Le Canadair n'arrive pas à éteindre le désastre.
Tout d'abord, j'ai seulement eu maintenant le courage de voir ce film, après tout le monde, car d'abord j'ai vu Un 32 août sur Terre du même réalisateur. Et celui-ci a été une vraie claque de par sa maîtrise technique et son originalité à détruire les conventions de la comédie sentimentale. J'avais senti que ce genre d'exploit était difficilement reproductible. Et pourtant j'ai vu un court métrage expérimental (Rated R for Nudity) qui m'a beaucoup plu également.
Mais Incendies est trop casse-gueule...
Sinon on a un problème avec les québécois : on ignore leurs films. Un pan entier du cinéma francophone est méprisé régulièrement en raison de leur accent que l'on moque souvent (les français sont moins honteux à le faire qu'avec d'autres francophones comme les africains) et de leurs propres références. Ainsi les rares succès de la critique sont des films bobos parlant de thématiques bobos universelles comme l'homosexualité (Comment ça je vise Xavier Dolan!?) ou très dépaysés pour qu'on ait pas à supporter leur accent (un peu comme si un africain devait tourner en Scandinavie avec des scandinaves pour espérer être pris au sérieux).
Incendies est dans le deuxième cas de figure. Voyons ce que cette histoire vaut :
- Tout d'abord le cadre de l'histoire pue le cèdre du Liban mais personne n'assume cet emplacement. L'auteur puis les adaptateurs ont préféré malaxer le contexte dans une guerre de religion plus universelle. La complexité de la guerre civile est ainsi simplifiée à un antagonisme chrétiens - musulmans. D'ailleurs à aucun moment n'est
explicitée la provenance des "réfugiés" musulmans. Ce serait vraiment trop complexe d'aborder de front le conflit palestinien, voir même de mentionner Israël!
- Ensuite cet antagonisme est d'autant plus dommageable que l'on sent un réel manichéisme entre les musulmans qui ont juste le malheur d'être là et les chrétiens qui veulent s'en débarrasser. Il y a eu des actes terroristes des 2 côtés mais mis à part un sniper musulman on ne verra des atrocités que du côté chrétien. Et cela m'a surpris de voir les chrétiens dans le rôle des beaux-frères vraiment pas accueillants (au contraire de ma propre expérience sentimentale...)
- Puis les histoires "flash-backs" et quête des enfants sont équivalentes, bien longues et explicatives en elle-même chacune, et se nuisent l'une l'autre.
Remarquons quelques absurdités scénaristiques :
- Comment peut-on espérer reconnaître facilement quelqu'un avec juste 3 points sur un talon?
- Comment retourne-t-on un sniper fanatique en cruel maton dans l'autre camp?
- Comment cela se fait que comme dans n'importe quel "Rape & Revenge" la victime reconnaît son violeur mais jamais l'inverse?
- Enfin remarquons les connections intenses entre le Québec et ce Liban dont on ne peut dire le nom : le prof de maths et le notaire québécois connaissent tous deux chacun un collègue et ami là-bas, et les réfugiés semblent tous converger vers la même piscine.
Donc niveau scénar je donnerai un bon 1/10 (Sans compter que j'ai facilement trouvé le twist glauque!) Je ne sais si c'est la faute de l'adaptation ou de la pièce de théâtre.
Niveau technique Villeneuve se rattrape par sa science de l'atmosphère oppressante et ses plans de beaux paysages désertiques (au moins ça rappelle Un 32 août sur Terre). Au niveau de l'esthétique le film est irréprochable. Mais les longueurs rendent le tout trop pesant. Le casting est bien également, malgré le choix d'acteurs français vaguement méditerranéens pour faire les jumeaux.
Et sinon dans Un 32 août Villeneuve avait utilisé des chansons de Robert Charlebois. Là il prend des classiques de Radiohead pour plaire aux bobos et qui n'apportent pas grand-chose au film (sans compter que ça me rappelle l'Auberge espagnole!).