Après quelques années de retard, et moultes recommandations de la part d'amis que j'ai gracieusement ignorés, un soir, je me suis confortablement installée devant "About time", que j'avais choisi à défaut de n'avoir rien d'autre à regarder. Et quel délicieux hasard !


Tout d'abord, (ô originalité) je ne suis pas très fan des comédies romantiques. On en a soupé des films ultra-prévisibles (dont même l'affiche trahit la fin) style "Ma vie sans lui" qui sortent par centaine chaque année et qui finissent aux oubliettes deux semaines après leur sortie. Ma seule exception à cette règle, c'est "Love actually". Et surprise ! C'est au réalisateur de "About Time", Richard Curtis, que nous devons cette comédie romantique de 2003 qui a su mettre d'accord les plus sceptiques d'entre nous, rassemblant son public autour de la filiation, la famille, et pas seulement l'amour, mais aussi la solitude et la pénibilité des rapports sociétaux. Richard Curtis, à qui l'on doit également "Good Morning England" ("The Boat that Rocked" en anglais) m'avait donc déjà conquise sans le savoir (car j'ai su que c'était lui seulement après avoir vu "About Time"). Il a cette capacité à viser juste dans ses choix d'acteurs (le trio gagnant : Bill Nighy et son éternel sarcasme bienveillant, Rachel McAdams et sa moue légendaire, et surtout Domhnall Gleeson, incroyablement touchant dans un rôle principal presque fait sur-mesure), mais surtout à viser juste dans son histoire.


L'histoire, justement : Tim, un jeune homme roux et pas très assuré, découvre que les hommes de sa famille peuvent voyager dans le temps. Pas dans le futur, mais dans des moments de leur passé qu'ils souhaiteraient changer. C'est son père (joué par Bill Nighy) qui le lui révèle, et de là, le postulat de départ prend la direction que voulait vraiment lui donner Curtis : tous les hommes de la famille ont utilisé cette faculté à des fins différentes (argent, connaissance, gloire), Tim doit donc choisir à quoi il va consacrer ce don. La réponse est évidente : l'amour. Rien d'étonnant venant du scénariste de "Coup de Foudre à Notting Hill", "4 mariages et 1 enterrement", et évidemment "Love Actually". Les autres hommes de la famille, hormis le père de Tim, semblent tous avoir fait un mauvais choix, puisque ce don ne leur a finalement rien apporté de bon. Le choix de Tim se fait donc la voix du réalisateur : on peut privilégier bien des choses dans la vie, mais il semble que ce soit l'amour qui trahisse le moins le cours des choses et, plus important encore, notre humanité. Cependant, comme dans ses autres films, Curtis ne va pas se contenter de parler d'amour, et c'est là la force de ses comédies dites "romantiques".


Ses films sont avant tout des histoires, au sens le plus pur du terme. J'ai dit plus haut que je n'étais pas fan des comédies romantiques, et bien qu'elle n'en soit pas une, "Amélie Poulain" reste l'un de mes films préférés, je reste donc sensible aux histoires d'amour parfois naïves. Et Curtis a ce don pour raconter une histoire qui restera toujours pertinente, quel qu'en soit le sujet. L'amour étant l'un de notre moteur à tous, il a compris qu'il ne fallait pas nous prendre pour des jambons. Il ne va pas utiliser des clichés pré-mâchés pour ses films, mais plutôt des versions améliorées de l'ordinaire que l'on connaît (par exemple, un beau mariage, mais un mariage pluvieux, venteux, où rien ne se passe comme prévu). C'est pour cette raison que tout comme dans "Amélie Poulain", l'enjeu narratif prend le dessus sur l'aspect réalisable de l'histoire. Paradoxalement fantastique et vraisemblable, l'accent mis sur l'importance d'une bonne histoire (le réalisateur étant lui-même un excellent scénariste) permet au héros de ne pas finir par prendre les mauvaises décisions, comme un personnage cliché figé dans son film. Par exemple, Tim choisit de ne pas tromper Mary (Rachel McAdams) avec son amour d'enfance (jouée par Margot Robbie) (que du bon, le casting, je vous dis). Et après des films dont l'intrigue repose simplement sur ce genre de bête tromperie, contre laquelle le spectateur a tendance à hurler à pleins poumons "MAIS KESSTUFOUS MARCEL T'AS UNE FEMME", ça fait du bien. Je serais tentée de voir une référence presque directe à "Amélie Poulain" dans ce film, notamment quand Tim provoque le destin entre sa soeur et Jay, son meilleur ami. Après tout, Amélie Poulain connaît elle aussi la recette pour tomber amoureux : "Vous prenez deux habitués, vous leurs faites croire qu'ils se plaisent, vous laissez mijoter : ça marche à tous les coups." On peut également voir dans ce film une citation à "Mr Nobody", qui passe sa vie à traverser plusieurs espaces-temps en devant faire des choix, tous motivés par l'amour...


Mais le film dépasse cet aspect romantique premier pour pleinement utiliser son potentiel dramatique et permettre au spectateur d'y lire plusieurs couches d'interprétation. Ces couches suivent d'ailleurs l'ordre donné par les "règles du voyage dans le temps" énoncées par Tim. Suis-je en train de regarder une comédie romantique ? Un drame ? Un film fantastique ? Un film de genre ? Il semblerait que ce soit davantage un patchwork d'inspirations piochées par-ci par-là,de tout ce qui a pu toucher Richard Curtis. La figure du père, notamment, fait office de parole de sage pour guider le fils. Ce n'est pas pour rien qu'il tient cette place de choix, dont la présence vient donner davantage de relief à cette "comédie romantique". Le réalisateur, à-travers lui, développe ce thème de la filiation qui lui est cher : transmettre l'idée de progression par les erreurs. La fin vient d'ailleurs confirmer cette idée :


le fils va plus loin que son père dans la compréhension qu'il fait de son expérience de voyage dans le temps : il ne s'en sert plus et vit chaque jour comme s'il avait déjà pu modifier les erreurs commises et s'améliore simplement de lui-même.


"Il était temps" cherche donc davantage à éduquer ses spectateurs à apprécier les petites choses de la vie, à ne pas se laisser engloutir par le quotidien en remettant tout à plus tard. Mais surtout, il utilise son concept de base, le voyage dans le temps, fantasmé par tous, comme un moyen de nous faire comprendre qu'il n'y a pas besoin d'attendre un progrès technique ou une chance extraordinaire pour changer nos existences : à nous de devenir les meilleures versions de nous-mêmes, par nos propres moyens.

Ilona_Compoint
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le 24 juil. 2018

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