Le paysage du cinéma d'horreur français n’est pas encore très vaste, mais il gagne en qualité avec le temps. Cependant, il est réducteur de qualifier Grave de simple film d’horreur. Ça n’est pas pas un film avec du gratuitement gore. On y retrouve un vrai questionnement derrière. Aux premiers abords, on se demande "est-ce que Grave remet en cause la consommation de viande ?", mais cela sert finalement de couverture à un propos féministe, sur l’orientation sexuelle et la mise à l'écart dans la vie scolaire, … Bref tout pleins de sujets d'actualité et cela, de manière sous-entendu. La mise en scène permet d'éviter une certaine crudité de l'image. C'est très esthétique, un gros travail a été opéré de manière chirurgicale pour la lumière et la photographie, comme ce plan séquence en boite de nuit très technique et sacrement hypnotique (on sentirait presque la sueur dégoulinantes des étudiants et l’odeur de l’alcool et des mégots de cigarettes).
Là où Julia Ducourneau rend son récit intéressant, c’est qu’elle ne va pas trop en faire, elle ne cherche pas à se mettre au niveau des films d'horreur US. Elle fait son propre récit et sa marche ! Exit les codes du slasher ou du cinéma d’horreur fantastique, on est plus dans le body-horror (spécialité du cinéma français). Tout en évitant de suivre ses prédécesseurs proposants un menu trash-morbide comme A l'intérieur ou Martyrs (qui ce dernier vrille au turning point avec l'introduction d’une secte). L'approche est plus originale et on passe constamment notre temps à essayer de comprendre le personnage de Justine. Dans les films d'horreur US (type slasher), les victimes sont des produits, des clichés, voués à dépérir. Là, nous sommes face à un personnage qui construit son armure en étant à la fois protagoniste et antagoniste. Antagoniste d’elle-même, mais pas que …
Grave ne cherche pas à faire peur, mais plus à nous remettre en question en observant Justine et c’est ce qui va provoquer en nous ce malaise intérieur. Ce film est intelligent et brillamment mis en scène, surtout pour le premier long métrage de la réalisatrice adepte du format court. Peut-être que le scénario aurait pu être un peu plus étayer pour explorer les personnages (comme Alexia, la soeur de Justine), mais pour le reste, rien à dire !
Hypnotique, sensuel et malsain à la fois, Grave nous ouvre l’appétit avec un repas trois étoiles garantie.