Le cinéma publicitaire devrait-il seulement exister?

J'ai toujours été attiré par les films dont la seule finalité est la promotion publicitaire d'une marque écrasante : Hasbro avec G.I. Joe et Transformers (qui se permettait d'ajouter d'autres pubs bien visibles, au point de faire un clip sur les Chevrolet Camaro dans le premier volet), Apple et son gamin aux super-pouvoirs à la Pomme, I-boy (né d'une union monstrueuse avec Netflix) et Skype passé, en 2015, du côté de l'horreur avec Unfriended.


Il ne fallut pas attendre bien longtemps pour que Facebook saisisse l'opportunité de briller dans les salles obscures : un an suivant les premiers pas de Skype, ils s'essaient donc à l'épouvante adolescente par le biais d'une série b fauchée et sans grande communication de faîte pour bien la vendre, Friend Request, qui est, entre autre, dirigée par un allemand inconnu, un Verhoeven sans rapport familial ou artistique avec l'autre génie de Paul.


A la solde des studios (les auteurs doivent parfois se soumettre pour percer), Simon Verhoeven a accepté que ses dix premières soient quasi-exclusivement réservées à la promotion pure et simple du Goliath de Zuckerberg : la publicité ne plus à se faire passer pour ce qu'elle n'est pas, du cinéma, et occupe presque tout l'écran; elle réclame son dû en ignorant complètement ce que le spectateur attend en se rendant au cinéma : un film.


C'est en comprenant qu'ils font fausse-route sur toute la ligne que les trois scénaristes (les pauses-café étaient de rigueur, tous les quarts-d'heure) commencent à construire leu intrigue inepte en abordant de profond thèmes de société : la popularité de la beauté du lycée que tous rêveraient d'avoir, et la solitude des gens trop dark qu'on serait plus à même de croiser en psychiatrie que dans une faculté qui soigne autant les apparences (elle est quand même la seule à être si mal fringuée; c'est à se demander comment le vigile à pu la laisser entrer). Dès le début, c'est n'importe quoi : les clichés pullulent, les préjugés aussi, et la bêtise des personnages résonne en écho avec le manque de profondeur du propos.


Que l'influence néfaste des réseaux sociaux sur le développement personnel des ados (aux jeunes adultes), conditionnée par le harcèlement de groupe et le manque de confiance en soi décuplé par le culte de la personnalité populaire, soit si peu abordée alors qu'elle est incontournable lorsqu'il s'agit de s'intéresser à la vie parallèle des étudiants sur Facebook, laisse à penser que le principe publicitaire prend une nouvelle fois le pas sur le développement de sa branche artistique.


Ce qui aurait pu être une critique acerbe et réaliste de cette illusion du bonheur social, se rappelant qu'il faut vendre un sport publicitaire, pas un film d'auteur qui de toute façon n'intéressera pas le public ciblé, décide d'ignorer toutes les pistes possibles (et forcées par la réalité des faits) d'analyse en détournant le problème vers la société elle-même, et le caractère prétendument fou, nocif de ceux que le film considère comme ses rebus, ces marginaux qui "puent", et que Marina représente à bras levé .


Il inverse ainsi cet équilibre social librement consenti du persécuteur et du persécuté : le bouc-émissaire s'en prend à la star, sans développer pour autant de sentiment de revanche à la Carrie au bal du diable; sa critique sociale, malgré qu'elle inverse tout, n'a pas eu l'idée lumineuse de virer dans l'humour noir de la revanche des impopulaires opprimés. Non, il préfère s'engouffrer dans sa bêtise en présentant une héroïne populaire parfaite, vertueuse et juste, imposant comme figure de référence un type de personnalité si rare qu'il paraît complexe de certifier l'avoir croisée un jour.


Entièrement fait pour perpétuer l'idée selon laquelle il faut se rapprocher des populaires et ne pas côtoyer les fameux geeks de Freaks and geeks, Friend Request va jusqu'à faire passer les 800 contacts Facebook d'une star du bahut comme attestation de 800 amitiés; quel drame, alors que s'enchaînent les commentaires injurieux (qui induisent un manque de connaissance des moeurs des jeunes sur Facebook, particulièrement de ce réflexe de réflexion, à n'importe quelle publication étrange d'un contact, d'éventualité du piratage du compte Facebook), quel drame, oui, de les suivre la supprimer les uns après les autres, façon accéléré comme les humains en dehors du Cerebro dans X-Men, et la regarder bizarrement, à la faculté, comme Harry quand il se trouve au mauvais endroit, au mauvais moment.


Si loin de la réalité qu'on en vient presque à se concentrer sur cela plutôt que sur le manque flagrant de talent de ses acteurs, Friend Request, entre son écriture affligeante et sa mise en scène inégale (qui comporte cependant quelques cadrages réussis), est typiquement le genre de film paru trop tard : sorti à l'apogée du site (fin 2000-début des années 2010) ç'aurait été un succès conséquent pour la firme, ainsi qu'un film d'épouvante certes mauvais mais dont certaines séquences restent en tête.


Pour cela, fallait pas sortir au moment où Instagram a supplanté le Grand Bleu.

FloBerne

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