La loi c'est moi. Et l'ordre. Toutes les armes doivent m'être remises. Tous vos quartiers. Sont en état. D'arrestation. Première et dernière sommation !



Les années 90 ont rendu le cinéma d’action plus optimiste, plus doux, plus propre, transformant les héros et leur flegme en clowns et leurs farces. C’était la décennie idéale pour mal adapter Judge Dredd, matériaux rêvé pour les producteurs de ces folles années qui préféraient exploiter le genre en dressant de vastes pubs pour jouets plutôt que d’essayer de faire du cinéma. Rien d’étonnant à voir la gueule de ce film à l’arrivée.




  • Sale pute !

  • Juge Pute.



Il convient d’abord d’expliquer ce qu’est Judge Dredd, une bande dessinée des années 70 créée par John Wagner et merde y a Wikipédia pour ça, contentons nous ici d’évoquer le caractère brutal, loufoque et cynique d’une oeuvre graphique particulièrement riche et variée qu’on ne connaît finalement que très peu par chez nous. Judge Dredd, comme les meilleures œuvres du genre, est une bd qui a tout pour paraître conne à bouffer du sable et qui se sert de son apparat de débilité stratosphérique (punks en cuir, mutants beuglants et drogue synthétique) pour développer une vraie fenêtre sur le monde plus réel. Pour faire simple, on pourrait assez facilement rapprocher le ton de cette bd du RoboCop de Verhoeven, film qui fut d’ailleurs longtemps soupçonné d’être une adaptation non officielle du Juge des Méga-Cités.




  • Une peine de 5 ans ? Nan m'enfin non non j'avais pas l'choix ils se zigouillaient tous là dedans !

  • Vous auriez pu sauter par la fenêtre.

  • Du 40ème étage ?? Mais c'était suicidaire !!

  • Peut-être, mais c'était légal.



Mais voilà, quand Danny Cannon adapte ça dans les années 90, l’époque l’exigeant, il retient surtout les personnages mutiques et caricaturaux au possible et le sous-texte d’ultra-violence idiote, le tout dans un monde d’après désastre avec voitures volantes, cyborgs, canons laser et grenades incendiaires. Et Stallone s’offre comme le liant unique pour l’ensemble, icône à la réplique habile, parfait pour adoucir un contexte un peu trop désespéré pour le grand public venu admirer ce déballage de coffre à jouets. On ajoute alors tous les costumes de rigueur, épaulettes dorées et entre-jambes moulées, motos bardées de cuirasses branlantes, androïdes en toc, mutants miteux déambulant devant des mate-paintings inspirés de Blade Runner, modèle providentiel pour adapter le Juge à l’écran, tout cet attirail déployant de quoi orchestrer un GI-Joe du futur sans une once d’envergure.



Le clan légendaire Angel et fils. Pirates de la Terre de malédiction. Assassins... charognards... et avant tout... sacs à merde !



Le pire c’est que Sly n’était finalement pas mal choisi pour le rôle. Diane Lane non plus, parfaite en Hershey. C’est un gâchis évident que ce film trop contemplatif, trop héroïque, trop expéditif aussi, qui passe son temps à déballer ses personnages sans en développer un seul, à défiler ses décors sous les yeux émerveillés de ses cons de sidekicks sans jamais faire vivre le tout, et sans même parler du goût de sarcasme que développait l’oeuvre d’origine, ce film aurait au moins pu s’attarder à créer un univers tangible. Un film qui confine au sacrilège en montrant le Dredd retirer son casque. Ça il fallait pas. Mais… Aaah, allez, soyons sérieux cinq minutes, et sauf le respect (immense) que je dois à la bd anglaise, qu’est ce qu’il est bon ce film quand même. Hein. Y a pas qu'des mauvais côtés.




  • Ça vous ferait mal d'éprouver une émotion pour une fois ?

  • Émotion ? Ça devrait être interdit par la loi.



Le revoir aujourd’hui est encore meilleur. C’est du Stallone des années 90, c’est à dire mineur, sans ambition, sans grande implication, mais avec un enthousiasme, une générosité qui n’a pas vraiment trouvé son pareil depuis. Inutile de préciser que dès les premières notes martiales d’Alan Silvestri, j’étais déjà propulsé dans un couffin de bonheur, un sourire béat en travers du visage, prêt à réciter des dialogues en chœur avec ce héros monolithique. Oh c’est facile de juger (haha) mécréants, mais faut voir Sly passer traverser des plafonds, déboulonner des punks, énumérer les droits des bandits qu’il attrape et déclamer les sentences avec un faux air de bulldozer. Vous en connaissez vous des héros aussi attendrissants ? Ce sont vos Batman peut-être qui font des courses poursuites sur leurs motos volantes ? Vos Avengers qui commandent une “double dérouillée” à leur pistolet parlant ? Et bien non, oh que non, et malgré le constat désarmant d’un gâchis patente, et surtout aujourd’hui, alors qu’on se décide enfin à éditer Dredd de manière décente, malgré ça j’ai pris un pied fou. Le couplet est habituel, le refrain éternellement seriné, des films demeurés avec une telle inventivité, une telle euphorie, on n’en fait plus. Des films à la fois prêts à croire à chacune de leurs aberrations et sachant, sans sombrer dans la meta-farce, ne jamais se prendre complètement au sérieux. L’honnêteté d’un bon Stallone, ça n’a pas de prix, ça sauve tout, ça change n’importe quoi en bijou, tous ceux qui savent aimer Over the Top ou Cliffhanger me comprennent.




  • Vous n'avez... vous n'avez jamais eu aucun ami ?

  • Si. Un seul.

  • Qu'est ce qui s'est passé ? Dredd ? Attendez. Je veux savoir c'qui s'est passé.

  • Je l'ai jugé.



Judge Dredd, faisons donc une liste de plus, c’est bien des cyborgs, des robots, des motos volantes, des clones non finis et enragés, des droïdes vendeurs de pâtes, des redneks troglodytes de l’apocalypse et des flingues qui parlent. C’est des kilomètres de répliques en or, de l’action sans inspiration mais toujours de bonne volonté, de la musique symphonique absolument unique, superbe écoutée à part, hilarante pendant le film alors qu’elle sublime et statufie un Stallone engoncé dans un costume en plastique. Ça n’est pas un nanar, la mode rend ce mot un peu trop facile à employer. C’est un bon petit film d’action débile mais pétillant, le spectacle d’artisans du divertissement qui s’amusent et le partagent. Ça reste bien-sûr à la frontière du ratage complet, mais nul doute qu’avec le chemin choisi par la production, il a fallu le talent d’un Stallone dévoué pour arriver à un résultat aussi jouissif.



L'audience est levée.


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le 25 févr. 2017

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zombiraptor

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