Je vois d'ici la bande annonce : « John Wick. Un homme qui n'a plus rien à perdre. Ils ont tué son chien! ils ont piqué sa bagnole! L'heure de la vengeance a sonné...! ». On sait depuis longtemps déjà que les scénaristes de Hollywood sont en panne sèche. Mais là, difficile de faire plus grotesque que le scénario de « John Wick ». Avec un script qui sent bon la sortie direct en DVD, « John Wick » avait tout pour devenir un nanar fauché comme les blés. Le genre de production bas de plafond avec Steven Seagal ou une star de catch au regard bovin en tête d'affiche. Comme quoi, il y a vraiment des titres que l'on n'attend pas.

Bon, il est clair que « John Wick » ne retiendra pas votre attention par son scénario cousu de fil blanc. D'ailleurs, le scénariste ne s'embarrasse ni à créer de vrais rebondissements de situation, ni même à développer les personnages plus que nécessaire. Au gré des rencontres, on apprend que John Wick est une légende vivante dans le monde du crime. Le Keyser Söze de la mafia russe. Bref, la ménagère ferme ses volets quand on prononce son nom. Mais au final, c'est surtout un prétexte pour lui faire sortir les pétoires et à l'amener à dessouder du russkoff du point A au point B. Droit au but, le mec. Pif, paf, pouf. 1 heure et demi plus tard, tout le monde a son compte. Vous pouvez rentrer chez vous. Mais, étonnamment, à l'heure où le moindre film d'action américain se force à dépasser les 2 heures pour se donner une certaine crédibilité artistique, l'approche honnête et sans fioritures de « John Wick » a clairement quelque chose de rafraîchissant. De fait, plutôt que de ramer à épaissir un scénario aussi maigre qu'une corde à linge, le film focalise notre attention sur ses autres atouts. Car oui, « John Wick » a bien plus à offrir qu'un semblant d'histoire écrit sur un bout de serviette.

En dépit de son scénario convenu, le film dresse une galerie de portraits de malfrats bien dessinés, qui évoluent dans un univers de comic digne de Frank Miller, et bénéficie d'un casting de choix. On appréciera notamment Willem Dafoe et Ian McShane, en second couteaux à la lame bien trempée. Sans oublier le méchant de service, interprété par Michael Nyqvist (de la trilogie « Millenium »), avec juste ce qu'il faut de flegme et de décontraction. Mais surtout, Keanu Reeves, dans le rôle titre, signe ici un retour remarqué sur le devant de la scène, dans une performance féroce qui pourrait bien renouveler sa carrière, comme Liam Neeson avec « Taken ». En effet, malgré de nombreux rôles récents à son actif, Reeves n'a pourtant jamais retrouvé le succès de « Matrix » - qui date déjà de 1999. Mais, « John Wick » est là pour remettre les pendules à l'heure. L'acteur se fond dans la peau d'un tueur méthodique et froid qui ne recule devant rien pour arriver à ses fins. Il prouve aussi que, quand on pratique les arts martiaux, on peut avoir 50 balais et bondir comme une gazelle. Ce qui nous amène à la raison d'être du film: voir Neo poutrer du méchant à la pelle.

Et là, le film ne déçoit pas. Réalisé par Chad Stahelski, un ancien cascadeur, devenu ensuite assistant-réal, « JohnWick » nous plonge au cœur de fusillades hypnotiques, parmi les plus impressionnantes de ces dernières années. Au lieu de nous en mettre plein la vue à grand renfort de pyrotechnie, Stahelski nous subjugue au contraire par l'élégance de sa mise en scène. A cent lieues du film d'action bourrin auquel on pouvait s'attendre, Wick sème les cadavres dans un esthétisme racé et soigné qui rappelle le meilleur de Michael Mann. Au milieu des tirs, Keanu Reeves se faufile entre ses assaillants avec la grâce d'un danseur de ballet et la fulgurance d'un serpent venimeux, avant de leur loger une balle entre les deux yeux. Chaque pas, chaque geste est millimétré pour une efficacité optimale. Stahelski laisse alors tourner la caméra, en privilégiant les angles larges, pour nous faire profiter de chorégraphies intenses et sanglantes, à la violence calculée. En ce sens, « John Wick » renvoie souvent aux combats frénétiques de « The Raid » – le plaisir en plus ici d'admirer Keanu Reeves réaliser ses propres cascades.

« John Wick » est un film d'action atypique, qui se démarque par son ambiance de néo-polar noir, son scénario joyeusement débile, et sa réalisation incroyablement léchée. Certainement pas un chef d'œuvre de maturité, mais en tant que film d'action pur et dur, il tient honorablement ses promesses. De plus, avec son héros misanthrope, en pleine dépression depuis la mort de sa femme, qui part en guerre contre la mafia russe, ses scènes d'action vidéo-ludiques, ses personnages hauts en couleur, et son atmosphère de polar sérieux avec une touche de second degré, « John Wick » est ce qui se rapproche le plus d'une adaptation grand écran du jeu vidéo « Max Payne ». Et rien que pour ça, le film vaut largement le détour.
Nazgulantong
7
Écrit par

Créée

le 25 janv. 2015

Critique lue 431 fois

1 j'aime

Nazgulantong

Écrit par

Critique lue 431 fois

1

D'autres avis sur John Wick

John Wick
Sergent_Pepper
6

Les arcanes du blockbuster, chapitre 15

Sur la table en acajou, la coupe de fruit est vide. - Bon, les gars, le chef est pas là, et tant mieux pour nous. Sa femme l’a plaqué, il est dans un état pas possible, vaut mieux qu’on bosse entre...

le 5 févr. 2015

179 j'aime

24

John Wick
blig
5

Qu'est ce que t'as Schlingue? Tu veux encore qu'on te la coupe?

- Pourquooooii? Pourquooiii? Un chien si petit, si mignon... "Booumm Booummm, PAAAAff! Ouuuuntcchhaa dans ta face, Pan Pan Pan! Tacatacatacta!" - Cinq morts. Lave moi ça Freddy, t'es...

Par

le 29 oct. 2014

88 j'aime

17

Du même critique

Le Petit Grille-pain courageux
Nazgulantong
7

The dancing toaster

-Harry ! - WHAT ? - It's an inanimate f*cking object ! - YOU'RE AN INANIMATE F*CKING OBJECT! (Bon baisers de Bruges) « Le Petit grille-pain courageux » est un film d'animation de 1987, adapté...

le 11 sept. 2014

7 j'aime

1

Onibaba, les tueuses
Nazgulantong
7

Onibaba

Sorti dans les années 60, durant le développement des courants féministes, Onibaba porte un regard glauque sur la sexualité de la femme. Loin des héroïnes innocentes et virginales hollywoodiennes, la...

le 14 août 2014

7 j'aime

Colors
Nazgulantong
7

Dennis Hopper voit rouge et broie du noir

- « Pop quiz, hotshot! Top! Je me suis shooté à l'oxygène chez Lynch, j'ai lancé la carrière de Néo sur les chapeaux de roue, j'ai roulé des mécaniques et de la Harley avec mon pote Fonda, je suis...

le 10 déc. 2014

5 j'aime