" What happens when you realize that the girl is gone? Quite simple: you understand that girl and boy are only skincoats, disguises to deceive you. Cause we're all souls without sexuality "


Comment ne pas donner raison à cette assertion de J.W.Wichtigtuer, grand tenant de la théorie des genres, qui dans son ouvrage Appearences démontre qu'il faut faire le distinguo entre être biologique sexué et être spirituel asexué?
Réponse: on ne le peut pas! Comme le prouve Gone Girl de David Fincher, lui-même une adaptation du roman de Gillian Flynn intitulé Les Apparences. Tout se recoupe !


En effet, David Fincher joue une nouvelle fois avec le thème de la démence, l'univers de la dualité et des sociopathes à l'image de Fight club dont il reprend par instants la vulgarité physique et verbale ou de Seven, interrogeant à nouveau les frontières entre Bien et Mal chez l'être humain.


Il en résulte Gone Girl, un thriller qui dépasse la simple définition de film policier pour définir l'humain et dénoncer les apparences et les effets de masse, trouver (ou pas) une réponse à certaines questions existentielles telles que: Qu'y-a-t-il dans la tête de l'autre?


En tant que thriller, Gone Girl est un David Fincher assez typique, sans grande surprise pour sa première partie: Une femme disparaît (Copyright Hitchie). On la recherche. On suspecte le mari que tout accuse.


La disparue se révèle une sociopathe qui a joué le rôle de l'épouse parfaite pour mieux tromper son monde et piéger son mari comme elle a déjà piégé un autre homme par le passé.


La deuxième partie est quant à elle plutôt inattendue. Elle semble un tantinet longue et poussive et tombe malheureusement dans une acmé de machiavélisme et de sang qui amène à douter de la vraisemblance des événements. L'on pensait que les révélations finales d'Amy dévoileraient le piège tendu tandis qu'il se referme sur Nick. Fincher surprend en en faisant le point de départ d'une intrigue digne d'Hitchcock, terrifiante.
Pari risqué qui a pour conséquence la captation d'un public qui pensait voir s'achever le film. Pari risqué qui s'inspire du faux départ de Psychose et transforme son film en autre chose qu'un simple polar à énigme, couronnant le souvent déprécié polar par procédure. En cela, Gone Girl passe du Fincher classique à un véritable petit bijou de fantaisie et de sadisme.
Mais c'est un pari problématique. Deux tons se juxtaposent et naît l'impression dérangeante que le film est trop long. Pourquoi? Parce que Gone Girl aurait pu s'imaginer sur deux volets: L'Enquête / Le Combat des apparences. Reste que toute la surprise repose sur l'unité du film et sur son épanadiplose grandiose:


le film commence et s'achève sur le gros plan de la tête de Rosamund Pike tandis que la voix off de Ben Affleck s'interroge quant aux pensées qu'elle abrite. Cette question, qui semble purement maritale au début du film, prend tout son sens répétée en fin de film: Ma femme, mon incompréhensible ennemie.


En tant que dénonciation sociale, Gone Girl emprunte les effets de foule aux films de Frank Capra: si Nick et Amy construisent finement leur image publique, c'est la foule qui décide de ce qu'elle veut retenir d'eux. Ce sont ces effets de foule qui refoulent Nick au rang de mari criminel et indigne


ou qui explique les incohérences pourtant criantes des déclarations finales d'Amy relatives à son kidnapping.


Il y a une condamnation du main stream qui se fait mécaniquement autour de tout événement rendu public. Ressort social blâmable tant parce qu'il est vain que parce qu'il est généralement le fruit d'une manipulation. Un simple couple s'arroge la place d'hommes et femmes politiques et pétrit la foule pour la placer de son côté et contre son adversaire.
Si cet aspect du film éclot avec les révélations d'Amy au spectateurs, il est déjà bien présent avec tous les flash-backs mettant en scène les entrées du journal intimes de la disparue: il ne faut pas croire tout ce que l'on entend et tout ce qu'on lit. Nous y reviendrons en fin de critique.


En tant que réflexion sur le couple, en tant que réflexion existentielle, Gone Girl s'ingénue à tromper son monde, proposant successivement une représentation misandre du mari infidèle et violent, agrémentée d'une représentation très féministe du duo d'enquêteurs où le personnage féminin tient le haut du pavé pour reléguer son partenaire masculin au rôle de pâle faire-valoir stupide et borné, et une représentation plus misogyne où les femmes deviennent des sociopathes extrêmement manipulatrices et hystériques, cerveaux de bande de petites frappes ou personnalité notoire apparemment au-dessus de tout soupçon.
Cette tromperie sert à faire passer le message suivant: la bonté et la malveillance ne sont pas une affaire de sexualité mais d'âme. Chaque individu est perpétuellement changeant et capable du meilleur comme du pire. Et ces régénérations perpétuelles de l'âme sont insensibles, impossibles à deviner. "What are you thinking?", "Quelles sont tes pensées?" , répète Nick au début et à la fin du film. "Qu'est-ce que nous nous sommes faits?". Autant de questionnements qui traduisent l'incompréhension des pensées de l'autre et des pensées de soi. Car "je est un autre".


Gone Girl est donc un film excellent qui souffre de sa longueur, longueur qu'il doit à sa volonté d'associer un long commencement sous forme de polar à énigme à un long développement muté en un polar par procédure qui finit comme un Mr and Mrs Smith plus sérieux et plus sombre. Une mutation de l'intrigue qui amène le film à imposer un dénouement qui manque un peu de vraisemblance.
Malgré ces quelques faiblesses, Gone Girl séduit par sa nature complexe et sa dénonciation des apparences.
Morales du film: il est impossible de savoir ce que l'autre pense et il ne faut pas croire tout ce qui se dit ou s'écrit.
Pour vous en convaincre, cherchez donc Appearences de J.W.Wichtigtuer.

Frenhofer
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le 17 janv. 2017

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