Une passion à la con

Si je devais attribuer une note au film "Jean-Philippe", je lui mettrai la moyenne.

Pourquoi pas moins ?
Parce que j'ai regardé l'intégralité du film sans m'ennuyer, du début à la fin. J'ai même mis le film sur [pause] pendant ma pause pipi. Chose que je ne fais pas quand je m'emmerde devant mon écran.
J'ai aussi pu assister à la scène où Jean-Philippe/Johnny chante "Allumer le feu" au Stade de France, du début à la fin. Et le plus surprenant, c'est que j'avais le sourire. Pourtant, Johnny, c'est loin d'être ma came. Ca m'a toujours laissé complètement indifférente. J'admets aussi que, dans ma famille, personne n'était fan. Je crois me souvenir que ma mamie aimait bien mais je ne me rappelle pas avoir été bassinée avec ça. En revanche, je me rappelle une époque où ma maman écoutait Daniel Balavoine, Jean-Jacques Goldman et Pow-Wow. Loin d'être du lavage de cerveau mais j'arrive à donner des noms d'artistes qu'elle aimait écouter. Pour les autres membres de ma famille, c'est loin d'être le cas. Du coup, pas de Johnny dans la famille.
Donc oui, j'ai souri, j'ai secoué la tête et même j'ai caché mes lèvres avec mes mains, tellement l'émotion était grande, de voir ce Jean-Philippe se transformer et être enfin Johnny.
J'ai ri en voyant Luchini brailler comme un veau devant la maison d'un mec qui voulait juste dormir. Je ne connais pas Luchini. J'ai vu certaines de ses apparitions à la télé et je crois même pouvoir être en mesure de dire que je n'avais, auparavant, jamais regardé un film dans lequel il avait joué. Je me faisais pourtant l'idée d'un homme extravagant, grande gueule, un brin chiant (dans le sens légèrement péjoratif de "pointilleux"). Le voir aussi malheureux, frustré, un peu timide, c'était comique.
D'ailleurs, parlons-en de sa frustration. On comprend dès le début que si Fabrice collectionne avec passion autant d'objets sur Johnny, c'est qu'il a profondément besoin d'un dérivatif pour oublier sa vie de merde. Il n'est donc pas étonnant que dans un monde parallèle où Fabrice ne serait que Fabrice, cet homme se soit découvert une passion excessive pour n'importe quoi (d'abord Johnny, puis les canettes de bière).
Ce film aurait pu s'appeler : "Une passion à la con" ou comment l'homme moderne tente d'oublier sa condition moisie en devenant obsédé par un tas de merdier.

Pourquoi pas plus ?
Parce que même si l'idée est bonne, ça reste léger. Léger parce que moi, j'aurai bien vu une fin montrant Fabrice rentrer chez lui (son premier vrai chez lui), jeter à la poubelle tout ce que contient son grenier-mausolée, rouler une grosse pelle à sa femme et reprendre le chemin du théâtre. Que son voyage parallèle ait eu lieu pour de vrai, ou seulement en rêve. Mais effectivement, avec un Fabrice Luchini qui joue son propre rôle dans une réalité parallèle, ça aurait été con de ne pas le montrer en tant que Luchini mais là, c'est bancal.
D'autant que ça me chiffonne de ne voir que cette version de Fabrice. Et pourquoi il n'y a que lui qui voyage dans les réalités parallèles ? On en fait quoi des autres ? Ce sont des échanges qui se passent ? J'ai peut-être trop regarder Code Quantum.
J'ai trouvé moyen le fait de coller à ce personnage une fille punk qui fréquente des gothiques baraqués. Ca m'énerve quand on nous sert des stéréotypes. C'est très agaçant. Laurent (le fils de Jean-Philippe) n'est pas un ramassis de clichés, alors pourquoi ne pas avoir fourni à Fabrice, une ado sans option. A croire que les adolescents qui font leur crise d'identité passent obligatoirement par la case "look extrême".
Je ne sais pas vous mais moi, quand j'ai fait ma crise d'adolescence, je n'étais ni une punk, ni une romantique, ni une goth, ni... non, j'étais juste moi. Sans étiquette. Mais j'en avais gros, comme les ados. Et l'inverse est aussi valable : ce n'est pas parce qu'on se fringue selon un certain style vestimentaire qu'on est forcément un(e) petit(e) con(ne).

Bref, un film bien mais pas super.