Mon coup de coeur cinématographique de ce début d'année.


Emmanuel Finkiel ausculte la lente dérive sociale et affective d'un homme qui perd peu à peu ses repères sociaux. Agressé lors d'un soir de beuverie, Eddie identifie son agresseur lors d'une séance d'identification, tout en sachant que le jeune beur qu'il désigne (Driss Ramdi) est innocent. Il renoue alors avec sa femme et son fils, mais son caractère instable d'écorché vif et le sentiment de culpabilité qui l'accable rendent précaire ce bonheur retrouvé.


Emmanuel Finkiel créé un monde nocturne baigné dans une lumière bleutée métallique, un monde de ténèbres que les néons hagards arrachent à l'obscurité. Le bitume semble suinter le désespoir, l'asphalte est souillé des utopies déchues. Il scrute d'immenses baies vitrées derrière lesquelles se jouent les drames du quotidien, des retrouvailles vouées à l'échec et des ruptures irréversibles.


On peut y voir de manière sous-jacente une diatribe du consumérisme qui phagocyte notre quotidien, cette course éperdue vers un confort matériel factice.


Le film, affûté comme un scalpel, décrit parfaitement le malaise social qui ronge Eddie, qui n'est à sa place nulle part, qui quitte son emploi sur un coup de tête, un homme qui s'isole peu à peu des autres et de lui-même, un homme seul. Le film dresse un constat très noir de notre société, dans laquelle celui qui est à la marge refuse obstinément de rentrer dans le moule, quitte à perdre ceux qu'il aime, quitte à se perdre.


JE NE SUIS PAS UN SALAUD déroule un rythme lent zébré d'éclairs de violence, qu'elle soit physique ou psychologique, et évite tous les pièges du film à thèse. Ici tout sonne juste, pas de pathos, rien que le constat, froid comme un couperet, d'un homme en quête d'une impossible rédemption, en quête de lui-même, et qui contemple impuissant les ruines de sa vie.


Si la comparaison entre Nicolas Duvauchelle et Patrick Dewaere semble galvaudée, elle me paraît ici évidente, tant l'acteur habite son rôle avec une intensité bouleversante.Il passe de la haine aux larmes avec une sincérité troublante, chacune de ses intonations, chacun de ses gestes semblent rongés par les métastases de son mal de vivre.


JE NE SUIS PAS UN SALAUD est un film abrasif, d'une rare densité, qui imprime durablement la rétine.

Créée

le 28 févr. 2016

Critique lue 1.6K fois

13 j'aime

4 commentaires

Critique lue 1.6K fois

13
4

D'autres avis sur Je ne suis pas un salaud

Je ne suis pas un salaud
C-L
7

Je ne suis pas un héros

Tout sauf anodin, "Je ne suis pas un salaud" est un film français qui raconte un mal français; la marginalisation des gens ordinaires. Eddy est un trentenaire sans emploi, sans argent, sans amis. Il...

Par

le 8 mars 2016

11 j'aime

1

Je ne suis pas un salaud
NicolasMourgère
8

Film choc

Je n'ai pas compris pourquoi ce film avait disparu si vite des écrans. Je l'ai trouvé tout aussi poignant et dur qu'abordable, et en lien avec l'actualité. Très vrai en psychologie, subtil en mise en...

le 10 mars 2016

6 j'aime

1

Je ne suis pas un salaud
dagrey
7

L'homme qui n'a plus rien à perdre....

"Je ne suis pas un salaud" est un drame social centré principalement autour de son héros Eddie, divorcé et à la recherche d'un emploi. Un soir, après une altercation dans une cité, il est pris à...

le 24 févr. 2016

4 j'aime

3

Du même critique

Je ne suis pas un salaud
pierreemmanuelhun
9

Bouleversant et abrasif...

Mon coup de coeur cinématographique de ce début d'année. Emmanuel Finkiel ausculte la lente dérive sociale et affective d'un homme qui perd peu à peu ses repères sociaux. Agressé lors d'un soir de...

le 28 févr. 2016

13 j'aime

4

The Lost City of Z
pierreemmanuelhun
9

Quête dérisoire et Vertige de l'échec...

Le plus beau film d’exploration qu’il m’ait été donné de voir, avec Dersu Uzala de Kurosawa et Aux sources du Nil, le grand film mésestimé de Bob Rafelson… La séquence liminaire, une chasse à courre...

le 21 mars 2017

3 j'aime

Kingdom of Heaven
pierreemmanuelhun
9

"Le Royaume de la conscience"

Une somptueuse épopée, narrant la geste d'un forgeron devenu Croisé, d'un Croisé devenu défenseur de Jérusalem, pris dans la tourmente de l'amour et de l'obscurantisme. La version "Director's cut"...

le 6 mars 2017

3 j'aime