Un film qui avait tout pour me plaire, mais peut-être parce que mes attentes étaient élevées, m'a profondément déçu. Qu'on ne se trompe pas, il s'agit bien d'un bon film d'un point de vue artistique (ou technique). Les acteurs sont très bien dirigés, la mise en scène, les plans sont réussis, l'éclairage et la photographie excellentes. Les premières scènes sont même très prometteuses.
Problème : le film ne développe jamais son propos, ne semble parler de rien, et ne décolle jamais. Certains peut-être peuvent passer outre ce vide, tisser à partir de lui un ou plusieurs sens, interpréter a posteriori, extrapoler les symboles, imaginer. Ou alors dire que c'est justement un film sur le vide, l'étirement, la lenteur infinie et absurde des jours perdus dans l'espace, ce qui à mon sens n'est pas un argument dans le sens où le vide parle rarement de lui-même. Pour ma part l'écueil est trop grand, et je crois peut-être naïvement qu'un(e) réalisateur(trice), un(e) auteur(e) et tout(e) artiste devrait avoir au moins un petit quelque chose à dire, et le dire avec un minimum de clarté.
J'ai vu ce film au cinéma, il était suivi d'une discussion avec Claire Denis. C'est peu dire que celle-ci a peu éclairé les spectateurs sur le sens de High Life. Le seul indice nous a été révélé en préambule de la séance, la réalisatrice nous ayant confié s'être demandé après la lecture d'un article sur les condamnés à mort et à perpétuité comment la société pourrait rendre ces gens utiles (je ne crois pas spoiler en révélant que dans le film, les passagers sont non seulement inutiles mais très coûteux, ce qui est étrange).
Quant à l'incompréhensible omniprésence du sexe, l'idée lui est venue "par la suite", au cours des longues années d'écriture du scénario (!!!), et il semble indépendamment de l'idée de départ. Pourquoi pas, si seulement celle-ci avait pu donner sens au récit au lieu de le fourrer (pardon) comme on garnit de laine de verre des combles humides.
A la liste des références de la réalisatrice, Interstellar est rejeté avec l'argument que "le processus d'écriture" était déjà trop avancé quand elle a vu le film (ne jamais paraître élitiste, du moins pas directement - d'ailleurs elle rejette à demi-mots l'appellation sans doute par trop vulgaire de science-fiction) malgré les ponts évidents entre les deux œuvres. Mais la filiation du 2001 de Kubrick est acceptée volontiers (sans être expliquée). Aucune mention n'est faite des Solaris de Tarkovski et Soderbergh ou du Sunshine de Danny Boyle.
Jean-Luc Nancy, présent également, ajoute que le film est une métaphore incroyablement subtile de l'inceste (ainsi la scène finale, le "trou noir" - je ne m'excuse pas ici ce ne sont pas mes propos - et le sexe à toutes les sauces). Claire Denis sourit en coin en hochant la tête : voici une interprétation profonde et freudienne qui la satisfait tout à fait. C'est déjà ça.