Quand se faire prendre pour un jambon a du bon
Fight Club est un film dont la grande force est de faire semblant de flatter le côté anar' de salon qui sommeille en chacun de nous.
Pour ensuite mieux dynamiter le siège sur lequel nous, spectateurs, sommes confortablement assis ; et nous faire prendre conscience du ridicule de nos révolutions feutrées.
Un exemple parmi tant d'autres : le film crache sur les multinationales, la société de consommation et les messages qu'elle véhicule. Pourtant, à côté, il contient un nombre phénoménal de pubs et autres placements produits.
De même, au détour d'une séquence en bus, Tyler critique le physique stéréotypé du mec Calvin Klein... alors que dans la séquence de combat qui suit, où il est torse nu, il s'avère qu'il colle encore bien davantage que ce dernier aux canons de la beauté !
Et c'est là que se trouve le tour de passe-passe.
Fight Club n'est pas qu'un bête film provoc'.
En effet, contrairement à ce qu'on pourrait penser de prime abord, le film ne propose aucune idéologie toute prête à l'emploi pour être gobée par le spectateur.
Au contraire, il a l'intelligence de renvoyer dos à dos anarchie et capitalisme.
Il se déconstruit ; il dit une chose et son contraire, en espérant que le spectateur finira par s'en rendre compte - et ce afin de l'obliger à faire usage de son sens critique.
Et au final, on s'en fout pas mal de savoir si le message de Tyler est sensé ou non ; la connerie, ce serait justement de se contenter d'y adhérer ou de le rejeter et puis point. L'important, ici, ce n'est pas le message en lui-même; c'est la remise en cause de ce dernier, son questionnement.
Cette logique s'est même retrouvée dans les deux "public service announcements" qui précédaient la projection du film aux US.
On y voyait ainsi nos deux rebelles... prier les spectateurs de bien vouloir éteindre leurs clopes et leurs portables avant la séance. Parce que bon, on a beau être rebelle, y a des limites.
NB : très chouette analyse de Fight Club tendant à démontrer que les personnages principaux du film (= Bob et Marla, pas uniquement Tyler) ne sont que d'autres expressions de la personnalité de Jack, qui essaie ainsi de se réconcilier avec son irrémédiable "féminisation" (voulue ou subie) : http://www.jackdurden.com/