Ian Malcolm, mathématicien : « Hum ! Auriez-vous par hasard projeté d’avoir un Godzilla, dans votre film appelé « Godzilla » ? Hein ? Mmmh ? Hého ! Toc toc toc. Hého? Haaaa, alors? Oui ?

Gareth Edwards, réalisateur : Je crois que je hais cet homme...




Depuis sa création en 1954, Godzilla est devenu l'une des créatures les plus emblématiques du cinéma fantastique et demeure une icône mythique du folklore japonais. Du côté du soleil levant, il est le héros d'une série innombrables de longs métrages, mais vers chez nous, on n'aura pas eu grand chose à se mettre sur la dent depuis l'énorme déception de 1998, que l'on doit à un spécialiste du film catastrophe à gros budget, Roland Emmerich. Non seulement le film est un échec critique sans appel, restant encore considéré aujourd'hui comme l'un des plus gros ratages du cinéaste, mais il sera purement et simplement rejeté par les studios japonais responsables de la création du monstre. Du coup, dans une époque artistique où le remake est roi, remettre le gros lézard radioactif au goût du jour restait malgré tout un pari risqué.

Aux commandes de ce Godzilla cru 2014, on trouve Gareth Edwards, qui s'est fait connaître grâce à « Monsters », un drame intimiste sur le quotidien de rescapés au lendemain d'une invasion extraterrestre. Réalisé avec un budget minime, « Monsters » laissait justement les aliens en arrière plan pour se concentrer sur ses personnages. Edwards reprend ici le même système pour « Godzilla » et il est difficile de ne pas être décontenancé par son approche. Car ce qui peut marcher pour un road movie lyrique dans une Amérique dévastée, ne convient pas forcément à un blockbuster où l'accent est mis sur l'action et la destruction massive. En tout cas, c'est ce que laissaient croire les bandes annonces sensationnelles lors de la sortie en salles. Parce que dans les faits, nous sommes face à une version de « Godzilla » où le roi des monstres brille par son absence. Un comble.

Mais là encore, remettons le film dans son époque. Le Godzilla de 1998 est un produit typique de la fin insouciante des années 90. Les USA sont alors les rois du monde. A ce moment, les gros cartons sont Independence Day et Armageddon, deux gros nanars qui s'assument et qui nous proposent d'assister à l'anéantissement de villes entières, à grand renfort de pyrotechnie, en compagnie de personnages hauts en couleurs. Du divertissement efficace et sans autre valeur ajoutée que de nous goinfrer de popcorn dans une ambiance décomplexée. Mais c'est fini tout ça. Le Godzilla de 2014 arrive après les terribles événements qui ont marqué le début du nouveau millénaire. L'Amérique n'est plus à l'abri dans sa tour d'ivoire depuis longtemps. On ne rigole plus avec le terrorisme. Et quand la nature reprend ses droits, on n'envoie plus Bruce Willis sauver la planète avec un tournevis. Le film référence notamment les attentats du 11 septembre 2001, le tsunami en Thaïlande de 2004, et l'incident de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon en 2011. Le tout est montré de manière crue, avec un réalisme parfois terrifiant et exempt de second degré. Ici, l'accent est moins sur l'héroïsme patriotique et les vannes à deux balles, que sur le sauvetage des gens coincés sous les décombres. Dans ce sens, le film est fait avec les meilleures intentions du monde puisqu'il privilégie la tragédie à l'échelle humaine, au détriment du grand spectacle.

Mais c'est malheureusement sur ce point que « Godzilla » déçoit réellement. Mettre en avant les personnages plutôt que le monstre était une idée audacieuse et qui aurait pu porter ses fruits. Sauf qu'ici, ces derniers sont sans éclat, et le scénario s'emmêle dans des situations soporifiques et les poncifs habituels. Bryan Cranston, encore frais de son succès de « Breaking Bad », se lance dans une performance intense, à fleur de peau, qui augure du meilleur. Hélas, il laisse rapidement la place au jeune Aaron Taylor-Johnson, formidable dans « Kick Ass » mais ici, blême et insignifiant. Le casting est bon dans l'ensemble mais les comédiens n'ont jamais la chance d'exprimer leur talent. La faute revient surtout à l'écriture; les protagonistes se contentant généralement de débiter des dialogues d'exposition rébarbatifs et fastidieux. Le film aligne ainsi des scènes de panique aléatoires, des stratégies militaires interchangeables et des conversations téléphoniques entendues mille fois. Les acteurs principaux prennent tous leur rôle au sérieux mais ne donnent jamais l'impression d'avoir à faire face à un monstre préhistorique haut comme un gratte-ciel.

Mais vous me direz: « Et Godzilla dans tout ça ? » Et bien, déjà, on l'imagine bien plus qu'on ne le voit, et ce jusqu'à la bataille finale. Hop, on aperçoit ses piquants sur la surface de l'eau, hop on voit sa queue fendre l'air à travers un amas de fumée bien opaque. Et puis finalement, il lance quelques coucous à la caméra avant de repartir pour de nouvelles aventures. Même s'il n'est pas le seul monstre à l'écran, sa rare présence est terriblement frustrante. D'autant que le design peu inspiré de l'autre créature (merci « Cloverfield ») ne fait qu'accentuer ce sentiment de manque. De plus, on n'a droit qu'à une poignée de combats, et en dépit de « Finish Him » grandioses, les affrontements eux mêmes sont mous, faiblards et manquent cruellement de punch. Surtout comparés au récent « Pacific Rim », un autre film de monstres inspiré par l'univers nippon...

Grâce à un aspect visuel poussé et un traitement grave et respectueux de l'œuvre originale, ce Godzilla nouvelle génération permet enfin à la saga de redorer son blason sur le sol américain. Toutefois, cela ne l'empêche pas d'être décevant à bien des égards. « Godzilla » multiplie les contradictions et risque fort de diviser les foules. Les effets spéciaux sont splendides mais on ne voit que rarement la bête. L'accent est porté sur les personnages mais ils sont d'une platitude affligeante. C'est un film de monstres intimiste, réaliste et poignant, qui n'a aucune cohérence dans son scénario, qui délaisse son personnage le plus charismatique avant la fin de la première heure, et où la créature principale passe son temps hors champ. Ce Godzilla démolit peut être des immeubles, mais il ne casse pas des briques.
Nazgulantong
6
Écrit par

Créée

le 4 sept. 2014

Critique lue 306 fois

2 j'aime

Nazgulantong

Écrit par

Critique lue 306 fois

2

D'autres avis sur Godzilla

Godzilla
Saint-John
3

Monstres & Cie

J'ai jamais pu encadrer les monstres. Vraiment pas mon truc. Ça sert vraiment à rien un monstre quand on y pense, juste à vous foutre un chambard pas possible et à déféquer dans tous les coins de...

le 20 juin 2014

88 j'aime

29

Godzilla
zombiraptor
6

Le Géant de Terre

Le nom de Godzilla a depuis bien longtemps dépassé sa simple origine. Il est entré par les déflagrations de vigueur dans la culture populaire et s'est imposé en symbole de destruction apocalyptique,...

le 22 juil. 2014

86 j'aime

26

Godzilla
Sergent_Pepper
5

Batailles, FAMILLE, batteries.

Une fois n’est pas coutume, commençons sans ironie aucune par ce qui est sauvable dans ce film que je suis allé voir à cause de Stéphane Bou, qui dans un épisode récent de « Pendant les travaux, le...

le 4 juin 2014

67 j'aime

7

Du même critique

Le Petit Grille-pain courageux
Nazgulantong
7

The dancing toaster

-Harry ! - WHAT ? - It's an inanimate f*cking object ! - YOU'RE AN INANIMATE F*CKING OBJECT! (Bon baisers de Bruges) « Le Petit grille-pain courageux » est un film d'animation de 1987, adapté...

le 11 sept. 2014

7 j'aime

1

Onibaba, les tueuses
Nazgulantong
7

Onibaba

Sorti dans les années 60, durant le développement des courants féministes, Onibaba porte un regard glauque sur la sexualité de la femme. Loin des héroïnes innocentes et virginales hollywoodiennes, la...

le 14 août 2014

7 j'aime

Colors
Nazgulantong
7

Dennis Hopper voit rouge et broie du noir

- « Pop quiz, hotshot! Top! Je me suis shooté à l'oxygène chez Lynch, j'ai lancé la carrière de Néo sur les chapeaux de roue, j'ai roulé des mécaniques et de la Harley avec mon pote Fonda, je suis...

le 10 déc. 2014

5 j'aime