Ivre de femmes et de peintures (2002) – 취화선 / 117min.
Réalisateur : Im Kwon-Taek – 임권택
Acteurs principaux : Choi Min-Sik – 최민식 ; Ahn Sung-Ki –안성기 ; Son Ye-Jin –손예진 ; Yeo-jin Kim –김여진.
Mots-clefs : Corée – Biopic – Peinture.


Le pitch :
Au 19ème siècle, « Ohwon » Jang Seun-Ub est un artiste peintre coréen connu, non seulement pour son art qu’il maîtrise à la perfection, mais également pour son mode de vie libertin, son excentricité et son amour immodéré de l’alcool. Né en 1843, il disparut en 1897.


Premières impressions :
Im Kwon-Taek est un des principaux réalisateurs coréen qui en près de cinquante-cinq ans de carrière (il est né en 1936) a réalisé cent quatre films de 1962 à 2014 ! Ivre de femmes et de peinture est certainement le film qui l’a révélé en France aux yeux du grand public, entre autre grâce à sa récompense au festival de Cannes pour la meilleure mise en scène. Disposant d’un casting de star avec une personnage principal joué par Choi Min-Sik (Old Boy, Nameless Gangster, Lady Vengeance), j’avais toutes les raisons du monde de découvrir l’œuvre de Im Kwon-Taek par ce film.


Hélas, Ivre de femmes et de peintures est loin, très loin, de m’avoir subjugué. Pire, le film m’a laissé complètement froid, sans me faire ressentir la moindre émotion. Un comble, alors qu’il est censé raconter la vie d’un artiste border-line, sorte de Gainsbourg dont on aurait remplacé la plume par le pinceau ! Même l’époque aurait dû être suffisante pour me captiver car la fin du XVIII éme siècle annonce les prémices de l’effondrement du système féodal et de l’enracinement des puissances militaires étrangères, japonaise et chinoises, sur le sol coréen…


Seulement, plutôt que de réaliser un film immersif qui prend le temps de se poser et réfléchir sur des épisodes de vie précis ou sur des personnages clefs gravitant autour du peintre ou même sur le contexte historique, Im Kwon-Taek nous révèle une vie entière, enchaînant scénettes sur scénettes, presque à la façon d’un catalogue des moments marquants mais dont on ne comprend pas vraiment les enjeux et impacts. Et malheureusement, cette surenchère « d’instants » ne permet pas à la narration d’être fluide par un manque de connections entre ceux-ci. Par exemple, bien que l’on retrouve un certain nombre personnages récurrents, leurs traitements sont trop superficiels et ces personnages secondaires ne sont définis que dans le rapport social qu’ils entretiennent avec le peintre (le maître, l’élève, l’acheteur japonais), mais ils ne sont définis en aucun cas en tant qu’individus. Dès lors, il devient compliqué pour le spectateur de comprendre l’impact artistique ou émotionnel qu’ont eu ces personnes sur la vie d’Ohwon, ce qui ne pousse pas vraiment à l’implication dans l’œuvre.


Par ailleurs, j’ai eu du mal à m’attacher au personnage de Ohwon lui-même. Bien que l’on découvre sa vie sur écran, je n’ai pas eu le sentiment que les événements de sa vie l’on réellement fait évoluer en tant qu’homme ou en tant qu’artiste. De son enfance à sa mort, il m’a semblé qu’il n’est resté qu’une sorte de rebelle misanthrope. En effet, même si le film rapporte plusieurs fois son penchant pour la boisson ou pour les femmes, il ne met pas vraiment en scène de côté passionné ou encore de soumission à une sorte d’animalité des pulsions qui pourtant collerait bien avec le mythe de l’artiste un peu fou. A ce propos, je n’ai pas vraiment adoré le jeu de Choi Min-Sik qui ne trouve jamais vraiment la grammaire du personnage – un peu à la manière de son Yi Sun-Shin dans The Admiral : avec un léger sur jeu désagréable. S’il campe parfaitement l’artiste dans ses moments de création, ses crises de boissons et ses amours ne sonnent pas justes.


Globalement, je suis surtout sorti frustré car c’est vraiment ce choix de narration qui m’a totalement empêché d’apprécier le film. Au-delà de ça, j’ai aimé le travail de mise en scène et de réalisation de Im Kwon-Taek. Le film contient des plans très beaux, particulièrement sur les femmes. Il va même au-delà du simple biopic car il délivre un certain point de vue de son réalisateur sur l’essence même de l’art et de l’artiste et il est même plutôt bon quand il se concentre sur les moments où l’art se crée, sur ces moments où l’artiste « attend » l’inspiration et l’alignement des planètes. Je suis persuadé que le film aurait été incroyable s’il s’était un peu plus concentré sur ce thème là et s’il avait délaissé le côté rébarbatif du biopic.


Pour conclure, Ivre de femmes et de peinture a été une vraie déception pour moi tout en me faisant découvrir un réalisateur dont j’ai envie de voir les œuvres. En tout cas, j’invite tous les curieux à voir le film et à se faire un avis, puis en cas d’avis similaire au mien, à regarder malgré tout d’autres œuvres de Im Kwon-Taek car il est évident qu’il a un grand talent caméra en main. Peut-être que le biopic n’est tout simplement pas pour moi.

GwenaelGermain
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le 14 juin 2017

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