rappeur « numéro uno » jusqu'à ce qu'un certain Chris Prolls (l'excellent Stéphane Rousseau) débarque et lui vole la vedette. Seul au monde, Fatal retourne dans sa région d'origine : la Savoie.

Je ne fais pas parti de ceux qui enterre ce genre de film sans l'avoir vu. On sait jamais, sur un mal-entendu. Honnêtement, je me suis dit « pourquoi pas ? » Après tout, une satyre sur le rap ne peut que me plaire tant j'ai horreur de ce genre musicale. Le fait qu'il s'agit de la première réalisation de Youn et que le sujet est une critique du monde bling-bling nous permet de le rapprocher du Coco de Gad Elmaleh. La comparaison est vite fait : Fatal est loin devant Coco. Il faut dire qu'on attendait Youn au tournant. Mais j'ai beau retourné le film dans tous les sens, pas de faux-raccords flagrants, pas d'incohérences. Quoi qu'on en pense, Fatal est bel et bien un film et non pas un clip ou un sketch télé étalé sur la longueur. C'est déjà ça me direz-vous, car effectivement, je n'ai pas trouvé le film très drôle. Bon, quelques moments sont assez bien trouvés mais, dans l'ensemble, j'ai trouvé les blagues assez inégales, qu'il s'agisse de blagues vues milles fois (j'ai l'impression que la franchise Asterix et Obélix l'a beaucoup inspiré) ou bien de blagues très « explicites » qui m'ont un peu fait « tiquer ». Petite nature que je suis. Les parties les mieux réussies du films sont cependant les clips et les passages télé de Fatal. Le reste est de moins bonne qualité.

Soyons clair : je ne porte pas Michael Youn spécialement dans mon cœur mais j'ai toujours eu un petit faible pour les histoires tragiques. Et c'est pour cela que j'attendais de voir à l'écran comment Youn allait illustrer la descente aux enfers de son personnage. Je suis resté un peu sur ma faim car le film, qui aurait pu certes tomber dans un pathos foireux comme dans Coco (mais qui aurait pu également être une parenthèse intéressante dans un point de vue purement filmique), reste dans un comique de bas étage. Comme si Youn se refusait d'aborder sérieusement, pendant un court instant seulement, sa situation. Il est vrai que l'on est dans une comédie et que cela aurait pu être vu comme une fausse note. Autant éviter dans ce cas. Ou pas.

L'histoire téléphonée a cependant le mérite d'exister, à l'inverse de Coco. Le plus étrange pour un film qui se veut — en tout cas, il est présenté par son acteur/réalisateur comme tel — être une critique du monde des paillettes, du showbiz, des médias à la 50 minutes Inside, c'est que la morale du film, explicitée par Fatal/Youn himself vers la fin du film, n'est tout bonnement pas tenable. Fatal le reconnaît d'ailleurs. Là intervient probablement la plus grosse critique du film : le film qui utilise le showbiz pour le critiquer ne le fait qu'à moitié, et au final, le happy end part en sucette (moins que dans Coco, je vous rassures) pour finalement revenir au point de départ. C'est comme si rien ne s'était vraiment passé. Si on lit à travers les lignes, on voit bien que Youn s'est inspiré de sa propre carrière et l'on comprend que Fatal est-là pour le refaire venir dans la lumière, un peu comme avant. En ce sens, on ne peut pas vraiment parler de critique du showbiz. En revanche, c'est sans conteste une critique des médias mais aussi des producteurs (mention spéciale pour la scène du « Je suis un enculé » à la fin du film). Les animateurs/-trices TV sont des potiches, les producteurs, des opportunistes. Et la star là-dedans ? Une victime, comme le public d'ailleurs. Mouais, évidemment.

Youn tente tout de même, dans quelques rares moments, une introspection de son personnage — et par ce biais, de lui-même. Il est amusant de voir que Fatal dit avoir « honte » lorsqu'il se revoit à la télévision à poil en train de courir à une cérémonie de remise de prix, ce qui rappelle étrangement Michael Youn à la cérémonie des 7 d'Or. De même (attention, spoiler alert sur cette phrase), l'histoire de la fréquence sombre, note la plus grave qui fait chier tout le monde — littéralement — lorsqu'on l'entend et que seul le père de Fatal et Fatal lui-même est capable de produire, fait du héros et donc de Michael Youn un chieur de première. En gros, il admet qu'il fait chier les gens, mais en est un peu fier à la fin du film. C'est même ce qui le sauve ! Si c'est pas fort, ça...

Il est intéressant aussi de voir qu'absolument tous les personnages féminins du film sont des bonasses : Athéna Novotel (copine à l'écran comme à la ville de Youn), les chanteuses, les animatrices TV, Heidi... même sa sœur, la célèbre Christelle à l'origine du tube « Parle à ma main. » Bref, toutes, sauf sa mère. J'ai apprécié personnellement la scène finale sur le plateau du « Super Clash », où la confrontation entre Michael Youn et Stéphane Rousseau atteint des sommets. D'ailleurs, ce dernier vole presque la vedette à Youn pendant le film, nouvelle preuve s'il en fallait encore une que Youn est presque près à ce sacrifier pour son film. Son implication est totale, cela se ressent, et en cela je recommande d'aller voir le film. Pour qu'un public autre que les teen-agers boutonneux lisent entre les lignes et tentent ainsi de comprendre, finalement, qui se cache derrière Michael Youn. C'est au final ça, le vrai sujet du film, et non pas une satyre du monde des stars richissimes et de la culture de bas-étage. Il s'agit plutôt de découvrir qui se cache derrière le masque du personnage outrancier, vulgaire et abject qu'est Fatal/Youn. Mon regret est que Youn nous laisse peu entrevoir ce qu'il est vraiment.

En résumé

Ainsi, Fatal n'est pas une surprise, comme j'ai pu le lire ça et là. Tout est prévisible au sein du film : les blagues pour la plupart, les réactions des personnages, les rebondissements. Le mauvais goût younien est aussi là pour les puristes du genre (cf. la fréquence sombre et la fontaine à champagne). En revanche, ce qui peut surprendre, c'est le fait que Youn « maîtrise » la caméra. Ce n'est peut-être pas un bon cinéaste mais au moins ç'en est un, encore une fois à l'inverse de Gad Elmaleh. Il impose un style visuel à mi-chemin entre l'Amérique (la ville) et la France (la campagne savoyarde) tout-à-fait original, malgré le grand écart. Très caricatural, certes, mais comme peuvent également l'être les rappeurs eux-mêmes. Les acteurs sont tous bons et les dialogues sont bien écrits. Certaines situations sont marrantes, mais dans l'ensemble, c'est pas la grosse poillade non plus. Au final, on regrettera tout de même le génie de Youn dans certaines de ses parodies du début des années 2000, comme celle du clip de Diam's/Vitaa avec Pascal Obispo ; un très grand moment loin, très loin du niveau de qualité de Fatal, soyons francs.

Points positifs :
• Les acteurs et en particulier Stéphane Rousseau en « gay-hétéro-écolo-bio-équitable-sauvonsleschoalas ».
• La vision globale du film qu'à Michael Youn et qu'il a bien retranscrit, dans l'ensemble. Sérieux dans l'approche, moins dans le fond.
• A ma grande surprise la bande-son, du moins certains titres. Enfin, tout est relatif.
• On voit le budget à l'écran. Et on voit pas le temps passé.
• Un montage bien maîtrisé.
• Certaines scènes, comme le « Super Clash » ; une battle à la Glee, le brio en moins. Ou bien le Canapi qui fait aussi penser à un épisode de Glee.
Une auto-critique inégale mais quand même présente entre les lignes.
Points négatifs :
• Certaines blagues franchement dérangeantes. Et d'autres franchement pas drôles.
• Une remise en cause du système... et finalement non ! Bref, une fin très moyenne.
• Des personnages secondaires vraiment très secondaires.
• Un niveau globalement bas qui tire les personnages et frêne le récit qui aurait pu être un peu plus intéressant.
Vivian
4
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le 1 déc. 2010

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Vivian

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