Gommer l'homme et réveiller la bête !

Le regard kubrickien sur la Guerre du Vietnam s'est manifesté tardivement, après plein d'autres. Alors, trop tard ? Oh que non ! "Full metal jacket" est une oeuvre si puissante et si criante de vérité qu'elle relègue à l'arrière-plan à peu près tous les films antérieurs, sauf "Platoon". Rien que ça !
Conviction de découvrir un nouveau chef-d'oeuvre de Kubrick - et donc du 7e Art - dès le générique. Vision de jeunes Américains subissant la formalité-brimade pour rallier les Marines : crâne tondu !
Livrés à un sous-officier sadique, ils sont ensuite amenés à obéir comme des moutons dans le cadre d'une instruction synonyme de dépersonnalisation totale ! Seule réponse valable : Sir, yes Sir ! Et on les encourage à considérer leur fusil comme une petite amie en lui donnant un prénom féminin !
Gommer l'homme pour mieux réveiller la bête via l'instinct de mort et de meurtre... Jamais le procédé d'aliénation appliqué par toutes les armées n'avait encore été montré à l'écran avec une telle violence. Et comme ça dure toute la 1re moitié du film, on finit vite par faire sien le calvaire de ces jeunes gens transformés en tueurs zombiesques.
Toutes aussi hallucinantes, les scènes où l'on retrouve certains au milieu des décombres incendiés de Hué, lors de l'offensive du Têt des Vietcongs. L'horreur quotidienne de la guerre qui éclabousse l'écran : sang, sueur et larmes.
Peu ou pas connus, les jeunes comédiens sont parfaits et donnent tout son caractère véridique - quasi-documentaire - au film. Amples mouvements de caméra et cadrages serrés illustrent une fois de plus la magistrale virtuosité de Kubrick.
Près de trente ans après "Les sentiers de la gloire", il démontre que l'antimilitariste forcené qu'il est n'avait toujours pas l'intention de retourner sa veste !