Ah Borowczyk : la France cinéphile serait-elle enfin prête à (re)découvrir son cinéma incroyable ?Grâce à Carlotta, oui enfin...
La sortie du coffret Boro est si un grand événement, qu'on en oublierait presque deux tristes points : 2/3 des films sont privés du format blu-ray (ce qui n'était pas le cas dans le coffret anglais Camera Obscura, sorti il y a deux ans) et l'absence du fabuleux Intérieur d'un couvent (son dernier grand film) se fait cruellement sentir. Par contre, la surprise de taille c'est bien la présence d'Histoire d'un péché, qui lui avait été oublié par l'éditeur anglais Arrow. Mais il faut bien avouer que l'oeuvre en question est nettement plus proche de la curiosité que du très grand film oublié...


Il faut dire qu'avec un souvenir assez médiocre du métrage, ce n'était pas gagné : il faut savoir réapprecié la chose, enfin dans des conditions décentes.
Avec une reconstitution du début du XXème siècle tenant pratiquement de la maniaquerie, Histoire d'un péché fait croiser le regard d'Ewa, une fille de famille modeste, et de Lukasz, un homme en instance de divorce logeant la chambre au bout de son couloir. Une romance vite contrariée par des départs soudains, des problèmes juridiques, un duel...De Varsovie, c'est dans l'Europe toute entière qu'Ewa va se trimbaler à la recherche de son amant, vivant de bien tristes mésaventures jusqu'à finir dans les bras d'un sinistre maître chanteur, puis enfin sur le trottoir. Entre Dostoïevski et Zola, Histoire d'un péché se révèle sur le papier comme une histoire bouleversante. A l'écran ,c'est autre chose...
Gracieusement sélectionné en 1975 à Cannes, Histoire d'un péché a été réalisé on ne sait comment peu après le monstrueux Contes Immoraux, en réalité des courts-métrages étalés sur plusieurs années. On veut bien croire que Borowczyk est mis toute son énergie dans son chef d'oeuvre pour n'en laisser très peu dans cette fresque cruelle, étrangement académique de sa part. Sa verve surréaliste ou poétique se résume à une très utilisation de quelques pétales de rose et sa caméra semble définitivement détachée de son interprète principale, pourtant très convaincante. Quelque chose ne marche pas ici : Boro maître des visages, des corps, des regards, semble ininteressé par sa comédienne. Si le sexe est au centre de tout dans cette histoire, il n'est que rarement filmé par son auteur, de même que la nudité. Une séquence, une seule, déchaîne un superbe trouble : lorsque Ewa s'offre au comte qui l'a aidé pour mener à bien une arnaque impitoyable. Le garçon, follement amoureux, livre toute sa passion alors qu'Ewa - sans doute toute aussi remuée - se prépare à l'empoisonner. Mais là encore, la scène est entièrement filmée dans l'obscurité, ce qui parait fort contraire à l'esprit Boro. Très curieux.
Ce qu'il perd en subversion, Histoire d'un péché pourrait le rattraper en émotion : mais le leitmotiv musical vite lassant et la scène finale terrible, que Borowczyk préfère tourner en grotesque, gâchent les dernières cartouches. Sur un sujet voisin, mieux voir revoir Women in Love ou Katie Tippel...

Jironimaux
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le 16 févr. 2017

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