Avec Monsters, Gareth Edwards avait joliment dépoussiéré le film de monstres en nous abreuvant d’un film post apocalyptique à la lenteur contemplative tout en instaurant une sorte de terreur presque lancinante. Visuellement impersonnel ou souvent influencé par Spielberg, le réalisateur réitère cette volonté de jamais tomber dans le spectaculaire outrancier mais voit malheureusement son film être dans l’incapacité totale d’éveiller une fascination monstrueuse ou d’imprégner Godzilla d’une quelconque atmosphère lyrique. Le film reste à hauteur d’hommes, on voit tout à travers leurs yeux à chaque instant ou presque, ce qui dans un premier temps permet de mesurer parfaitement une échelle de grandeur et d’entretenir une puissance visuelle presque vertigineuse à l’apparition des monstres extrêmement bien dessinés (le Godzilla a un côté old school et moderne assez classe) mais qui au fil du temps dessert complétement le fil de l’œuvre dans sa construction dramaturgique dénuée de toute ambiance anxiogène ou terrorisante car l’ambiguïté sur les intentions de Godzilla sont vite éludées, le sauveur de tout un peuple, détenteur d’un soit disant « équilibre ».
On suit les péripéties d’un couple insignifiant (lui est un militaire bouffi par la créatine avec un regard de bovin aux traumas jamais mis en abime et elle est infirmière, parents d’un gentil petit garçon = post 11 septembre oblige), on peine réellement à s’intéresser à leur sort et que dire de l’indigence des scientifiques qui ne savent pas quoi dire ni quoi faire, en roue libre totale avec leurs gueules d’ahuris. Mise à part cette toute petite première partie se déroulant dans une centrale nucléaire où l’on regarde un mari scientifique (Brian Cranston) essayer de sauver sa femme des fumées radioactives ( Juliette Binoche) et qui par la suite va tenter de découvrir ce mystère dans cette zone post apocalyptique (avec une relation père/fils non sans intérêt), on reste à quai durant toute la longueur de ce spectacle jamais ludique, presque désolé de ne jamais s’intéresser à ce que l’on voit d’un point de vue visuel et narratif. Notamment à cause de son scénario aux abonnés absents, d’un manque flagrant d’incarnation dans l’utilisation de ses personnages automatiques, dans l’absence dommageable de toute symbolique aux monstres (exceptée peut être cette allégorie sur la destruction nucléaire de ces monstres qui se nourrissent ou cette tentative foireuse d’humaniser ces grosses bestioles), de ce montage filmique fait de répétitions vaguement mystérieuses, d’ellipses inadaptées ou frustrantes.
Gareth Edwards aime beaucoup filmer les télévisions, c’est un fait indéniable car le réalisateur joue beaucoup sur la frustration, avec cette répétition de montée en puissance palpable dans la valorisation de la grandeur des monstres et au moment où l’on croit que le film va décoller, prendre une autre ampleur presque apocalyptique et dévastatrice, le film s’oblige à revenir à l’échelle humaine comme lors du premier combat avorté de Godzilla avec le Muto où l’on se retrouve éjecté dans la maison de la famille en voyant l’affrontement dans un écran de télévision et celui à San Francisco où les portes se ferment devant nos yeux un poil dégoûtés de se retrouver au côté de ses humains indigents. Et force de nous aguicher, de jouer sur plusieurs fronts, Gareth Edwards nous perd et n’arrive même plus à nous prendre par la main pour suivre avec attention un final qui en devient terriblement anodin malgré quelques plans larges à la classe picturale et d'une mise à mort finale bestiale.