Nous sommes en 2010, voilà maintenant 15 ans que Freddy Krueger est officiellement mort. Bien sûr il est revenu en 2003 pour faire la fête avec son pote Jason mais le postulat du film restait bel et bien l'oubli du fossoyeur de Springwood par les jeunes d'aujourd'hui. La licence est morte mais la légende évoque encore quelque chose au gens. Mais que faire maintenant qu'il a été vaincu par la force de la persuasion, aspergé d'eau bénite, explosé par sa fille, évacué du monde réel et découpé en morceaux par le fils Voorhees ?


Jason Voorhees ! En voilà une bonne idée ! Ce bon vieux Jason a eu le droit, comme tant d'autres, à un remake en 2009 alors pourquoi ne pas en faire autant avec Freddy ? Bingo, cinéaste mongoloïde et producteur opportuniste Michael Bay ne rate pas cette nouvelle occasion d'apporter sa pierre à un édifice qui ne lui avait pourtant rien demandé. La recette de cette version est exactement la même que pour Vendredi 13, Massacre à la tronçonneuse, Amytiville ou Hitcher, à savoir un casting de beaux jeunes gens et un clipeur sans expérience ciné aux commandes. Résultat on retrouve cette imagerie propre à tous les films d'horreur de ces dix dernière années à base de stylisation crado-branchouille et de contraste poussé à fond. Ainsi le film frappe d'emblée par son manque total de personnalité visuelle et agace donc par le recyclage intensif de tics visuels et autres effets attendus. Freddy rejoint donc le rang des icônes du cinéma d'horreur projetées en plein clip de Marylin Manson, le malaise en moins puisqu'au delà des apparences il n'y a pas grand chose.


Nouveau départ donc nouvelle orientation. On dit adieux au génial Robert Englund et on dit bonjour à Jackie Earle Haley. L'acteur avait fait un Rorschach particulièrement réussi dans Watchmen et le voir endossé le rôle du tueur d'Elm Street donne confiance. Tueur ? Ah oui, mais en fait non. Fred Krueger n'est plus un tueur d'enfant, dans un soucis de dramatiser les enjeux (oui parce qu'un type qui égorge des petites filles ce n'est apparemment pas assez choquant) il est désormais pédophile. Toute les connotations sexuelles du personnage sont donc utilisées ici au premier degré et Freddy devient alors la culpabilité tordue qu'éprouvent les victimes de viol. Pourquoi pas, le concept même du tueur assassinant les gens au travers de leur inconscient est suffisamment riche pour y loger tout ce qu'on veut. Mais on regrettera que ce choix ne change finalement pas grand chose dans les personnages, si ce n'est rajouter une petite couche de sordide un peu gratuite. En effet la Nancy 2010 reste proche de la Nancy 1984 alors même qu'une telle révélation sur Freddy aurait appelé un bouleversement plus important.


Un ajout qui rend aussi certains détails inhérents au personnage assez curieux comme le gant. Avec le Freddy Tueur on sait que le gant était son arme de prédilection et le retrouver dans son incarnation maléfique parrait naturel. Avec le Freddy Pédophile on ne sait trop d'où il sort ni même ce qu'il est censé représenter pour le personnage. Idem pour les cauchemars. Abandonnant les délires bariolés introduit avec le 3ème épisode de la saga ce remake renoue avec les cauchemars "réalistes" se basant sur un réel qui dérape. On retrouve donc le motif de la fonderie, lieu récurent des assassinats. Pourtant cette fonderie n'a plus de valeur dans le remake. Dans l'original c'était le lieu de travail de Krueger ainsi que le repère où il tuait ses victimes, c'était son endroit à lui en quelque sorte, là où il avait le contrôle. Hors là c'est juste l'endroit où il se fait tuer, par hasard, et dans une pièce qui ne rappelle même pas la fonderie utilisée dans le cauchemar. De plus le Freddy Pédophile a bien une antre un peu cradingue dans une école mais étrangement le film met des plombes à l'exploiter, préférant le clin d'oeil sans intérêt au matériau original.


La pédophilie n'est pas un sujet de plaisanterie et c'est ainsi que Freddy devient un personnage beaucoup plus premier degré. Dans le maquillage déjà, le visage de ce bon Fred est bien plus proche d'un grand brûlé que par le passé, une recherche de réalisme que l'on retrouve aussi dans le jeu de Jackie Earle Haley, qui se la joue plus sobre, plus ténébreux mais malheureusement toujours aussi poseur. Si l'adieux aux punch-lines débiles des derniers volets n'est pas un mal on a du mal à voir dans ce nouveau Freddy un personnage aussi atypique et fort qu'auparavant. La voix, la folie, la gestuelle décalée d'Englund manque cruellement, Jackie Earle Haley a beau essayer d'imprimer sa marque, singer Englund aurait de toute façon été du suicide pire et simple, mais cette orientation transforme le personnage en méchant finalement plus classique. Il reste tout de même quelques bons moments et Haley confirme qu'il sait s'imposer à l'écran. Moins marquant, moins fort mais parfois efficace. Un compromis qui permettra aux néophytes d'éveiller leur curiosité mais qui n'en reste pas moins une vraie régression du mythique boogey-man.


Pour se démarquer le film introduit un élément nouveau : les micro-sommeils. Suite à la privation de sommeil prolongée le cerveau force le repos et le sujet s'endort pour de courtes périodes sans forcément s'en rendre compte. Une astuce qui permet de jouer sur les apparitions de Freddy de façon inattendue comme lors d'une séquence à l'épicerie très réussie où le personnage fait un ping-pong rapide entre le cauchemar et la réalité. Une idée qui est sans doute la plus grande réussite de ce remake mais qui ne sauve malheureusement pas un film apathique au dernier degré. Malgré les micro-sommeils qui boostent les apparitions de Freddy et toute l'esthétique déployée le film reste mou et assez pénible à suivre .La faute sans doute à ce nouveau Freddy plutôt banal, à une bande de jeunes pas attachants (Ronney Mara à l'air d'être là complètement par hasard), à un déroulement qui se perd dans des explications à rallonge et des rebondissement curieux (une maison alarmée dans laquelle on peut s'introduire par la fenêtre sans problème mais qui ameute tout le quartier par la suite parce que sans ça le film ne pourrait pas continuer) et à une imagination en berne côté mise en scène. Le film a facilement 20 bonnes minutes en trop. C'est cool de jouer avec la silhouette de Krueger en clair-obscur mais au bout du trente sixième travelling sur la griffe qui fait des étincelles pire qu'un chalumeau on finit par se lasser. D'ailleurs à force de bien segmenter rêve et réalité le film échoue sur son final, repris du film original. En 1984 toute la dernière partie du récit laissait un doute sur la nature de ce que l'on voyait et l'élégant enchaînement sur l'épilogue confrontait habilement le rêve et la réalité supposée. Ici le doute n'est jamais entretenu, ni dans la mise en scène, ni dans le scénario, mais on utilise tout de même un épilogue identique, car il reste choc... mais gratuit.


Le retour de Fred Krueger est donc raté, pas étonnant quand on prend en compte le pedigree de l'équipe ayant chapeauté. Cependant le griffu d'Elm Street s'en sort mieux que ses potes LeatherFace ou Jason puisque cette nouvelle version développe quelques bonnes idées et offre quelques passages efficaces, dans le genre "gloire des années 80 remise au gout du jour par Michael Bay" c'est sans aucun doute celui qui s'en sort le mieux. Malheureusement le film s'avère poussif et peu imaginatif, surtout pour un concept reposant sur le rêve et même si Jackie Earle Haley s'en sort bien le personnage même de Krueger s'avère trop plat. La composante fantastique des Nightmare on Elm Street a toujours été ce qui donnait aux films leur saveur et leur originalité, en voulant rationaliser au maximum les événements prend des allures de Slasher bien plus banal et donc forcément bien moins intéressant.

Vnr-Herzog
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le 3 avr. 2013

Modifiée

le 4 avr. 2013

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