Je connais un mec qui s'appelle Henry, je l'aime bien, c'est mon pote. Bon c'est de la catégorie de potes de palier tu sais ? Le mec habitait sur le même palier donc, de fil en aiguille, on est devenu des potes. Le truc banal. Il s'appelle Henry-Hugues pour être précis mais on l'appelle Riton. Il est sec comme une allumette, bridé comme un chinoique (sa maman est chinoise) et il parle, surtout quand il a picolé (et il picole), avec un accent antillais. Son papa est des Antilles c'est normal. Tout ça pour dire, c'est le seul Henry que je connais, et il est flippant. C'est le mec avec qui on descend, consciencieusement, mes bouteilles de rhum arrangés. On adore celui à la banane. Il est à la fois musqué et doux, un ravissement pour les palais de connaisseurs. Et puis il fracasse sévère. On aime bien. Surtout quand on a le bec un peu sec d'avoir trop tiré sur les jolies cigarettes artisanales de sa confection. Le mec dit à qui veut l'entendre que c'est son métier : rouleur de spliffs. Qu'il a été formé aux Pays-Bas, par Hans Voernoeckizper, le grand spécialiste du neuf feuilles ¾ pendant sept longues années avant de valider cette formation par un stage de quatre ans à faire des soufflettes en Californie. Auprès de gens en fin de vie. Le mec qui a le cœur sur la main. Il a tout plein d'histoires à raconter tout le temps, faut pas être gêné par les mecs qui ont trop de salive dans la bouche et qui bavent un peu. Tu me diras, ça peut être pratique d'humecter à qui mieux-mieux. J'aime pas penser qu'il a léché le papier pour coller le cône. J'aime pas penser à ça, je ne sais pas pourquoi. Pour te dire la vérité, j'évite de le regarder faire quand il en est là. Comme si le fait de ne pas voir faisait que l'acte n'existait pas. Faut être con. Ça serait comme voter FN et feindre de ne pas voir le petit duvet sur la lèvre supérieure de Marine. Enfin, je fais des manières mais ça ne m'empêche pas de tirer dessus comme si ma vie en dépendait quand c'est mon tour de téter le fumet de ses herbes provençales. Comme quoi, on peut avoir des convictions et ne pas les mettre en pratique.

Librement adapté de la misérable vie du serial killer Henry Lee Lucas, meurtrier notoire qui aurait tué sa première victime à l'age de quatorze ans, « Henry, portrait of a serial killer » est une exception notable dans la fourmilière sans cesse en mouvement que sont les films consacrés à ces types, les tueurs en série. Le producteur qui voulait qu'on lui emballe pour quelques milliers de dollars un film avec de la violence et du sexe dut être fort désappointé face au résultat. Car il se retrouvait avec un joli OFNI entre les mains, loin du jackpot assuré qu'il devait espérer en finançant une telle expédition.
Car s'en est une, une véritable. Dans les tréfonds du mal,sans armure, sans une porte à refermer pour ne plus être témoin de cet étalage. Pas de stylisation, la violence est telle qu'elle est, moche, dégueulasse, on ne l'admire pas, on la subit elle fait mal.Sans jugement, sans emphase. Juste porté par la folie dévastatrice qui ne peut provoquer que malaise et dégoût. L'image est épaisse comme le sang qui coule, granuleuse, sale, comme une bouillie infâme que tu te forces à avaler, parce qu’il n'y a que ça à bouffer. C'est glauque et les voyeurs que nous sommes en ont pour leur argent, jusqu'au haut le cœur.Notre goût du sang McNaughton l'attise, cette pulsion macabre qui nous habite, il nourrit jusqu'aux vomissements. C'est cette authenticité, cette absence de fard, il ne reste que la cendre, qui marque et pose ce malaise. Et aussi le fait qu'Henry soit le seul personnage auquel il nous offre de nous identifier. Je le dis vite mais c'est pourtant la mécanique vicieuse qui fait que ce film marque au fer rouge, laissant tes chairs endolories, et ce refus de tout suspense, de tout explication rationnelle, sinon, que ce sont des animaux éloignés des hommes, pire, ils sont le pire qui puisse arriver à l'être humain. Lui donner un miroir pour qu'il regarde au fond de son âme. Bon faut être costaud.

Un peu comme Riton, ce con, quand il a un coup dans le nez, l'esprit embrumé et que tu lui expliques qu'il faut qu'il arrête de gerber sinon j'appelle les flics, qu'il est pas chez lui. Si si, chez lui c'est en face!Il ne va quand même pas se vider, déverser sa bile sur mon lino d'occasion ! Faut pas déconner.

Dégage Riton, ça va 5 minutes.
DjeeVanCleef
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le 29 mai 2014

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DjeeVanCleef

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