Je vous trouve très beau

Contre toute attente, ce film "Je vous trouve très beau" est, pour moi, une bonne surprise.

Et pourtant, les handicaps de départ étaient sévères : Isabelle Mergault avait une carrière d'actrice plutôt second rôle, un peu amusante dans des films dont on pourrait dire qu'ils ne cassent pas trois pattes à un canard. Alors de là à passer à la réalisation, ...
De plus, je n'apprécie habituellement que modérément Michel Blanc dans ses rôles de losers. Je reconnais qu'il joue très bien, mais ses rôles et la personnalité qui s'en dégagent me posent un problème existentiel entre la pitié et la honte de voir s'humilier les personnages qu'il joue.
Enfin le titre, lorsqu'on n'a pas vu le film, n'est pas vraiment évocateur et on se demande bien un peu dans quoi on va encore tomber.

Et la première fois que j'ai vu le film, j'ai été emballé par la réalisation, par le ton général du film et par un Michel Blanc qui a quitté ses habits de loser que tout le monde tolère et que personne ne peut sacquer. De plus, le titre prend toute sa consistance.

Détaillons un peu tout ça.
La mise en scène est sobre et redoutablement efficace à travers les portraits des différents personnages ou la photographie de la campagne ; surtout le film alterne les scènes comiques avec les scènes plus graves et montre la lente évolution psychologique du personnage d'Aimé.
Le scénario interpelle sur un double problème - pas forcément connu - de la difficile vie en Roumanie et de la fuite (à tous prix) des gens, ici des jeunes femmes qui prennent ainsi de sacrés risques et de la difficile vie dans les campagnes françaises dont la vie est laborieuse, dure et peu attrayante.
Le ton du film est très juste et est à la fois tendre et plein d'humour. L'émotion est régulièrement au rendez-vous.

Les deux acteurs principaux sont
- Michel Blanc dans un rôle d'agriculteur possédé par son boulot, un peu frustre et très terre à terre.
Je ne connais cet acteur qu'à travers une dizaine de films où il joue le rôle du loser, du pique-assiette, du dragueur minable, bref des rôles plutôt pénibles à regarder. Ici, il joue tout-à-fait autre chose : un gars qui a un objectif clair et précis, celui de faire tourner une ferme. La perte de sa femme le déstabilise profondément (dans son objectif) et finit par adopter une solution bancale qui est de se marier avec une femme roumaine qui veut fuir son pays. Et il se découvre une sensibilité qu'il ne se connaissait pas. Michel Blanc ne surjoue pas son rôle, la tonalité est naturelle et crédible.
Une scène très belle résume l'évolution du personnage joué par Michel Blanc : celle de l'achat de la bague.
Elle commence par l'arrivée dans la bijouterie plutôt chic avec sa dégaine de paysan à peine sorti de l'étable. Il suffit de voir et d'écouter la vendeuse qui le toise, retient à grand-peine un fou-rire et est à la limite de l'ironie devant la maladresse de Michel Blanc. Dans la voiture au retour, il imagine la phrase à dire à Elena au moment d'offrir la bague. Il commence par quelque chose de grossier qu'il affine peu à peu avant de trouver "la" belle phrase. Mais devant le chagrin d'Elena dont il ne comprend pas encore la raison, il a la délicatesse de ne pas donner la bague.
Le personnage d'Elena est assuré par un actrice roumaine, Medea Marinescu, que j'ai trouvée excellente ; le personnage est plein de tact et d'une grande honnêteté morale avec une volonté de réussir à s'intégrer et pourquoi pas, à se faire aimer d'un homme brut de décoffrage dont elle découvre peu à peu une sensibilité bien cachée.

Oui, avant de voir le film, j'avais un avis d'emblée négatif. J'ai été très sincèrement séduit par le travail de réalisation et par le jeu des acteurs Michel Blanc et Medea Marinescu.
J'en veux comme preuve que ça doit bien faire trois ou quatre fois que je regarde le film toujours avec le même plaisir. dans mon échelle de valeurs, c'est donc un très bon film.