Arte présente un documentaire de Ketty Rios Palma, qui mérite d'être vu et diffusé largement. Il nous raconte, nous alerte et nous engage à comprendre de l'intérieur la vie d'un enfant dont “le sort” l'a abandonné dès sa petite enfance. On est tous nés quelque part, de quelqu'un et on fait avec... comme on peut!
Rarement une camera-documentaire n'a été aussi près de ce qui se vit dans les familles d'enfants placés et les prises de vue sur le travail socio-éducatif qui les accompagne.


C'est un jeune, Yanie, 14 ans, placé dans une famille d'accueil depuis ses 14 mois. L'Assistante Maternelle, Myriam, atteint l'âge de la retraite, et l'adolescent doit changer de lieu d'accueil. Sa mère, qu'il voit plus ou moins régulièrement depuis sa sortie de prison, dit vouloir mais ne peut pas le prendre et estime qu'il faut qu'il change de lieu à cette occasion et que les liens avec ce couple d'accueil âgé soient sinon interrompus, largement distendus. Elle garde l'autorité parentale et a donc un droit de regard sur l'orientation de son enfant.


C'est difficile pour Yanie, un “sans-famille”, qui en a trouvé une pendant presque 12 ans et à qui on dit qu'il lui faut s'en séparer et s’adapter à une autre, c'est le choix impossible! Il a peur et il est dans la difficulté d'exprimer un avis. Myriam et Jacques, qui l'ont élevé ont l'âge de grand-parents, la nouvelle famille, Vlassia (la "mère" d’accueil) et son mari, ouverts et sympathiques ont l'âge de jeunes parents. Yanie confronté aussi à la présence plus fréquente de sa mère et à la presque interruption des liens avec “sa vraie famille d'accueil” va faire des bêtises, des conneries, “péter un plomb”, sera reçu aux urgences psychiatriques, pour pouvoir partir de ce nouveau foyer familial et interrompre les visites chez sa mère.


C'est ce qui nous raconte le film de Ketty Rios Palma, sans jugement mais sans esquiver ce qui dérange, ce qui émeut, ce qui donne à voir des institutions. L'équipe de l'Association Montjoie, au Mans, [Service Éducatif Renforcé d’Accueil Familial], prend beaucoup de précautions pour respecter le droit des parents et on sent bien que dès le départ une certaine ambivalence de l'équipe correspond aussi aux difficultés du dispositif éducatif, de ce jeune confronté au jargon institutionnelle et à sa propre ambivalence sans trop savoir où aller...


Le jeune se parle, nous parle, se filme grâce à une petite camera qui lui a donné la réalisatrice. Il écrit aussi dans son cahier et nous suivons alors sa quête pour que les choses se modifient, mais par où commencer?


Filmé avec beaucoup de discrétion, le moment de la séparation, avec sa première famille d'accueil est d'une intense émotion et la confrontation entre la mère et Yanie autour de son bulletin scolaire, mauvais, donne bien l’acuité de la difficulté et du chemin qui n'a pas été et qui ne sera jamais comblé. Dans la rue, à la sortie du Lycée sa mère le questionne avec dureté, à sa façon. Il ressort la lucidité de sa propre histoire: “... tu veux suivre mon chemin? … Change putain... moi mon problème c'est ma violence mais toi tu as la tchatche, tu n'es pas con, tu es intelligent... sert toi de ça pour t'en sortir dans la vie”...


Ce beau film-documentaire (peut-on le dire ainsi quand il s'agit de la violence et de l'injustice de la vie faite à un enfant...?), ce juste regard de Ketty Rios Palma est dédié à “Manu Rios Palma, mon papa”. Et la réalisatrice l'explique dans un entretien à Blog documentaire [http://leblogdocumentaire.fr/]je rêvais de faire un film sur mon père, qui est un enfant de la DDASS. Mon envie était de raconter sa vie actuelle, sa résilience simple. Aujourd’hui, il est heureux, fier de ses enfants, de sa famille. Je voulais montrer que c’est aussi possible de se reconstruire et à quoi ça tient: les bonnes rencontres, un peu de chance… dans une enfance éclatée, montrer quelles sont les lueurs d’espoir”. À travers ce portrait, Ketty Rios Palma partage avec nous l'espoir de résiliences possibles!
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/090719/ce-soir-itineraire-dun-enfant-place

ArthurPorto
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le 9 juil. 2019

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