Même après un bon millier de visionnages, même en connaissant le script sur le bout des doigts, "Fight Club" me fait toujours l'effet d'un uppercut. Le film déchaîne les passions depuis sa sortie en 1999 entre ceux qui le vénèrent et ceux qui l'abhorrent, il a soulevé des armées et monté des frères les uns contre les autres. Il ne laisse personne indifférent et ça, peu importe que j'aime le film ou pas, je trouve que c'est la marque des grands. Et pour le coup des détracteurs, le film en a, et des particulièrement hargneux déterminés à démonter le film en le retournant contre lui-même: pour certains le film se contredit lui-même -voire s'auto-détruit- lui-même en usant d'effets de style putassiers et artificiels (ralentis en tout genres, mouvements rapides de caméra, montage survitaminé, images subliminales...) destinés à attirer le chalant pour en même temps condamner le consumérisme, donc faire passer un message contraire. Je comprend parfaitement ce point de vue mais je considère que c'est vraiment du pinaillage puissance mille. Pour moi la raison c'est que le film a un ton très condescendant, considérant son propos non comme un simple avis mais une vérité absolue. Alors ça on loue ou on déteste, personnellement j'aime y voir un engagement de l'auteur à 100%, en plus quand comme "Lord of War" ou "99 Francs" le film s'amuse à briser le quatrième mur le ton condescendant passe je trouve bien mieux. Voilà au moins une oeuvre qu'on ne peut qualifier d'impersonnelle. Et puis le propos de Tyler, que lui considère comme la vérité, n'est pas exactement celui de l'auteur, qui condamne les moyens employés pour arriver à ces fins. Les critiques du fait que Tyler ne soit qu'un fantasme (de l'auteur comme du personnage) n'ont donc aucun sens, non seulement c'est totalement assumé mais en plus le fantasme est démystifié dans le film. Bon, je m'égare. Le film a longtemps trôné au sommet de la liste de mes petits préférés puis je me suis laissé avoir par ces critiques et l'ai un peu dévalué pendant un moment, jugeant qu'il s'agissait plus d'un effet de mode pour ado rebelle en mal de sensations fortes que d'un véritable chef d'oeuvre du 7ème art, c'est en le revoyant avec un œil neuf que j'ai pu mettre des mots sur ce qui m'y ait toujours plu: Le propos du film est multiple, il explore une tonne de thèmes différents mais certains me secouent tout particulièrement: le râle d'une génération qui n'a aucun but, le masque que l'on porte en société, la purge que représente la violence et dans la même logique, le besoin que l'on éprouve tous à un moment ou un autre d'en finir avec un système si sophistiqué et de retourner à quelque chose de plus basique, sauvage, tribal, aux fondamentaux quoi. J'adore aussi l'univers visuel et sensoriel que Fincher créé: "Fight Club" baigne dans une ambiance glauque légèrement cradingue propre aux films de Fincher mais, contrairement à ce qui me rebute un peu dans quelques unes de ses œuvres, le film n'est pas froid. L'environnement est froid, c'est vrai, mais les personnages qui s'y baladent sont chaleureux et bien que leur monde soit moisi, ils l'aiment moisi, un peu l'impression que me laisse "Orange Mécanique" d'ailleurs. Il n'y a qu'au Fight Club que ces mecs tombent le masque et laissent leur vrai "moi" prendre le dessus le temps d'un combat, pour ça je trouve que "Fight Club" fait ressentir plus efficacement que n'importe quel Rocky/Raging Bull/Million Dollar Baby (malgré l'estime que j'ai pour ces œuvres) l'essence d'un sport de combat. Enfin sauf peut-être Ashita No Joe. Va lire Ashita No Joe. Enfin ce que j'aime dans ce film sans parler des énormes qualités formelles comme la direction d'acteurs monumentale, des dialogues de fou furieux ou du twist cultissime, c'est que malgré son aspect résolument didactique, le film de Fincher reste très ouvert à l'interprétation du spectateur, au-delà de l'évidente critique de la société de consommation. Au final, "Fight Club": film anar ? film facho ? ou simple nihilisme pré-mâché ? Je ne prétend pas du tout avoir saisi l'oeuvre dans son intégralité ou même de la bonne manière, quand bien même je connais le film sur le bout des doigts la symbolique de ce putain de manchot m'échappe encore. Mais même partiellement il s'agit pour moi d'une oeuvre extrêmement riche et dense. Un film culte qui n'a pas finit de faire jaser.Un film, qui est mon favori