Bon. Après un prologue très esthétique, apocalyptique et prometteur, après 18 introductions larmoyantes tirant sur la corde du "il faut venger ma famille/le soldat Ryan/mon poisson rouge" à grands renforts de violons et de piano compatissants, après des dialogues interminables entre "Je sais la vérité mais personne ne m'écoute !" et "Il est fou mais en fait il avait raison !", après des regards de merlan frit face caméra façon "Je vais agir mais... tout à l'heure, vers la fin du film"... Nous voici face à un mix pixellisé entre un Transformer mal dégrossi, une mite géante à tête de Yoshimitsu et des pattes d'araignée. Soit.
De nombreux bâillements plus tard, nous découvrons enfin notre terrible lézard... qui tente de se débarrasser, au ralenti -pour que le film dure 2h-, de la mite géante et de son acolyte, sous le regard médusé de nos personnages, somme toute, passionnants : un regard vitreux devant la TV, un regard vitreux derrière la fenêtre du salon, un regard vitreux derrière la fenêtre du bus, quelques larmes car les relations à distance sont pénibles pour tout le monde, MAIS heureusement le suspense ne faisant pas partie de ce film, tout le monde survit.
Qu'on se le dise, le seul moment du film m'ayant provoqué un sursaut est à attribuer au pigeon qui se prend la vitre du bus.
Le problème que m'a posé le film est donc multiple : non content de nous servir à la louche un ramassis de clichés scénaristiques (la famille parfaite vit un drame, il faut venger ce drame, le fils prodigue va sauver le monde pendant que sa femme l'attend gentiment à la maison en chouinant, le héros est prêt à se sacrifier pour sauver la vie des honnêtes citoyens MAIS il ne meurt pas à la fin, as usual), l'avancée de l'histoire laborieuse (créer de l'attente sur 1h55 de film au bout d'un moment, comment dire, c'est chiant -une spectatrice s'est d'ailleurs levée au bout de 25min d'ennui-), la palette TRES variée d'expressions faciales des acteurs (2 expressions et demi en crescendo : air de chien battu, regard vitreux, sourire mielleux) et, last but not least : le traitement des personnages féminins -aux petits oignons- qui mérite, si vous le voulez bien, que l'on s'y attarde un instant.
Nous avons donc, en tout et pour tout, 3 personnages féminins dans ce film (4 si on compte la mite géante) : la mère, la femme, la scientifique (et la mite, donc) qui reprennent les plus grands clichés misogynes qui soient, florilège.
1) La Mère Sacrificielle : Le début s'annonçait plutôt bien, malgré le sourire forcé-mère-de-famille-parfaite de Juliette Binoche, nous avions un personnage qui avait un travail, des responsabilités et, de surcroit, dans le domaine scientifique. SAUF QUE. *spoiler* Ce personnage meurt au bout de 5 minutes de film, à la scène qui suit sa parade en tant que chef d'équipe scientifique : dans le couloir de la mort, asphyxiée par une fumée toxique -et maléfique-, zut alors. Evidemment, nous assistons à son agonie à travers le hublot de la porte que doit refermer son mari (Bryan Cranston) s'il veut éviter que la ville entière ne soit intoxiquée par la fumée. Surenchère de violons. Zéro émotion, mais Bryan Cranston donne de sa personne, grimace et pleure sa Binoche perdue.
De là, le personnage de la mère est invoqué pendant toute la (courte) durée de vie du père (mission ensuite transmise au fils prodigue) comme injustice à réparer : Cliché n°1 "La mère sacrificielle comme faire-valoir de l'action entreprise par l'homme conquérant".
2) La Femme-Mère Nourricière : Notre héros est marié à une femme douce et souriante -modèle Moltonel : doux et soyeux- qui lui a donné un fils. Voilà. C'est à peu près le seul intérêt de ce personnage que nous voyons environ 4 fois dans le film : 2 fois à la maison devant la TV avec son fils/dans la cuisine en attendant le coup de fil de Papa-qui-sauve-le-monde ; 1 fois au travail (!) en tant que -guess what- infirmière qui court prendre le téléphone en pleurant, car son homme lui manque (c'est une femme fragile) ; 1 dernière fois pour les retrouvailles à violons. Cliché n°2 : "La femme-mère nourricière porteuse de la progéniture du héros".
3) La Scientifique Muette : Comme son nom l'indique, ce personnage au potentiel fort intéressant, ne parle pas. Mieux, elle reste bouche bée devant toutes les situations, comme deux ronds de flan, ne sachant quoi faire ou quoi dire -heureusement que les vrais scientifiques et militaires mâles sont là pour lui expliquer-. Le seul moment où le script lui accordera une réplique sera : "Attendez, je crois que j'ai compris, les mites cherchent un endroit pour s'accoupler !!!". Cliché n°3 : "La scientifique spécialisée uniquement en reproduction animalière -rapport aux mamelles, le lait, la vache, tout ça tout ça-".
4) La Reine Pondeuse : Enfin, pour parachever ce top 4 des personnages féminins, nous avons notre mite, certes, géante (comme le sont souvent les reines dans le règne animal), méchante et... enceinte ! En prime, *spoiler* nous avons droit à une petite séquence "Love-to-Love" où les deux mites se font des mamours au-dessus des buildings enflammés. Et c'est sur un gros plan de Godzizi, bien placé au-dessus (dominateur totaaal) de notre femelle-enceinte-ennemi-n°1 que le destin de notre héroïne tragique prend fin *spoiler* : littéralement pénétrée et désintégrée par le rayon fatal-bazooka-bleu que lui lance Godzilla dans un bouche-à-bouche du feu de dieu. Amazing.
Voilà. Je ne souhaite pas m'attarder sur la métaphore fumeuse d'une critique du nucléaire, le traitement superficiel des personnages, plus creux les uns que les autres (censé peut-être nous faire réaliser que nous, pauvres mortels, sommes impuissants face au cataclysme que nous avons nous-mêmes engendré), les gros bras des militaires face aux sourcils froncés des scientifiques perplexes (Ken Watanabe - Prix du Sourcil 2014) ... et si encore tout cela avait été orchestré de manière humoristique, à la rigueur, mais non, même pas.
Alors 4 étoiles, 1 étoile pour le prologue, 2 pour les quelques ralentis qui permettent d'apprécier les écailles et le regard de braise de Godzi et +1 pour son cri tonitruant qui m'a donné quelques frissons.
Je vous laisse, j'ai une sieste à terminer.