La différence entre un film et un épisode de série...

Sapristi, quel naufrage ! Mais qu’allaient-ils faire dans cette galère ?!


J’ai lancé le visionnage d’Ip Man Kung Fu Master en pensant découvrir un bon divertissement d’arts martiaux, et sûr de tomber en terrain connu. J’ai vu il n’y a pas si longtemps la saga des 4 Ip Man de Wilson Yip avec Donnie Yen dans le rôle-titre (les deux premiers notamment sont d’une excellence rare !) et connais donc assez bien ce personnage emblématique de la boxe wing chun et fameux maître de Bruce Lee.


Pourtant, j’ai été complètement perdu dès les premières minutes de ce nouveau Ip Man.
Je ne sais pas si ce film prend la suite directe du long métrage de 2010 Ip Man : La légende est néeDennis To incarnait déjà le maître du kung fu, mais l’un des soucis majeurs de ce volet est qu’il n’y a aucune caractérisation des personnages. On est catapulté dès la première minute en plein milieu des péripéties de l’intrigue, sans aucune introduction du contexte ou des protagonistes.
Globalement, c’est comme si j’avais eu l’impression de commencer une série par l’épisode 5 : raccrocher les wagons est complexe et demande un effort.


A la différence des séries, où l’histoire est continue et les héros n’ont pas à être représentés à chaque nouvel épisode, les films forment une entité en soi. Même lorsqu’ils s’inscrivent dans des sagas, chaque film a une scène d’exposition, le développement d’une intrigue, et une conclusion (qui s’ouvre, pourquoi pas, sur la possibilité d’une suite). Même Ip man 4, Le dernier combat, ultime volet de la saga de Wilson Yip, qui n’était à mon sens pas franchement réussi, pouvait être visionné de manière individuelle sans avoir vu au préalable les trois précédents.


Or, ici, on a complètement sauté l’étape de l’exposition ! Ip Man Kung Fu Master m’a donné la désagréable impression d’avoir pris le train en marche et raté la première demi-heure du film !


Outre ce démarrage chaotique, j’ai du mal à pouvoir citer une qualité du film. C’est sans doute la photographie qui est la plus réussie, avec de belles lumières et de jolis contrastes bleu/orange. Très vite gâchés par ces immondes flashbacks au teint blanchâtre et délavé. Les micro-flashbacks comme ceux-là devraient être interdits par la Convention de Genève !


L’intrigue a été écrite avec les pieds et n’a ni queue ni tête. Ip Man fait partie des forces de police et se retrouve confronté au Gang mafieux des haches. Il est tout d’abord question de lutte anti-drogue, autour d’une enquête impliquant un entrepôt rempli d’opium. Mais très vite, l’intrigue bascule autour d’une lutte entre japonais et chinois. Un grand tournoi est organisé pour déterminer qui, du karaté japonais ou du kung fu de la province de Guangzhou, est l'art martial suprême. Bien sûr, en tant que vieil ennemi historique, les Japonais sont vils, fourbes et ne respectent aucune règle.


Avec un scénario aussi « ni fait ni à faire », on se disait qu’à défaut d’une histoire intrigante, on aurait droit à de beaux combats. Or, là également, on est fort déçu : les combats sont illisibles. A la différence de la saga avec Donnie Yen, où ceux-ci sont chorégraphiés par des spécialistes d’arts martiaux de renom, les bagarres sont ici sur-cutées au point que les violents mouvements aléatoires de caméras donnent le tournis.
Pour éviter l’overdose visuelle, chaque combat est mis en parallèle, au moyen d’un montage alterné, avec une séquence plus paisible. L’exemple parfait est celui qui met en regard la naissance du fils d’Ip Man, et notre héros combattant dans sa maison pour protéger la porte de la chambre où sa femme accouche. Le summum du ridicule est finalement atteint lorsque l’on découvre le tout nouveau-né, qui n’est autre qu’un gros bébé tout dodu tout joufflu d’au bas mot six bons mois.


Ajoutez à cela des références très appuyées à Wong Kar Wai et à Johnny To à travers des plans ralentis sur la fumée de cigarette s’élevant lentement vers le plafond, ou encore à Matrix lors d’un combat sans saveur sous la pluie ; ainsi qu’une musique aux percussions tonitruantes toute droit sortie des superproductions à l’américaine ; et le tableau est complet.


Moi qui voyais dans le personnage d’Ip Man un homme de principe, d’une classe infinie et d’une sagesse exemplaire, j’ai découvert avec Kung Fu Master un Zorro masqué bagarreur et revanchard, dont le kung fu – sensé être le meilleur du pays – nécessite encore des leçons de la part d’un maître poivrot et bouffi.
Par pitié, rendez-nous Donnie Yen !

D-Styx
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le 5 mai 2021

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D. Styx

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