Ayant déjà fait montre d’une incroyable maîtrise des espaces avec L’Étrange Histoire de Benjamin Button, Fincher remet ça et donne tout dans la représentation spatiale de la maison en général, une géographie ménagère précieuse dans un film criminel. Criminel ? C’est là que j’avertis que cette critique sera toute en spoilers.


La conception policière de l’histoire ouvre sur une intrigue qui se construit un peu vite autour du doublet classique du détective américain et de son assistant (lequel tient un impressionnant second rôle). La précipitation se ressent ensuite dans une mayonnaise qui prend trop rapidement, des enflements pressés qui font figure de médiocres rebondissements. Mais c’est aussi une entrée sur une grande psychologie et une certaine charge émotionnelle, dispensées dans un ultime nuage de ratage qu’on détecte dans la trop grande préparation de l’ensemble (même s’il faut concéder qu’une intrigue complexe et claire ne laisse pas grande place à la spontanéité).


Abusant un peu des interstices flottants entre les scènes, Fincher construit des fondus émotionnels qui reproduisent bien la trépidation d’une enquête et qui font une bonne recette pour un film long. Et puis Gone Girl révèle qu’il n’est pas tant un thriller qu’un film psychologique, un Prisoners au goût de Columbo et de montée en puissance juridique. Le machiavélisme explose dans une horreur névrotique posant une grande question : de cette Gone Girl piégeant son mari jusqu’à le faire accuser de meurtre, ou du mari lui-même, qui est le pire ?


Médiatiquement intéressant, amenant la manipulation des apparences au premier plan, Fincher mélange domotique décorative, selfies et « wtf » interjectifs pour nous faire réfléchir au droit à l’image dans l’ère post-smartphonique. Un cadre nouveau où le réalisateur se donne à cœur joie pour disposer toutes les raisons qu’on a de profiter de chaque étape de la procédure, ne mettant jamais un personnage de côté, respectant toujours la plus pure priorité sans objetifier ses interprètes.


Bien qu’un peu systématique, Gone Girl est extrêmement satisfaisant dans plusieurs thèmes : policier, psychologique, il est aussi toujours porté sur son côté familial. Il explore les vraies apparences en se concentrant sur les fausses. Pensé pour ce qu’il est, il déborde juste un peu des contours.


Quantième Art

EowynCwper
8
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le 6 mai 2019

Critique lue 75 fois

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Eowyn Cwper

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