Tu joues seulement de l'harmonica ou tu joues aussi de la gachette ?

Référence mythique du western spaghetti, à la sauce Sergio Leone, Il était une fois dans l'Ouest place directement son ambition, prétentieuse certes, au niveau des chef-d’œuvres de l'art en général.


C'est un jeu avec le spectateur auquel se livrent Léone et Ennio Moriconne, dont la musique fait jeu égal avec le reste. Le début nous place directement dans une situation de tension. C'est volontairement très énervant, on a envie d'aller entrer dans la bagarre. Ce silence, qui n'est interrompu que par le grincement insupportable d'une porte, par une goutte sur un chapeau, ou par une mouche pourrait finir par nous rendre fou...autant que tous les personnages de ce film. Ils attendent un train ? Et bien attendons-le avec eux pour partir dans la jungle du grand Ouest !


Beaucoup de détracteurs ont reproché à Sergio Leone cette volonté d'esthétiser à tord et à travers. La moindre scène dure des heures, le jeu peu paraître mécanique… Et alors ? Je me suis surpris à émettre l'hypothèse (pas forcément fondée donc à prendre avec des pincettes), que cette esthétique entre en parfaite concordance avec une certaine mentalité qu'on retrouvait alors dans le rock progressif naissant, incarnée par des groupes comme les Pink Floyd, dont on a également reproché la prétention de leurs albums-concept et de leurs spectacles délirants. Comme si la prétention était une norme esthétique en ce temps là. Après tout pourquoi pas ? Je suis, je l'assume un fan des Pink Floyd, et ça me va parfaitement !


Ici donc, tout est teinté d'une dimension tragique, dans le sens où chaque personnage doit faire face à son destin, et ceux qui cherchent à y échapper finissent bien souvent avec une balle quelque part. McBrain voulait devenir riche et se remarier ? Le destin le faucha sans pitié. Franck pensait échapper à tous ses crimes et tortures ? L'homme à l'harmonica devint sa faucheuse, lui rappelant chaque nom qu'il a effacé de son pistolet.


Seule Jill parait être la mieux lotie...et pourtant ! Elle veut fuir sa vie de prostituée de la Nouvelle Orléans ? La voilà qui débarque dans un monde d'hommes. (son arrivée à l'auberge au début du film parle d'elle-même). Mais si elle s'en sort, c'est en acceptant non sans fatalisme sa misérable condition : elle rappelle sans cesse qu'elle n'a besoin que d'eau bouillante, elle se vend pour sauver sa vie en couchant avec Franck...qui lui rappelle gentiment au passage qu'elle est "une drôle de salope".


Le western est avant tout une histoire d'hommes, et il va de soi que le machisme est de mise. Tout est constamment question de virilité, c'est la loi fondamentale de cet univers narratif. Les dialogues en sont empreints constamment.



"Tu sais compter ? Au moins compter jusqu'à deux ?
- Je sais même compter jusqu'à 6 s'il le faut. Peut-être même plus vite que toi."



On se jauge, on joue à qui-a-la-plus-grosse, sans pour autant entrer dans le vulgaire ou la beaufitude. Le Western est avant tout l'épreuve de force, de chacun contre tous, sans aucune loi morale pour venir entraver quoi que ce soit. Il n'y pas de gentil, pas de méchant. Que des salopards et des tueurs, et, au milieu, la femme qui ne demande qu'à survivre, sans pour autant se soumettre (elle sait se défendre et le montre très bien). C'est surement elle, finalement, la véritable héroïne du film. La véritable force n'est pas de défier l'ordre établi, mais d'y faire face et d'exister malgré lui.

ArkhomRabnam
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le 6 mai 2016

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