Comment commenter ce film lorsqu'on n'est pas une spectatrice coutumière des space operas et qu'on a zappé tous les Starwars (oui, ça existe...) ?
Sur le bouche à oreille, je vais donc voir Gravity, sans trop savoir à quoi m'attendre, sinon le thème général - deux astronautes perdus et dérivant dans l'espace.
La scène d'ouverture fonctionne vraiment bien : le calme avant la tempête, réparations tranquilles tout en blaguant par radio. George Clooney qui se balade d'un point à l'autre en fauteuil motorisé, avec son éternelle nonchalance désabusée. Sandra Bullock qu'on sent déjà réservée, comme perdue en elle-même, et qui répond à Clooney alors qu'il parle depuis une demi-heure que ce qu'elle aime dans l'espace, c'est le silence. La planète bleue se porte bien, loin au-dessous d'eux, ils sont rattachés à sa vision, c'est magnifique de la contempler.
L'élément perturbateur arrive et le spectateur comme le personnage sont bien secoués ; par paliers tout le long du film, lorsque tout semblera s'arranger, on se doute que les rebondissements ne manqueront pas, et on n'est pas en reste côté suspense. Sandra Bullock est efficace dans ce type de film, c'est même sans doute une valeur-référence, ça fonctionne bien, même si j'ai trouvé son secret prévisible - quoique la manière dont il est révélé soit, elle, originale. Clooney disparaît trop vite et de manière un peu gratuite (mais peut-être avais-je plus envie de continuer le voyage avec lui ?). La psychologie des personnages n'est pas après tout ce qui compte le plus dans le film.
La morale du film : "lorsque tout est désespéré, il faut encore avancer" me donne l'impression de voir un énième film US... Elle est un peu rachetée par la fin, que je ne veux pas spoiler.
Et puis, l'image... La Terre, l'espace, la profondeur infinie, silencieuse et glacée. Les cosmonautes dérivant en tournant et virant sur eux-mêmes, les projectiles aux trajectoires aléatoires et meurtrières, les bases spatiales désertées, où tout flotte à l'abandon. Quel sentiment intense de solitude ! La 3D n'a, de manière surprenante, pas fonction ici de renforcer le grand spectacle, mais au contraire de conférer de la densité à la réalité de la situation. Par un reflet sur les scaphandres, un regard sur la montre, un gros plan sur un objet en apesanteur, on suit de près les deux personnages, on entre dans leur tourment, on se sent avec eux oppressés et découragés. On a un peu la tête qui tourne. Les brouillards rouges ou blancs devant leurs yeux se font réels, on nage aussi dans l'espace. C'est peut-être autant une prouesse technique que de se prendre virtuellement des OVNIS dans la figure.
Une scène superbe, comme une parenthèse dans le temps autant que dans l'espace, un sas de vie : Sandra Bullock entre dans le sas de Soyouz et retire sa combinaison spatiale, et avec elle tout le poids de ce qu'elle vient de vivre. Elle s'étire, replie ses longues jambes musclées et s'enroule sur elle-même comme un foetus. On sent que cela ne durera pas, mais c'est un instant parfait, une renaissance physique et morale. Cette image forte aurait dû servir d'affiche...
Aloha_Arthur
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus 2013

Créée

le 18 nov. 2013

Critique lue 357 fois

2 j'aime

Aloha Arthur

Écrit par

Critique lue 357 fois

2

D'autres avis sur Gravity

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

268 j'aime

36

Gravity
Strangelove
8

"Le tournage dans l'espace a-t-il été compliqué ?"

Telle est la question posée par un journaliste mexicain à Alfonso Cuarón lors d'une conférence de presse à propos de son dernier film Gravity. Question légitime tant Cuarón a atteint un niveau de...

le 23 oct. 2013

235 j'aime

44

Gravity
SanFelice
5

L'ultime front tiède

Au moment de noter Gravity, me voilà bien embêté. Il y a dans ce film de fort bons aspects, mais aussi de forts mauvais. Pour faire simple, autant le début est très beau, autant la fin est ridicule...

le 2 janv. 2014

218 j'aime

20

Du même critique

Grâce et dénuement
Aloha_Arthur
10

Gitans, si lointains, si proches...

J'ai donné la note de 10 à ce roman captivant et terriblement humain. Non que ce soit rare pour moi d'accorder une telle note - pourquoi mégoter quand le sujet est rare, la narration dense et...

le 11 janv. 2014

5 j'aime

4

Only Lovers Left Alive
Aloha_Arthur
10

Le manège du temps et de la mémoire

Retour d'un Jarmusch en salles : déjà on savoure. Quand en plus il s'attaque au mythe du vampire, on ne boude pas son plaisir. L'intrigue n'est pas sans rappeler "Les Prédateurs" de Tony Scott, dans...

le 25 févr. 2014

3 j'aime

1