Bien plus que d'autres films de ce genre, Ivanhoé est un film (et d'abord un livre) sur la chevalerie et l'esprit chevalresque.
Certes il regorge d'aventures et de passion mais c'est le sentiment chevaleresque qui gagne à la fin. L'honneur sauf et l'honneur rétabli, l'honneur souillé lavé par le jugement de dieu ainsi que la courtoisie distante qui s'oppose à la passion dévorante mais impossible.


Wilfred d'Ivanhoé est un chevalier saxon, fidèle au Roi Richard qu'il a suivi à la croisade contre l'avis de son père, le puissant Cédric.
Ivanhoé retrouve Richard prisonnier de Leopold d'Autriche et à la merci de son frère l'infâme Prince Jean qui refuse de payer la rançon demandée.
Ivanhoé va tout faire pour le sauver, réveiller la ferveur du peuple vis à vis d'un Richard parti depuis trop longtemps et tenter de réunir les 150 000 marks d'argent demandés tout en rabattant le caquet de chevaliers normands à la solde de Jean.


Encore une fois, Richard Coeur de Lion prend le rôle du roi idéal et le Prince Jean celui du fourbe traitre (la tête qu'ils lui ont fait, c'est presque une caricature). Mais laissons de côté l'Histoire et ne prenons en compte que l'histoire de Walter Scott, auteur de romans fleuves au style impeccable qui entretiennent les légendes écossaises et anglaises (je suis fan de Walter). Il y a des différences entre les 2 mais le film ne trahit pas l'esprit du livre.


Entre 2 scènes de bravoure comme le magnifique tournoi d'Ashby et l'attaque de Torquilstone par Robin des Bois et ses hommes, Thorpe consacre un temps minutieux à ses personnages et notamment à ses personnages féminins.
Ivanhoé va se retrouver pris entre la blonde Rowena, fière princesse saxonne à la personnalité bien trempée et la brune Rebecca, douce et timide fille du juif Isaac d'York qui ne manque pas de courage elle même.
Cette dernière est aimée (désirée soyons francs mais le film, comme le roman, reste pudique) de Brian de Bois-Guilbert, chevalier normand noble et valeureux que son désir brulant amènera à se parjurer en tant que chevalier.


L'honneur, d'un homme ou d'une femme, est le fil conducteur du récit. L'orgueil aussi.
L'orgueil de Cédric le saxon qui ne peut admettre son fils ait choisi un roi normand, fut-il le Coeur de Lion; l'honneur d'Ivanhoé qui risquera sa vie pour sauver celle de Rebecca au grand dam de Rowena;
l'orgueil de Bois-Guilbert qui ne peut admettre qu'une femme se refuse à lui; l'honneur de Bois Guilbert qu'il retrouvera en se battant loyalement avec Ivanhoé quitte à faire mourir la femme qu'il aime (après un dernier instant de faiblesse); l'honneur de Rebecca bafoué par tous parce qu'elle est juive mais qui le retrouvera dans le respect qui lui porte Ivanhoé (d'où son amour inconsidéré pour lui); l'honneur des chevaliers normands qu'ils foulent au pied à cause de leur loyauté mal placée envers Jean; l'honneur de Wamba, serf devenu écuyer, et qui réside dans sa fidélité et son courage; l'honneur de Rowena qui saura faire taire sa jalousie et son orgueil pour le bien de celui qu'elle aime. Etc ....


Le casting frôle la perfection avec Robert Taylor, Joan Fontaine, Elizabeth Taylor, sublime et George Sanders, touchant en Bois Guilbert.


L'angle d'attaque de Thorpe est manifestement l'action et l'épique mais il s'en sert pour souligner des thèmes profonds avec délicatesse : la religion, l'ostracisme des étrangers, le servage, la passion et l'amour.
En cela, le personnage de Rebecca est l'un des plus beaux qui soit. Son amour innocent et affamé pour l'honorable Ivanhoé se heurte à la réalité de son temps : Ivanhoé, certes touché par sa beauté et sa gentillesse, ne la calcule même pas. Mais elle, privée de toute considération et ayant fait face à la mort (sa mère et Myriam) n'a aucun moyen de se défendre face à la simple considération d'un homme bien et très beau également.
Thorpe filme Elizabeth Taylor en la magnifiant, la rendant hypnotique de perfection et elle fournit une prestation toute en retenue et délicatesse qui me fait l'adorer.
Il est au final un peu injuste avec Joan Fontaine, beauté indéniable, mais dont il apprécie manifestement moins le personnage.
George Sanders, un de mes acteurs préférés, fournit également une prestation d'une grande finesse et son Bois Guilbert est à la fois odieux et pitoyable.
Robert Taylor, habitué des héros sans peur et sans reproche en collant moulant et petite tunique courte, est un Ivanhoé un peu rigide mais la douceur de son regard en dit long.


Thorpe travaille beaucoup sur les clairs obscurs et le jeux des ombres et de la lumière dans sa mise en scène. Il découpe ainsi l'écran opposant ses personnages ou les réunissant selon les scènes. Ce travail d'éclairage fait merveille dans des décors qui sont souvent très succincts et font , il faut l'admettre, peinture en trompe l'oeil.


Pour finir, Miklós Rózsa fournit une musique épique et au "goût" médiéval travaillé qui reste en tête longtemps après la fin du film.


Un bien beau film qui ne pêche à mon sens que par son couple principal, un peu fade (c'est le seul défaut du roman à mes yeux aussi), mais que le second couple inhabituel et malheureux rattrape.

Créée

le 7 mars 2019

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Anilegna

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