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Difficile, voire même impossible, de parler de Jobs sans évoquer The Social Network tant les deux films semblent, en apparences, similaires. Biopics de deux génies de l'informatique étant sortis à même pas cinq ans d'intervalle, les long-métrages de Joshua Michael Stern et David Fincher n'ont pourtant que peu de choses en commun. La différence la plus flagrante entre les deux longs-métrages vient surtout de l'ampleur des projets respectifs. Car si, avec ces 12,6 millions de dollars de budget, Jobs se place en modeste production indépendante (il a d'ailleurs été d'abord présenté au festival de Sundance), The Social Network, avec ces plus de 40 millions de dollars, fait déjà presque office de quasi blockbuster ; quelque part entre les 30 millions d'un Le Majordome et les 65 millions d'un Lincoln (pour comparer avec d'autres biopics récents). Il est d'ailleurs assez surprenant que le biopic d'un entrepreneur aussi inventif et influent que Steve Jobs n'ait pas bénéficié d'un soutien financier plus conséquent – ou, du moins équivalent – à celui concernant Mark Zuckerberg ; dont l'existence n'avait, sur le papier, rien de bien palpitant.


C'est d'ailleurs justement à ce niveau-là, au niveau de l'histoire qu'ils avaient à raconter et de la manière dont ils ont choisi de les traiter que les deux films divergent totalement. Soyons honnêtes, sans la présence d'un cinéaste aussi connu et reconnu que David Fincher (dont le savoir-faire n'est plus à prouver) à la barre et d'un scénariste de la trempe de Aaron Sorkin au scénario (Des hommes d'honneur, La Guerre selon Charlie Wilson), The Social Network avait quand même tout du projet casse-gueule par excellence tant la personnalité sur laquelle il reposait semblait peu fédératrice. Avant ce film, pas grand monde d'ailleurs connaissait, ne serait-ce que de nom, Mark Zuckerberg. À l'inverse, Steve Jobs était déjà une "star" avant la sortie de Jobs, une sorte de rock-star déjà passée dans la légende qui plus est (du fait de sa mort brutale), et dont la célébrité va bien au-delà de la création d'un simple réseau social (quand bien même il s'agit du plus fameux d'entre tous). Car Steve Jobs est, à l'égal d'un Bill Bates, un visionnaire considéré comme le symbole de la révolution informatique ; et faire une liste exhaustive de toutes les inventions et innovations créées par lui ou auxquelles il a pu contribuer serait d'ailleurs aussi ardu que rébarbatif...



♪ Avoir un bon copain / Voilà c'qui y a d'meilleur au monde ! ♫ (air connu)



D'ailleurs, là où l'expérimenté Aaron Sorkin n'avait "que" la création de Facebook comme moteur principal – sur une petite demi-douzaine d'années – et pouvait donc se permettre nombre de digressions l'autorisant à développer de succulents rôles secondaires autour de son héros (Andrew "Eduardo Saverin" Garfield, Justin "Sean Parker" Timberlake, Armie "les jumeaux Winklevoss" Hammer, Max "Divya Narendra" Minghella, Rooney "Erica Albright" Mara...), le novice Matt Whiteley (dont il s'agit du premier scénario pour le cinéma) devait quant à lui faire face à de multiples choix cornéliens dans la riche carrière hétéroclite du mythique fondateur de Apple – s'étalant sur plus de trente ans – et n'avait donc que de place à laisser aux êtres gravitant autour du charismatique Steve Jobs ; ce qui est d'autant plus regrettable concernant l'indispensable Steve Wozniak (campé par un Josh Gad impeccable). S'il est évidemment aisé de pointer du doigt tel ou tel "trou" dans la biographie du génie de la Silicon Valley, certains manquements sont tout de même curieux. Ces liens conflictuels avec Atari ou Xerox sont ainsi à peine évoqués, tout comme sa carrière au sein de NeXT (qui lui permit pourtant de concevoir le futur système d'exploitation Mac OS X). Plus surprenant encore, sa rivalité légendaire avec Bill Gates est expédiée en deux lignes de dialogues se résumant à un « Windows a copié le Mac » pour le moins spécieux ; alors même que le biopic de Joshua Michael Stern avait pourtant su jusque là être globalement partial quant au traitement de Steve Jobs, odieux connard et, accessoirement, créateur de génie.


À ce titre, je ne peux que conseiller le très bon Les Pirates de la Silicon Valley sorti en 1999 et qui traite justement de la rivalité entre les deux plus grandes figures de la révolution informatique mondiale. Offrant un panorama certes moins large que celui de Jobs, le téléfilm de Martyn Burke bénéficiait toutefois d'un réel point de vue dont le biopic bien trop lisse du jeune Joshua Michael Stern – à la tête de son premier projet d'importance après deux longs-métrages passés complètement inaperçus – manque assez cruellement. Il sera d'ailleurs intéressant de voir comment se concrétisera le scénario du prochain film dédié à Steve Jobs – confié à un certain Aaron Sorkin justement – composé de seulement trois scènes correspondant à trois lancements de produits. Pénalisé par le regard extérieur trop distancié de son réalisateur, Jobs ne parvient pas à rendre ces personnages suffisamment attachants, n'impliquant jamais le spectateur, et ne lui apprenant finalement pas grand chose tant sur la vie personnelle (son cancer n'est même pas mentionné) que la carrière professionnelle (rien non plus sur Pixar dont il fut pourtant le fondateur et lui permit un temps d'être l'actionnaire principal de Disney) de Steve Jobs. Trop linéaire pour passionner, trop nébuleux pour instruire, le long-métrage de Joshua Michael Stern ne convainc qu'à moitié ; la partie réussie devant beaucoup à la photographie inspirée de Russell Carpenter (Ghosts, Titanic) qui parvient assez bien à retranscrire l'ambiance des différentes époques traversées par le film, et à l'interprétation de Ashton Kutcher qui s'avère bien plus solide qu'on n'a pu le dire (malgré une démarche de tortue un brin forcée qui donne parfois l'étrange impression d'être devant la biographie filmée de Christophe Willem...).

Shinémathèque
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le 16 févr. 2015

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