CRITIQUE et ANALYSE personnelles dans le détail du début jusqu'à la fin du film. Attention Spoilers!

David Fincher et son grand duo d'acteurs (Brad Pitt et Edward Norton) bravent les interdits avec Fight Club, qui dénonce la société de consommation. Combats libérateurs, sectes nihilistes, schizophrénie... tels sont les thèmes de ce film culte !


COURT RÉSUMÉ DE MON ANALYSE DU FILM:

Edward Norton est le narrateur et le personnage principal du film. Il travaille dans une société d'expertise à l'honnêteté douteuse et soufre d'insomnies. La société moderne dans laquelle il vit n'est qu'un marché où chaque être humain est un consommateur qui, à force de posséder des objets, finit par être possédé par ceux-ci. Le narrateur a conscience de cela, et c'est ce qui l'empêche de dormir. Son médecin lui recommande des groupes de discussion pour les malades atteints du cancer des testicules et autres : là, le héros découvre une première forme de libération, qui s'avérera cependant veine, car la présence perturbatrice de Marla (Helena Bonham Carter) – une touriste comme lui – à ces groupes le rendra de nouveau insomniaque.

C'est en la personne de Tyler Durden (Brad Pitt) que notre héros – qui souffre d'un semblant de schizophrénie – va définitivement s'évader. Tyler est l'antithèse et le modèle du narrateur. A eux deux, ils vont créer le Fight Club, un club dont les membres se battent entre eux pour s'évader de leur vie sociale où la consommation est la seule vérité, se connaître eux-mêmes, savoir qu'ils vont mourir un jour et s'exprimer librement... Le but pour eux est de vivre et goûter pleinement et librement cette vie !

Cet idéal – car c'en est un – va peu à peu dégénérer en une anarchie subversive, en plus d'être nihiliste. Le Fight Club se transforme en école de devoirs (chaque membre reçoit une mission à accomplir), d'autres Fight Clubs apparaissent dans le monde entier puis, petit à petit, naît le Projet Chaos, un projet visant à détruire les maisons mères des sociétés de crédit ainsi que l'immeuble TRW pour que le monde reparte à zéro. Le narrateur ne contrôle plus rien. De plus, il s'oppose à Tyler et met Marla (avec qui il a eu des relations, en tant que Tyler) en danger car elle en sait trop !

Ce film culte tiré du roman de Chuck Palahniuk est porté à l'écran par un David Fincher éclairé. Le message est bouleversant !!!




ANALYSE DÉTAILLÉE DU CONTENU DU FILM:

Le film "Fight Club" est tiré d'un roman de Chuck Palahniuk. L'ouvrage, rendu célèbre par le film, a rendu l'auteur connu. Cet auteur traite plus ou moins du même sujet dans chacun de ses romans, à savoir il critique la société d'aujourd'hui, à savoir une société de consommation! Le film a été réalisé par David Fincher ("Se7en", "L'Etrange Histoire" de Benjamin Button", "The Social Network"...). Qu'en est-il de l'histoire en elle-même ? Cet histoire raconte l'histoire d'un personnage – le narrateur (Edward Norton) – rendu mal à l'aise par la société et qui va faire tout pour la rejeter, à travers le fight club qu'il va lui-même créer avec l'aide de Tyler Durden (Brad Pitt). A côté de ça, il va aussi faire la connaissance de Marla Singer (Helena Bonham Carter), une femme qui se laisse aller. L'objectif de Tyler est en réalité la thèse du film : nous vivons dans une société de consommation sans libertés, et nous nous devons de nous en dissocier à tout prix, notamment à travers le combat des fight clubs, pour après refonder un monde meilleur, plus libre et plus humain. Je vais ici vous livrer une analyse philosophique du film, agrémentée d'explications et de réflexions supplémentaires sur les différents thèmes abordés dans le film : tout d'abord cette société de consommation, puis l'idée du fight club et des combats et, dans un 3e temps, de l'état psychologique de chacun des personnages.

Le héros est l'employé d'une société d'expertise à l'honnêteté douteuse. Le seul but de cette entreprise, c'est l'argent! La société de consommation est montrée et critiquée dès le début: une scène nous montre le narrateur dans son appartement, qui achète un tas de mobiliers pour soigner son image et vivre dans un certain confort. Mais il se lasse de cette vie sans rebondissements où la consommation est dominante. Il est atteint d'insomnies. Nous sommes dans une société de consommation où le matérialisme prime sur les valeurs humaines.
On ne s'en rend pas toujours compte, mais nous vivons bel et bien dans une société de consommation. Nous consommons tous: d'abord pour nos besoins essentiels (alimentation, logement, éducation, santé...). A côté de ça, nous accumulons des biens moins essentiels: ça peut être par plaisir, mais aussi et surtout à cause de la société dans laquelle nous vivons: une société où d'innombrables publicités et une constante pression sociale nous poussent à consommer. En fin de compte, c'est souvent pour des raisons esthétiques que nous consommons plus qu'il ne le faut: si nous ne consommons pas, nous sommes en partie exclus de la société.
Dès lors, nous sommes obligés de vivre dans ce monde et de nous adapter à notre entourage: nous devenons nous-mêmes des produits, parce que nous devons nous 'vendre', à savoir entrer en concurrence avec les autres (et nous-mêmes) pour atteindre l'idéal qui nous est imposé par la société de consommation, ce soi-disant idéal que nous retrouvons chaque jour dans les pubs et dans notre entourage. Dans le film, on montre clairement que l'identité de l'homme se confond, à l'extrême, avec son statut de consommateur.
Le problème de cette société est que les valeurs morales et humaines sont mises de côté: le but des entreprises qui poussent à la consommation est avant tout financier et, pour les hommes, le bien-être devient presque uniquement matériel, ce qui le détourne d'autres valeurs. L'homme est impliqué dans une machine de consommation: il est un consommateur et il est consommé. Ça devient une sorte de drogue: Chaque être humain se retrouve coincé dans une volonté de dépassement perpétuel de lui-même. On en arrive à d'autres problèmes comme la surconsommation par exemple.
On pourrait faire le lien avec Jean-Paul Sartre et sa théorie philosophique de l'existentialisme: nous vivons dans une société qui n'est que pure contingence et nous sommes forcés de nous y adapter. On retrouve l'idée du 'pour-autrui': on fait des choses de manière à être remarqué par les autres; bref, on consomme ... Tout comme Sartre a dit que 'L'Enfer, c'est les autres', on peut considérer que la société de consommation constitue en elle-même un enfer !
Et c'est pour ça que notre narrateur, un peu comme les personnages de la pièce 'Huis Clos' de Sartre, n'arrive pas à trouver le sommeil: à cause de cette constante pression de la société. Lui, ce qu'il veut, c'est se libérer, à savoir être 'en-soi' : libre et vrai (vis-à-vis de lui-même et des autres).

Toujours est-il que le narrateur souffre d'insomnie. Sa première réaction sera d'aller consulter un médecin qui le renvoie à des thérapies de groupe, à commencer par un groupe de discussions sur le cancer des testicules. Il va là dans l'optique de voir des gens qui souffrent plus que lui: là, il pleure avec les membres (c'est là aussi qu'il rencontre un certain Bob).
Le narrateur découvre une première forme de libération: les gens sont sincères dans ces groupes de discussion, et cela le touche. Il va également se laisser aller. Ces thérapies stoppent momentanément son insomnie, jusqu'à ce qu'il rencontre Marla Singer (Helena Bonham Carter), un élément déclencheur qui fera le narrateur se rendre compte que les thérapies de groupe ne lui suffisent pas:
Tout d'abord, les membres se laissent abattre plutôt que de lutter contre cette société dont ils sont exclus à cause de leur imperfection. Ils se laissent aller uniquement. De même, le mensonge de Marla le renvoie à son propre mensonge: lui n'est pas sincère dans ces thérapies, vu qu'il ne souffre d'aucun cancer du testicule ou de quoi que ce soit. Enfin, ces thérapies de groupe ne représentent pas vraiment une libération: c'est plutôt une forme de consolation, un petit moment de bonheur, pour que les membres se sentent moins seul.
Le narrateur a cependant acquis la certitude que Marla est une intruse. Elle ressemble au narrateur dans le sens où elle est un cas à part dans cette société, elle semble livrée au seul hasard. Sa technique: "Elle vivait en s'imaginant mourir à tout instant. Le tragique, disait-elle, c'est que ça n'arrive pas". Brad Pitt dit d'ailleurs plus loin dans le film qu'elle, au moins, elle essaye de toucher le fond... Elle est une sorte de modèle pour le héros...

Venons-en à Tyler Durden maintenant. Bien que son personnage apparaisse dans la scène dans l'avion, le personnage ne nous est pas totalement étranger, puisque nous pouvons le voir à trois reprises à travers des images subliminales au début du film. Tyler est l'antithèse du héros, de par son style, sa façon d'être, de parler etc.
Tyler est en fait le double du narrateur, lequel est atteint comme qui dirait par une forme de schizophrénie. Seulement, cette schizophrénie est ici plus utilisée pour des raisons scénaristiques, soit pour mieux dénoncer la société de consommation, plutôt que pour faire du personnage principal un malade mental.
Tyler critique la société de consommation, ce que le narrateur ne fait pas. Le narrateur ne parvient pas à se libérer et à se détacher de cette société: c'est pourquoi il crée inconsciemment Tyler – qui est un modèle pour lui – pour l'aider à se détacher de cette société. Le narrateur voulait changer sa vie mais ne pouvais le faire de lui-même. Tyler dit que "les gens font ça tout le temps. Ils se parlent, s'imaginent tels qu'ils aimeraient être, mais n'ont pas le courage d'aller jusqu'au bout."
Pourquoi le narrateur se crée-t-il Tyler ? Parce que, en Tyler, il peut dire librement tout ce qu'il pense (il le fait inconsciemment). Tyler n'est que le résultat de son nihilisme, de sa haine envers la société.
Par exemple, dans l'avion, Tyler dénonce l'illusion de la sécurité (l'oxygène fait planer, des issues de secours à 30 000 pieds de hauteur...), on apprend qu'il vend du savon tiré de graisse humaine (ironie du sort), il travaille avec des images subliminales (il pousse les gens à retrouver leur instinct animal, naturel et vrai).
Dans la scène où l'appartement du narrateur explose, c'est en fait lui-même qui, en Tyler, l'a fait péter. Pourquoi ? pour se détacher complètement de ses objets. En faisant cela, le narrateur perd son identité au sein de la société de consommation, car ces objets le définissent. Consciemment, il n'aurait peut-être jamais osé le faire.
Dans le bar, Tyler fait comprendre au narrateur que les objets ne sont pas nécessaires à la survie. Tyler explique que les êtres humains sont "des consommateurs, des dérivés d'un mode de vie obsessionnel. » A force de vouloir tendre vers la perfection, les gens n'évoluent plus. "Ce que tu possèdes finit par te posséder."
L'intention de Tyler est de vivre autrement que dans une société de consommation. Pour ça le premier pas à faire est de s'en détacher, d'où l'explosion de l'appartement, qui définissait le narrateur. Bien qu'il ait perdu ses biens, le narrateur n'est pas pour autant libre de cette société de consommation : il appartient toujours à cette celle-ci (esprit, travail, ...). Le processus de libération mené par Tyler ne fait que commencer...

C'est là qu'intervient le Fight Club, un passage obligé dans tout le processus que Tyler s'est mis en devoir d'accomplir. Tyler demande au narrateur qu'il le frappe: "Comment peux-tu te connaître sans l'avoir fait ? Je ne veux pas mourir sans cicatrices. " Ils vont alors fonder le Fight Club...
Le Fight Club a des règles pour rester secret: "Il est interdit de parler du Fight Club". Au passage, je ferai remarquer que toute culture se caractérise par cette création de règles à respecter, et que toute culture est menacée par leur non-respect (on peut donc se douter que le Fight Club sera facilement divulgué). Ici, le nombre de membres va augmenter petit-à-petit.
Au Fight Club, les membres doivent en réalité oublier tout ce qu'ils savent, tout ce qui appartient à cette société de consommation (ils enlèvent leurs vêtements, leurs montres etc. pour se battre): ils vont devenir libres complètement, avec un retour aux instincts primitifs. En outre, avec le Fight Club – un club clandestin – c'est un interdit de la société de consommation qui est brisé: pour être libre, il faut briser les interdits !
Mais pourquoi donc le combat est-il un moyen de libération ? Des réponses, on peut en trouver pas mal.
Tout d'abord, qui dit consommation dit dépassement de soi et dit concurrence. Par contre, l'objectif visé dans le combat est l'autodestruction de soi, à savoir pas de concurrence !
Le combat du Fight Club a aussi d'autres objectifs. Il existe des activités sportives incluant le combat dans la vraie vie: je ne parle pas des sports de combat comme la boxe... où le but est essentiellement de gagner (compétition). Je pense plutôt aux arts martiaux comme le kung fu, le tae kwon do, le judo, le karaté, l'aïkido... où il y a, en plus des techniques de combat, une dimension spirituelle et philosophique propre à chaque art martial !
Les enseignants d'arts martiaux sont des sortes d'initiateurs, des guides spirituels. C'est un peu le rôle de Tyler dans Fight Club car il dit à un moment: « Notre guerre est spirituelle ». La motivation première des arts martiaux est souvent liée aux instincts profonds de l'être humain comme la peur de perdre la vie ou le rang social acquis, etc.
En outre, les arts martiaux apprennent beaucoup sur la nature profonde et sur la vie de chacun: le guerrier ne lutte pas pour le pouvoir (il y a un certain respect de l'adversaire) mais pour obtenir la paix et, surtout, pour la liberté d'être. Les buts de ces combats sont la santé, l'humilité, et avant tout la maîtrise et la connaissance de soi! D'ailleurs, Tyler dit "Comment peux-tu te connaître sans l'avoir fait ?". Les réponses fondamentales concernant la vie ne se trouvent qu'au fond de soi. De plus, la maîtrise des arts martiaux est synonyme de confiance totale en soi. Les arts martiaux visent une unité corps-âme-esprit.
Les guerriers d'arts martiaux luttent en quelques sortes pour la paix, ce qui inclut également une certaine notion de solidarité. Tyler vise un peu le même but ici: celui de créer des relations entre chaque membre du Fight Club pour qu'ensemble, ils forment un groupe unifié luttant contre la société de consommation!
Le combat des Fight Club permet aussi à ses membres de s'exprimer, se lâcher, se libérer, dire « non » à la consommation. C'est une voie vers l'anarchie.
Aussi, dans les Fight Club, l'on parle d'équivalence des êtres: le Fight Club aide les membres à prendre conscience qu'ils ne sont rien dans ce monde: ils ne sont que des êtres faits de chair et d'os, qui vont mourir un jour. Le Fight Club vide chaque personne de ses connaissances afin qu'elle se détache de tout ce phénomène mondial de consommation, pour mieux repartir à zéro par la suite.
Je rajouterai même encore un dernier objectif à ces combats du Fight Club. A travers le combat, les opposant perçoivent des sensations: odeur (sang), vue (vision de visages sauvages et humains), coups et blessures, parole (hurlements), goût (sang dans la bouche). Les membres du Fight Club vivent leur vie pleinement. Ils goûtent leur vie, ils la ressentent, ils la respirent à plein poumons... Quand on se bat, c'est tout leur corps qui se met en mouvement et leurs sens sont aux aguets. Il y a donc un plaisir de vivre là-dedans, lié aux sensations. On retrouve le personnage du roman "L'Etranger" d'Albert Camus ici. Le narrateur ne couche pas avec Marla car la société l'empêche encore de se libérer totalement. Par contre, Tyler va profiter pleinement de ces sensations: il profite de la vie et des sensations du sexe.

Le film a cependant une dimention macho par moments, non pas voulue et pas mise en évidence, mais nécessaire à renforcer le scénario. Reprenons le personnage de Marla. Tyler dit d'elle à un moment: "Nous sommes une génération d'hommes élevés par des femmes, je ne suis pas sûr qu'une femme soit la solution à nos problèmes". Depuis qu'un individu nait dans le monde, il est élevé par ses parents, et par sa mère en particulier, laquelle va l'initier à la société. Par cette phrase, Tyler exprime un rejet total de la société.
Cependant, Tyler dit que Marla, au moins, "elle essaye de toucher le fond". Le narrateur doit se détacher de cette société, mais n'ose pas. Marla, elle, elle essaye totalement de se détacher de cette société pour être libre (sensations: elle fume, elle prend de la drogue, elle couche avec Tyler), elle ne dépend de rien sauf du hasard. Elle est le modèle qui va pousser le narrateur à se créer Tyler!

Le narrateur, même avec le Fight Club, ne se détache pas encore totalement de la société. C'est pourquoi Tyler va le faire passer par une autre étape: la brûlure de sa main avec de la soude! Ainsi, le narrateur aura droit à une initiation par la douleur. La souffrance est une humiliation, et c'est là que Tyler expose sa vision des choses.
"On est les enfants non désirés de Dieu: très bien!" dit-il. On retrouve la vision nietzschéenne qui dit que "Dieu est mort". Tyler veut se passer de Dieu, il n'accepte pas les vérités religieuses (damnation, rédemption...). Il faut être sincère avec soi-même: croire en Dieu, c'est fuir la réalité. En étant brûlé, le narrateur doit s'abandonner, sans crainte d'un jugement de Dieu. On peut profiter de la vie librement, étant donné qu'il n'y a pas un Dieu qui nous observe. La seule vérité que possède un être humain est: on meurt tous un jour!
Tyler dit également: "quand on a tout perdu, on est libre de tout faire", soit il faut accepter de tout perdre et devenir ce que l'on est: un être vivant, une pure volonté de puissance! Il faut réveiller les sensations vives en soi (d'où la nécessité de souffrir).
Plus tard, avec l'accident de voiture, Tyler dit "On a frôlé la vie un court instant". On retrouve toujours cette idée comme quoi l'autodestruction de soi est la seule façon de vivre pleinement sa vie.
Une nouvelle vie commence alors pour le narrateur, car il a désormais touché le fond. Maintenant, plus rien n'a d'importance, à part le fait de se battre, à part le fait d'exister, de se sentir vivre!

Le Fight Club va alors petit-à-petit se transformer en école de devoirs: Tyler confie des missions aux membres. Il vise l'anarchie! Les devoirs sont par exemple chercher la bagarre avec des gens dans la rue (le narrateur, entre autres, en profite avec son patron). Un autre exemple est celui de la scène avec le chinois, qui fait une petite référence à Camus et le sens de la vie (faire le métier que l'on désire exercer dans la vie, y prendre goût, et non pas se laisser aller dans une voie que l'on n'a pas vraiment choisie, ou encre ne jamais être vraiment heureux dans la vie).
Pour les membres du Fight Club, il ne s'agit plus de se détruire soi-même au sens simplement physique: il s'agit de devenir un agent anti-social (comprenons-nous bien: anti-social veut dire ici anti-société de consommation).
A un moment donné, le narrateur amoche un blond en se battant contre lui: "j'avais envie de détruire quelque chose de beau" dit-il. Par là, il annonce déjà sa volonté de détruire la société de consommation, cette société parfaite d'un point de vue matériel. Dès lors, l'anarchie prend place, le nihilisme se transforme en nihilisme subversif et le Projet Chaos prend le relais sur le Fight Club!
Bien que Tyler continue dans sa logique anti-société-de-consommation, le principe initial du Fight Club est dévié. Les Fight Club se multiplient. Du coup, devenant trop nombreux, ils deviennent incontrôlabes. Ça devient une sorte d'organisation terroriste.
A côté de ça, les idées se radicalisent, notamment par l'apparition d'une nouvelle règle: "Il est interdit de poser des questions". L'idée de 'pas de concurrence' est radicalisée: si personne ne sait ce qu'est la finalité de l'existence de cette communauté, elle ne pourra jamais entrer en crise. Personne ne pourra voler la vedette à un autre et l'idée de concurrence reste absente.
Les membres sont considérés comme 'rien'. Si chaque membre se définit comme néant, personne n'a de motivation pour se rebeller contre le projet.
En plus de ça, la philosophie idéaliste continue avec le Pojet Chaos, mais contient cette fois des contradictions, preuve de leur imperfection. Les devoirs que doivent exécuter les membres sont des obligations et des ordres: même si les membres ont choisi d'être là, ils doivent quand même obéir! Ce n'est plus vraiment une libération de soi, mais plutôt la soumission et le sacrifice de soi qui sont demandés désormais. On comprend que l'idéal d'une société libre est impossible, car il y a toujours une soumission. Au début du film, le narrateur explique bien ça: "il y a le temps avant le Fight Club, et le temps après le Fight Club", pour dire que seul le Fight Club a su atteindre l'objectif de libération !
Bref, il y a une dérive dangereuse qui s'opère: les participants du projet chaos se comportent comme des militaires (cheveux rasés etc.): On assiste à l'apparition d'un fascisme au sein du groupe. La violence elle-même devient impure, menaçante et oppressante.
A côté de cela, on assiste à l'évolution psychique du narrateur: il veut rester le chef du groupe. Il n'arrive pas à entrer dans la logique de Tyler, comme quoi il n'y a pas de chef! La non-existence de soi est à accepter.
Depuis le début du film, le narrateur lisait des articles médicaux où les organes parlaient, genre "Je suis la prostate de Jack". Il se sert de ce genre de formules pour exprimer ce qu'il ressent tout au long du film, et son 'Moi' va en s'effilochant. C'est à partir du moment où Bob meurt que le narrateur va peu à peu se réveiller, quitter un instant Tyler, et se rendre compte de la gravité de la chose. Il va devoir s'échapper de l'organisation parfaite qu'il a lui-même créée! Il met aussi Marla en danger: il se rend compte qu'il l'aime, mais elle en sait trop sur lui et Tyler, et devient une intruse pour le Projet Chaos. Le narrateur et Tyler vont dès lors essayer de se supprimer mutuellement.
A la fin, le narrateur supprime Tyler en se blessant: C'est de la pure fiction. Les bâtiments explosent: le narrateur n'a plus besoin de Tyler. Il est avec Marla, une nouvelle société va être créée, même s'il ne sait pas si elle sera meilleure ou non. Même si c'est le narrateur qui tue Tyler, Tyler a quand même remportée la partie dans la destruction des bâtiments et le narrateur finit par se rendre compte qu'il ne sait plus rien changer. Il accepte la tournure des événements: on pourrait voir aussi cet acte comme une fusion entre Tyler et lui, une compréhension mutuelle entre eux deux, même si Tyler n'a de toute façon plus de raison d'être!

En conclusion, on peut dire que "Fight Club" est un film très recherché au niveau de ses thèmes. La société dans laquelle nous vivons est une société de consommation qui nous empêche de vivre librement: le film dénonce cette société et met en scène une échappatoire, une solution idéologique, avec le Fight Club, groupe dont les membres doivent se battre afin de se lâcher complètement, de dire "non" une bonne fois pour toute à cette société qui fait d'eux des produits, et de revenir au propre de l'homme: un être fait de chair et de sang, doté de sens, et dont la seule vérité est le fait qu'il va mourir un jour. Tout le film suit une logique scénaristique parfaitement ficelée, et c'est dans la continuation de cette logique que l'on assiste à la dérive du Fight Club en un fascisme pur et dur avec le Projet Chaos. Le film nous a permis également de porter un certain regard sur le comportement psychologique du héros, atteint de schizophrénie, ainsi que de sa vision des choses: une vision éclairée, inspirée de Nietzsche, de la dimension philosophique des arts martiaux ou encore de la philosophie existentialiste! Le film nous a démontré que nous sommes tous prisonniers de cette société et il nous a également démontré que le Fight Club avait finit par présenter des failles. La question reste: "Comment lutter contre cette société de consommation pour que l'être humain ne devienne pas totalement possédé et pour que les valeurs humaines et morales restent existantes, de même qu'une certaine liberté!"


Notes :
- Je tiens quand même à signaler que la fin est ce qu'il y a de moins philosophique dans le film: c'est de la pure fiction qui sert à nous faire nous interroger sur ce qui pourrait se passer après, un peu comme une ouverture!
- En guise d'information: beaucoup de personnes (des adolescents surtout) ont lancé des semblants de fight club dans le monde (surtout aux Etats-Unis): certains ont dégénéré (il y avait des disputes parmi les membres), d'autres ont été arrêtés par la police. Il y en a un qui a duré un petit temps: le chef était un adolescent de notre âge qui avait l'intention de créer son propre projet chaos: on sait qu'il avait l'intention de brûler un immeuble en y inscrivant un smiley en flames (en référence à une scène du film). Il a été arrêté par les policiers. Tout ça pour bien vous dire que cette œuvre, même si elle contient une dimension philosophique considérable, reste une œuvre de fiction à ne pas envisager comme possible: c'est à prendre au second degré. Ce qui est important, c'est le message!

(Cette dissertation sur le film est un travail que j'ai choisi de réaliser dans le cadre d'un travail scolaire)

Créée

le 25 mai 2014

Critique lue 2.4K fois

7 j'aime

3 commentaires

Ciné-Look

Écrit par

Critique lue 2.4K fois

7
3

D'autres avis sur Fight Club

Fight Club
Gand-Alf
10

Sons of Anarchy.

Qu'une oeuvre aussi folle, aussi inconfortable, aussi ambigüe, aussi inclassable que Fight Club sorte d'un gros studio aussi conservateur que la Fox reste une des blagues les plus brillantes de cette...

le 19 juil. 2015

192 j'aime

24

Fight Club
Velvetman
8

La consommation identitaire

Tout a été déjà dit sur le film de David Fincher. Film culte pour les uns, film générationnel pour d'autres. Critique mercantile de la société de consommation pour certains, film d'homosexuels...

le 28 janv. 2015

154 j'aime

4

Fight Club
Ano
5

Je suis l'ego démesuré de Jack

Beaucoup pensent que ce film n'est qu'un éloge d'une sorte de société altermondialiste nihiliste prônée par le personnage de Brad Pitt; si bien qu'on reproche souvent à Fight Club d'être une repompe...

Par

le 5 févr. 2012

149 j'aime

13

Du même critique

La Maison de cire
Ciné-Look
7

Malgré ses défauts, "La Maison de Cire" est un objet de jouissance purement morbide et horrifique.

Même si les personnages et les dialogues n'ont pas grand chose d'attachant, et si le film s'inscrit dans la catégorie peu novatrice des slasher movies, "La Maison de Cire" est un objet de jouissance...

le 2 juil. 2013

16 j'aime

1

Automata
Ciné-Look
6

Un film intéressant sur l'évolution de l'intelligence robotique mais dispersif et manquant d'enjeux

Dans la lignée de grands classiques tels que "Blade Runner" et "Terminator", l'auteur-réalisateur Gabe Ibáñez nous propose sa version de l'intelligence robotique devenant supérieure à celle des...

le 2 nov. 2014

13 j'aime

Alien (OST)
Ciné-Look
10

Critique de Alien (OST) par Ciné-Look

Il existe deux versions de la bande originale d'Alien: celle utilisée dans le film et celle de l'album. En effet, Jerry Goldsmith avait composé de beaux thèmes musicaux pour le film, décrivant...

le 20 juil. 2014

7 j'aime

1