En mai fais ce qu’il te plait. Et profite du Festival de Cannes pour découvrir les pépites de cette année cinématographique déjà riche en surprises. Ce nouveau Gatsby est-il à la hauteur des ambitions qu’il affiche et saura-t-il faire sensation, comme Moulin Rouge il y a déjà plus de dix ans ? Rien n’est moins sûr, même si on doit reconnaître une volonté de bien faire de la part du réalisateur…
Gatsby n’est pas ni bon ni mauvais. On n’est pas en face de l’œuvre d’un tâcheron mais on ne retrouve pas la folie des grandeurs qu’affichait Moulin Rouge. Des boursouflures apparaissent ci et là et la volonté de faire dans la grandiloquence exacerbe parfois un sentiment de trop plein, comme après un repas de famille trop copieux. C’est esthétique, c’est plein de saveurs mais ça n’est pas savamment mélangé. Plus de deux heures de films qui nous oblige à assister à une fin trop sucrée, bien trop longue quand le début peine à tarder, l’entrée une fois servie étant déjà suffisamment copieuse pour arrêter de manger pour la journée.
Baz Lurhman sait y faire pourtant et les tragédies romantiques, il connaît bien. Il nous sert donc un Tobey Maguire à qui on reproche le rôle d’être un écrivain raté, effacé mais dont c’est la spécialité après tout, une Carrey Mulligan pas très inspirée et plus énervante que charmante et un Leonardo diCaprio qui a enfin grandi, richissime menteur, en quête d’un amour éternel, passionné et risible à la fois. Le trio d’acteurs trouve pourtant une alchimie certaine et on s’attache toujours plus aux rôles masculins et notamment à Tobey Maguire.
Question anachronisme, on s’y retrouve également avec en lieu et place d’une ambiance jazzie, Jay-Z. Le bat blesse cette fois tant on a l’impression de se retrouver dans un ersatz de Projet X dans les scènes de fêtes. Revisiter l’œuvre est une bonne idée, encore faut-il le faire avec une certaine élégance, notamment quand on adapte l’un des plus grands romans américains. Pour le spectateur averti, il vaut mieux éviter une 3D faisant office de démonstration afin de rentabiliser le surcoût imposé. Et les couleurs criardes imaginés par le réalisateur et sa femme n’en subiraient qu’un mauvais traitement.
Le réalisateur a voulu s’approprier le roman d’origine – ici non lu – et on comprend très vite que le personnage de Nick représente Fitzgerald, auteur dépressif qui aura connu de très mauvaises critiques à l’époque de la sortie du livre. Pourtant, difficile de ne pas faire un parallèle entre le réalisateur et Nick/Fitzgerald. Le point de vue est intéressant et on a même l’impression que l’on suit au plus près l’avancement du récit, l’écran n’étant finalement qu’un prolongement de l’œil du spectateur. En cela, c’est une réussite aussi bien esthétique que scénaristique.
Clairement, le film divise et ses nombreux défauts viennent entacher une idée de départ crédible. Et comme pour le repas de famille, on passe un bon moment, on ne regrette rien, si ce n’est peut-être d’avoir le ventre trop plein. Les retrouvailles sont de mise et on apprécie tout le monde, même les personnages énervants. On n’est cependant pas au niveau de Cannes, on en restera tout au plus au bon divertissement à regarder seul, en couple, ou entre amis, sans soucis, sans analyse profonde à faire. Ce qui n’est déjà pas si mal en soi.