Paul Schrader avoua que "Taxi Driver", dont il a écrit le scénario, est autobiographique. Il vécut en effet des situations similaires à Travis Bickle, dormant dans sa voiture, errant dans les rues glauques, en regardant des films pornographiques et en consommant des produits illicites. Pour lui il s'agissait en écrivant le scénario de faire une thérapie personnelle et selon Scorsese il s'agissait plus du film de Paul Schrader que du sien. Dans "Hardcore", le décor est le même que "Taxi Driver" - le quartier new yorkais du sexe - mais à la place de Travis Bickle le schizophrène, il y a un bon père de famille qui recherche sa fille de quinze ans ; elle a disparu de leur campagne, et il l'a vue dans un film porno.
Le personnage du père est excellent. D'un certain age, d'un physique semblable à celui de l'Inspecteur Derrick, il apparaît, dès la première scène (un repas de Thanksgiving bien loin de New York) comme un homme très pieu, veuf ; un peu coincé, mais profondément bon ("The pilgrim", comme l'appelle le détective privé). On attend la confrontation avec le milieu de la nuit avec impatience. Paul Schrader reprend un thème qui lui est cher, celui de la souillure. C'est bien le mot : l'on s'attend vraiment à ce qu'il soit souillé par ce milieu, et même, on en a un peu envie ; il faut dire qu'il est tellement coincé, avec ses costumes mal coupés et sa désespérante manie de dire qu'il ne s'intéresse pas au sexe ! Lui qui ne savait rien de ce monde là, flirte avec le péché tout le film, comme, cette rencontre avec cette prostituée fantasque, marrante et intelligente (la prostituée incarnée par Jodie Foster dans Taxi Driver dix ans plus tard?), et les discussions qu'ils ont sur le sexe. Comment peux tu ne pas t'y intéresser? lui dit elle. Pourquoi tout le monde s'y intéresse? Lui répond il.
Beaucoup de critiques reprochent à Schrader son manichéisme. Il ne s'agit absolument pas de manichéisme, et la fin est, je pense, faussement optimiste. Une fois rentré dans sa chaumière, quelles pensées hanterons notre héros? On retiendra en tout cas de ce film la formidable prestation de George C. Scott et ces scènes oscillant entre le ridicule et le comique, où il tente d'interroger des prostituées qui semblent obsédée par l'idée de lui faire l'amour! Une fois réalisé qu'il n'arrivera à rien en passant pour un client, il abandonne son costume cravate mal coupé pour passer pour un producteur de films pornos, vêtu de lunettes de soleil branchées et de chemisettes à motifs. Comme Travis Bickle, il a tout du anti héros.