Bien qu’il s’est essayé à différents genres tels que la science-fiction (Alien 3), le drame fantastique (L’étrange histoire de Benjamin Button) et le biopic (The Social Network), David Fincher a toujours eu le thriller comme genre de prédilection (Se7en, Fight Club, The Game, Panic Room, Zodiac, Millénium – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes). Et c’est toujours dans ce domaine que le réalisateur nous revient, après un passage remarqué à la télévision (la série House of Cards) et un long projet qui n’a pas abouti (une nouvelle version de 20 000 Lieues sous les Mers), avec Gone Girl, attendu au tournant et annoncé comme l’un des meilleurs films de cette année 2014 (il n’y a qu’à voir la filmographie de Fincher pour en espérant tant !). Avions-nous eu raison de patienter autant ?

Quand on fait une critique, il est préférable de ne jamais spoiler le film, au risque de révéler certains éléments importants du film qui, pourtant, peuvent servir d’arguments solides. Avec Gone Girl, cela va être d’une complexité extrême ! En effet, le nouveau Fincher fait partie de ces films qu’il est formellement interdit gâcher le suspense sous peine, déjà, de se faire lyncher par l’assistance, mais aussi de pourrir le plaisir du spectateur. Car si vous connaissez le cinéma de Fincher, vous savez alors que le bonhomme sait y faire avec les thrillers au scénario tordu et travaillé au possible, ce dernier réservant tout un lot de moments inattendus. De rebondissements menés tambours battant jusqu’à, pou certains (Se7en, Fight Club, The Game) un twist final d’une ampleur démesurée. Tout ce que nous pouvons dire de la trame de Gone Girl, c’est qu’il s’agit d’un homme mettant tout en œuvre pour retrouver sa femme disparue lors de leur cinquième anniversaire de mariage mais dont il serait le coupable idéal. Et que tout cela est tiré d’un livre intitulé Les Apparences. Une fois ça bien assimilé, vous ne vous empêcherez pas de vous concentrer dès les premières secondes pour essayer de trouver les indices qui sauront vous dévoiler le film petit-à-petit. Surtout que le film ne fait que suivre l’enquête tout en proposant en parallèle des flashes-back révélant comment cette histoire d’amour s’est effritée au cours du temps. Mais avec Fincher, rien n’est simple ! Car le pitch principal du film ne concerne en réalité que la première partie de Gone Girl (c’est le seul spoiler que vous aurez dans cette critique). Le reste est une cascade de rebondissements véritablement inattendus qui vous dressent une image peu flatteuse du mariage.

Gone Girl n’est pas seulement un thriller de haute volée. Il s’agit également d’un drame conjugal d’une parfaite maîtrise sur bien des plans. Une sorte d’examen de la vie en couple qui se montre à la fois glacial au possible, via une mise en scène diablement oppressante : la musique de Trent Reznor et d’Atticus Ross, la photographie étouffante (dans le bon sens du terme) de Jeff Cronenweth, les lumières et couleurs grisâtres/jaunâtres qu’arbore le film… tout est fait pour que le spectateur soit mis mal à l’aise et qu’il ne sorte pas de la salle de projection indemne. Une incursion au pays des faux-semblants d’une redoutable efficacité, où chaque personnage dévoile au fur et à mesure ses diverses identités. Où les faits nous paraissent incertains quand ils nous sont racontés la première fois. Et quand Gone Girl s’aventure dans le domaine de la critique, le résultat n’en est que plus imposant. En s’attaquant aux médias, qui peuvent remodeler la vérité à foison et offrir une image contraire aux coulisses à ceux qui y participent, le mot « apparence » et le côté machiavélique du film prennent tout leur sens ! Ajoutez à cela un humour noir inattendu, mis à petit dose mais placé comme il faut dans le scénario, et l’ensemble se montre encore plus diabolique et malsain que sur le papier.

Alors, quand vous avez un casting aussi exceptionnel que celui-ci, la sauce ne peut que prendre ! Il faut dire que David Fincher, en plus d’être un conteur hors pair et un metteur en scène talentueux, sait diriger les comédiens comme il faut. L’exemple flagrant de Gone Girl est Ben Affleck. Comédien réputé pour son jeu assez fade, dont le réalisateur use ici à merveille. Comme d’habitude, Ben Affleck exprime des expressions qui paraissent maladroites et peu crédibles. Idéal pour un personnage qui a bien du mal à cacher ses secrets, non ? Quant à Rosamund Pike, qui a démarré par un James Bond (Meurs un autre jour) pour continuer sa carrière via des films indépendants (Orgueil & Préjugés, Une éducation, Le Monde de Barney, We Want Sex Equality) et des produits hollywoodiens (La Faille, La Colère des Titans, Jack Reacher), trouve enfin le rôle de sa carrière. Celui qui arrivera enfin à la hisser sur la marche des actrices à suivre ! Hormis ce couple, la distribution propose bon nombre de seconds rôles brillantissimes, allant d’un Neil Patrick Harris qui casse aisément son image de bouffon séducteur dans la série How I Met Your Mother à une Carrie Coon naturelle au possible, en passant par une Emily Ratajkowski (la brune du clip Burred Lines) qui s’en sort avec les honneurs pour sa première incursion au cinéma.

Si la filmographie de David Fincher touche la quasi perfection, avec des films d’une qualité exemplaire (malgré des débuts oubliables avec Alien 3), le réalisateur montre qu’il n’est pas prêt de se contenter de ses œuvres passées. Avec Gone Girl, le bonhomme nous livre une nouvelle réussite, si ce n’est le meilleur long-métrage de sa carrière. Un thriller déroutant et dérangeant, un uppercut douloureux qui montre le mariage sous un angle diablement pessimiste. À tel point que vous n’aurez envie que d’une seule chose une fois le film fini : courir dans les bras de votre conjoint et de lui lancer des « je t’aime » à tout bout de champ. Et même si vous retrouver contre lui vous rassure, Gone Girl restera dans un petit coin de votre tête pendant un très, très long moment !
sebastiendecocq
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le 25 oct. 2014

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