(article disponible sur PETTRI.COM)


En 2005, Harry Potter revient à Poudlard pour sa quatrième aventure sur grand écran, toujours accompagné de ses deux fidèles amis Ron Weasley et Hermione Granger. Après Chris Columbus et Alfonso Cuarón, c’est Mike Newell qui est nommé heureux réalisateur de cet épisode central de la saga magique de Warner Bros. Désormais de vrais adolescents, nos héros sorciers reviennent pour une année particulière puisque Poudlard abrite le Tournoi des Trois Sorciers, une compétition ancestrale entre écoles de magie, dans lesquelles un élève de chacune des écoles est nommé champion pour concourir au Trophée des Trois Sorciers. Jusqu’à ce qu’arrive le jeune Harry Potter… En effet, alors que la limite d’âge minimum est fixée à 17 ans pour des questions relatives à la sécurité des plus jeunes, le nom d’Harry sort de le Coupe de Feu, quand bien même le champion de Poudlard était déjà Cedric Diggory. Ce Tournoi des Trois Sorciers à quatre têtes va mettre en péril les participants lors de trois épreuves toutes plus dangereuses les unes que les autres.


Suivre le chef-d’œuvre de Cuarón qu’est Le Prisonnier d’Azkaban est un défi en lui-même, d’autant plus que les films s’enchainent à une allure folle de presque un par an depuis le début. Plus encore alors que le quatrième roman de JK. Rowling est souvent cité comme le préféré des fans de la saga littéraire. C’est Steve Kloves, le scénariste des trois films précédents, qui est de nouveau chargé de faire rentrer 700 et quelques pages du roman dans le cadre d’un scénario digeste, pour que Mike Newell, réalisateur britannique de Quatre Mariages et Un Enterrement et de Donnie Brasco, puisse amener la saga dans des territoires encore inédits. Et en effet, en plus de donner une tonalité située entre les opus de Columbus et celui de Cuarón, Newell apporte de sa personnalité sentimentale, très proche de ses personnages et de leurs doutes. Cela donne donc un rythme plutôt lent, mais pas forcément ennuyant. Newell impose un ton et un rythme assez inédits au sein de la saga, à la fois lancinants et très bien gérés, dans un classicisme classieux. Il utilise aussi le prétexte du Bal de Noël pour transformer la saga en romcom teen, en plus d’avoir une sous-intrigue de romance entre Hagrid et Madame Maxime, la directrice de l’école de magie française Beauxbâtons, uniquement féminine. Harry a également le droit à sa première interaction romantique avec Cho, une élève de Serdaigle pour laquelle le binoclard craque complètement, mais qui n’a pour l’instant d’yeux que pour le beau Cedric. Ron et Hermione ont quant à eux des échauffourées qui compliquent une attraction naissante.


Évidemment, le film est une petite bombe technique, tant au niveau des effets spéciaux, très réussis, que du travail sonore, constamment immersif et recherché. Côté lumière et image, c’est le directeur photo Roger Pratt qui revient pour un second tour après avoir éclairé La Chambre des Secrets. Dès lors, les décadrages et débullages sont évidemment présents, avec des couleurs un peu moins ternes que dans le précédent épisode, on retrouve par moments de beaux oranges, de jolis bleus, la colorimétrie sombre et étouffante instaurée par Cuarón reprenant néanmoins ses droits lors des grosses scènes de tension (les épreuves du tournoi, le climax). La scène du labyrinthe notamment, met en scène une course à la terreur ambiante, dans une atmosphère de film d’horreur brumeux. Durant tout le film, une légère sous-exposition associée à une teinte verdâtre vient parfaire un style visuel définitivement très propre, en constante oscillation entre ceux des trois épisodes précédents. Le témoin le plus beau de cette esthétique assez hybride est probablement ce plan grandiose vers le début du film : la caméra s’approche doucement du Portoloin au raz du sol, en backlight. Tout n’est qu’ombre et lumière, le soleil couchant, pour un résultat tout simplement magnifique. Au niveau du look des élèves, on assiste à une refonte quasi intemporelle de leur style, cheveux longs, costumes sombres et désaturés, se prêtant parfaitement avec l’aspect rock 70’s et de teen romance cher à Newell. À en juger par la présence du super groupe composé spécialement pour le film par Jarvis Cocker, Steve Mackey (Pulp), Jonny Greenwood, Phil Selway (Radiohead), Jason Buckle (All Seeing I) et Steven Claydon (Add N to (X)), qui ont fait trois chansons pour le film. Pour le reste de la musique originale, c’est Patrick Doyle, fréquent collaborateur de Newell ainsi que de Kenneth Branagh et de Régis Wargnier, qui reprend les rennes des mains de John Williams – grosse responsabilité donc. Et c’est avec une réussite certaine qu’il signe une partition précise et belle, quasiment entièrement nouvelle puisque ne reprenant que le fameux Hedwige’s Theme du maestro.


C’est la crise qui définit la vie et le récit de Harry Potter. La Coupe du Monde de Quidditch est plus teasée qu’autre chose, car le coup d’envoi donné, on cut habilement pour en revenir à l’essentiel : une attaque de Mangemorts dans le camp de supporters. En 2005, cette scène de chaos, de panique, presque une scène de guerre, agit en effet comme un reflet de notre monde, de plus en plus touché et marqué par le terrorisme – et encore plus de nos jours. La menace terrifiante que représente Voldemort est plus prégnante que jamais. Jusqu’à cette fin, où on assiste à la renaissance littérale du Prince des Ténèbres. C’est Ralph Fiennes, reptilien et intense, qui prête ses traits au grand méchant, dans une séquence glaciale et tendue, promettant des altercations futures entre les deux ennemis des plus passionnantes. Mais bien avant cela, dès l’ouverture, on assiste à une scène sombre et cauchemardesque, où un Voldemort encore amoindri tue de sang-froid un vieux Moldu, accompagné de son fidèle serpent Nagini, de son serviteur Queudver (Timothy Spall) et de Barty Croupton Jr, interprété avec réelle folie par David Tennant (Broadchurch, Doctor Who). Côté nouvelles têtes, on a donc Fiennes et Tennant, mais aussi Robert Pattinson (Cedric Diggory), Miranda Richardson (Rita Skeeter) et la française Clémence Poésy (Fleur Delacour), championne de l’école Beauxbâtons, qui reviendra plus tard dans la saga. On assiste aussi au retour de l’ignoble Lucius Malefoy, qu’on adore détester, toujours interprété par Jason Isaacs, véritable ordure nuancée. L’irlandais Brendan Gleeson interprète pour la première fois le sempiternel nouveau professeur de Défense contre les Forces du Mal, Maugrey Fol-Oeil. Dès le premier cours, l’ex-Auror enseigne à Harry et ses camarades les trois sortilèges impardonnables, pas moins. Intrigant, parfois drôle parfois inquiétant, l’acteur livre une performance tout à fait superbe, d’autant plus quand vient la révélation finale.


La mort imprègne le film dès les premières images du film. Le film s’ouvre sur des crânes empilés, alors que Nagini, le serpent de Voldemort, traverse un cimetière, ainsi que la stèle des Jedusor, ornée ni plus ni moins que d’une statue de La Mort. Ce cimetière sera également le théâtre de ce que sera le climax. De ces scènes sombres émane tout de même une once de lumière, d’abord depuis la fenêtre qui alerte le vieux gardien Moldu du cimetière, puis sa lampe torche, sur laquelle on insiste. Mais toute cette scène est bel et bien un cauchemar. Ou bien… Harry se réveille, alors qu’Hermione éclaire son visage avec une bougie. La lumière, l’espoir, c’était déjà un motif récurrent du film précédent. La lumière, c’est Harry, le seul espoir de ce monde. Constamment isolé dans les cadres du Prisonnier d’Azkaban, il est complètement mis à l’écart de ce Tournoi, même au sein des élèves de Poudlard, sa propre école. Tous sont contre lui, même son éternel ami Ron, dont l’antagonisme relance l’intérêt de leur relation et leur dynamique, ainsi que celle du groupe qu’ils forment avec le personnage d’Emma Watson et les rôles secondaires (Neville, Seamus, les sœurs Patil, etc.). Pour assurer sa grande tâche, il sera aidé, mais devra quand même affronter seul Voldemort. Ses seuls appuis à ce moment seront des « fantômes » (de sa propre invention?), qui agissent contre les spectres de mentorat tels qu’ils apparaissent dans Star Wars. Des morts, donc.

JobanThe1st
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le 3 juil. 2019

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Jofrey La Rosa

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