Après une première partie longue, parfois difficile à suivre malgré une mise en scène spectaculaire et audacieuse, Eisenstein s'attaque à la seconde et dernière partie de son portrait d'Ivan Le Terrible, le troisième n'ayant jamais été tourné.
Bref, on retrouve là où on avait quitté Ivan, le voilà de retour après s'être isolé suite la mort de sa femme. Il se lance dès lors dans un combat politique avec les boyards, ses ennemis qui tentent depuis toujours de lui prendre le trône.
Et je trouve cette suite, bien meilleure que le premier film. Sans déconner, là où les histoires de conquête me laissaient un peu de marbre dans le premier, ici, l'entièreté du film se concentre sur les jeux de pouvoir et les complots pour faire renverser Ivan. Et c'est exactement l'intrigue qui m'accrochait dans le premier, donc ça tombe bien.
Un autre détail vient s'ajouter à cela, rendant le personnage d'Ivan tout de suite plus complexe et attachant. Dans le premier, il se présente comme meneur de la volonté de Dieu, chargé d'une mission divine qu'est d'agrandir la puissance russe. Toutes ses actions, il les justifie par sa mission, et jusque là, il s'en sortait plutôt bien.
Hors ici, le voilà seul, entouré d'ennemis, et les quelques personnes qui le soutenaient sont morts ou lui tournent le dos. Ivan devient alors un personnage bien plus sombre. Car ici, il n'est plus question de renforcer la puissance russe, il est question de conserver le trône. On en vient alors à ce qui a dû faire grincer des dents Staline à la vue de ce film, tout les agissements odieux qu'Ivan fait « au service de la Russie » ne sont au final que des prétextes pour conserver le trône.
Plus de mission divine, plus de bienfaiteur, Ivan n'est qu'un roi fou paranoïaque qui tente à tout prix de conserver son trône, car il refuse que le pouvoir revienne à ses ennemis jurés, les boyards, menés justement par sa tante et son cousin.
A partir de là, tout n'est que machine infernale, les quelques plans que les boyards mettent en place pour assassiner Ivan, celui-ci les retourne judicieusement de la plus perfide des façons, faisant de lui, un ignoble connard.
Et en même temps, on peut très bien le comprendre Ivan, et c'est pour ça que je trouve ce film bien mieux que son prédécesseur. Ivan en a chié toute sa vie, les boyards ont ruiné sa famille, sa solitude ne fait qu’accroître, il est entouré de traîtres, on ne peut que prendre parti pour Ivan malgré ses choix ignobles et son inhumanité. En sommes, je trouve cet épisode bien mieux écrit.
D'autant plus qu'on est chez Eisenstein, ce qui veut dire, mise en scène de malade. Et bon sang que c'est beau ! Alors, j'ai toujours ce petit soucis du montage que je trouve un peu lent, mais curieusement, ça ne me dérange pas dans ce second volet. Les idées de cadrage, les jeux de lumière sont grandioses. Et l'acte final est tourné en couleur, Eisenstein nous offre alors un travail visuel juste ahurissant, rendant le tout sublime.
Je le dis, visuellement, Ivan Le Terrible est une claque sans nom. Chaque plan est une véritable peinture passionnante à décortiquer, le charisme d'Ivan est juste foutrement bien mis en valeur tout en révélant la détresse liée à sa solitude. Les décors, sont comme toujours, spectaculaires et à la fois très renfermés, donnant le sentiment d'oppression.
Bref, Ivan Le Terrible 2 est juste foutrement agréable à regarder. Donc si on combine ça à un scénario plus complexe, avec des retournements de situations foutrement bien amenés et des traitements de personnages super bon, bah je dis chapeau. Sincèrement, Ivan le Terrible 2, c'est juste excellent tellement on sent la maîtrise d'Eisenstein. Là où auparavant, j'avais un soucis dans son cinéma, avec Ivan Le Terrible 2, j'ai enfin ce déclic qui me fait dire, que bordel, c'est du grand cinéma soviétique. Je le répète une dernière fois, Ivan le Terrible 2 est un grand film soviétique, et maintenant, je regrette qu'il n'y ait pas eu de troisième et dernière partie.