En 1999, Fight Club sort en France. Nous sommes à l'aube du 21ème siècle, du bug de l'an 2000 et de la fin du monde selon Paco Rabanne. Pour finir ce siècle en beauté, David Fincher adapte le roman éponyme de Chuck Palahniuk avec au casting Edward Norton, Brad Pitt et Helena Bonham-Carter. L'oeuvre va me laisser perplexe, en me sentant dans l'incapacité de donner un avis positif ou négatif à son sujet. Est-ce pour cette raison que je ne l'ai pas revu depuis toutes ces années? Surement. Sa ressortie en salles et l'occasion de revoir ce film devenu avec le temps, culte.


Le générique se déroule dans les méandres du cerveau du narrateur (Edward Norton), avant d'en sortir et de se poser sur son visage marqué par la fatigue. Il faut dire que malgré sa réussite sociale, il souffre d'insomnies et refuse de prendre des médicaments pour retrouver le sommeil. Sur les conseils de son médecin, il va participer à des thérapies de groupe pour relativiser son état psychologique. Cela va se révéler efficace, il va retrouver le sommeil, jusqu'à ce qu'il remarque la présence de Marla Singer (Helena Bonham-Carter) qui assiste aussi à ses séances d’entraide. Elle va mettre à mal sa fragilité émotionnelle, ce qui va à nouveau provoquer des insomnies. Retour à la case départ, jusqu'à ce qu'il fasse la rencontre de Tyler Durden (Brad Pitt). Ce dernier va le sortir de son confort matériel et lui permettre de se sentir vivant en créant le Fight Club. Mais l'ombre de Marla plane sur sa vie et va à nouveau causer un déséquilibre au sein de sa fragile zone de confort.


La narration en voix-off par Edward Norton est d'un cynisme des plus savoureux. Il nous conte son quotidien dénué de vie sociale, un manque qu'il tente de combler par un consumérisme exacerbé. La superbe scène Ikea est représentative de son besoin de posséder le moindre nouvel article, même si la plupart sont des plus inutiles. Ces achats compulsifs ne lui permettent pas de se sentir vivant, il est comme une coquille vide, à l'image des objets qu'il s'empresse d'acquérir. Son état psychologique démontre que cela ne lui permet pas de se sentir mieux dans sa peau. Ses insomnies et hallucinations le déconnecte de la réalité. Sa rencontre avec Tyler Durden, l'explosion de son appartement et le combat sur le parking du bar, vont le sortir de son confort superficiel. Une nouvelle vie s'ouvre à lui.


Les opposés s'attirent-ils? Le narrateur a un physique quelconque, il ne respire pas la joie, ses habits sont dénués de couleurs et sa peau est pâle. Tyler Durden est tout son contraire, il est taillé comme les mannequins de magazine, il a toujours le sourire, il transpire la confiance et sa peau est bronzée. En se coupant du confort matériel imposé par notre société de consommation, ils renouent avec le primate qui vit en eux. La création du Fight Club leur permet de s'affranchir et de fonder un groupuscule voulant semer le chaos en remettant les comptes à zéro. L'homme reprend sa vie avec ses mains et veut retrouver son statut de mâle dominant à travers l'anarchie.


Se détruire pour mieux se reconstruire. Il se met en danger en se mettant en retrait de la société. Sa nouvelle demeure est à l'image de son esprit, dans un immense délabrement. La présence de Marla Singer; son double négatif féminin; n'arrange pas la situation. Le ménage à trois avec Tyler Durden, contribue à sa nouvelle détérioration psychologique. Il a reporté son besoin de possession sur Tyler. Il est devenu le centre névralgique de sa vie. Marla est une nuisance. Angel Face (Jared Leto) est un rival. La société est l'ennemi. Tyler est ce qu'il a toujours rêvé d'être et il ne veut pas le partager, ni s'en séparer. C'est à la vie, à la mort.


Cette longue page publicitaire est constamment en contradiction avec son propos, mais l'humain n'est-il pas en total désaccord avec lui-même? Il rêve sa vie, au lieu de la vivre. Bien sur, on ne peut pas accéder à tout ses désirs, mais on peut s'en approcher afin d'éviter de se morfondre dans son canapé ikea, en sirotant une heineken avec des cacahuètes Bénénuts devant son téléviseur LG, tout en surfant sur son portable Samsung, en attendant la pizza Domino. Les marques sont partout, dans nos salons, les transports, les arrêts de bus, métro et leurs couloirs, sans oublier les panneaux d'affichage, bref notre planète est devenue une immense page publicitaire. Fight Club n'est que le reflet de notre société et le temps n'atténue pas son propos, bien au contraire. Son influence se retrouve dans l'excellente série Mr Robot, qui en est son digne successeur de par sa forme et son fond. On peut aussi faire un rapprochement avec Orange Mécanique de Stanley Kubrick, qui est l'adaptation d'un roman écrit par Anthony Burgess. De 1971 à 2015, en passant par 1999, on peut constater l'absence d'évolution de notre société à travers ses œuvres pointant du doigt les défauts de l'homme se répercutant sur notre monde.


Fight Club est une oeuvre imparfaite, mais grandiose. David Fincher confirme tout son talent grâce à sa mise en scène, une direction d'acteurs, des plans et des scènes marquant l'esprit. On peut le revoir, même en connaissant son twist, cela ne modifie en rien le plaisir de revoir ce film culte.

easy2fly
8
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le 1 août 2017

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Laurent Doe

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