Jurassic World, c'est le quatrième plus grand succès box-office du cinéma mais c'est aussi une immense déception partagée par de nombreux fans du film original de Steven Spielberg : Jurassic Park, véritable rêve de gosse sur pellicule qui a rendu des millions de gamins passionnés par les lézards géants. Je fais parti de cette génération et je viens pourtant de me visionner pour la troisième fois Jurassic World. Et malgré moi, j'éprouve toujours du plaisir devant ce film.


Jurassic World n'est pas un reboot mais une suite qui ressemble à un reboot. Le parc a ré-ouvert après les incidents qu'on connaît tous et cette fois-ci, aucun imprévu n'a empêché son succès. Un succès tel qu'après quelques années de fréquentation, il faut désormais créer la surprise pour maintenir le parc au sommet et engendrer encore plus de recettes. L'esprit de commerce. Pour y remédier, la solution n'est autre que de créer LE dinosaure le plus effrayant qui soit pour attirer le plus de visiteurs possible. Et ils l'ont fait : l'Indominus Rex, un nom qui claque bien pour les sponsors mais surtout un cocktail ADN détonnant un peu trop dosé pour maintenir le contrôle du parc.


On aurait pu craindre le pire mais le réalisateur Colin Trevorrow n'a pas pris le relais sans un synopsis avec quelques idées de fond. Comme le premier film, il soulève les questions d'une technologie qui nous dépasse ainsi que du respect de la nature environnante : doit on forcément faire ce que l'on peut faire ? Colin Treverow trouve donc habilement la même problématique que Jurassic Park avec ce dinosaure hybride comme fruit défendu.
Le cinéaste en profite aussi pour dresser un portrait réaliste de notre génération connectée et lassée de tout très vite, trop vite ainsi que tout ce qui en découle : publicité agressive, progrès technologique, décisions trop rapides, le fric, le fric... Pour se faire, le réalisateur opte pour deux points de vue dans son film : celui des spectateurs via les deux frères - le plus jeune arrivant encore à s'émerveiller de ce qui l'entoure, le plus vieux ne pensant qu'à flirter – et celui des coulisses du parc via leur tante Claire, personnage volontairement agaçant dès ses débuts mais qui évoluera au fil du film. Un contraste intéressant bien que manquant de subtilité et de profondeur dans son traitement.


Deux points de vue qui nous permettent d'arpenter le parc et de le comprendre facilement. Ce qui fait l'une des forces du film et qui a peut-être su satisfaire tout le monde à ce niveau, c'est la découverte, l'exploration du parc, un parc pensé dans les moindres détails très réaliste et convaincant, que ce soit dans sa gestion ou dans les loisirs proposés. Son infrastructure et les technologies développées pour divertir le public sont tout à fait probables dans un futur proche. Le parc a réellement son identité, reconnaissable aisément dans sa direction artistique.


Puisqu'on parle de la direction artistique, parlons du cœur du film : les dinosaures. Quelques nouveaux au programme, des grosses stars de retour, mais un petit bémol : la qualité inégale de leur réalisme. Tantôt on se voit émerveillé par leur réussite visuelle, tantôt on reste plus sceptique devant certaines scènes ou plans, les grosses bestioles sont inégales mais surtout irrégulières visuellement. On pourra aussi regretter l'utilisation amoindrie de l'animatronique que l'on ne retrouvera essentiellement qu'une fois dans une scène émouvante qui rend d'ailleurs hommage au travail de Stan Winston, la fin d'une ère... On reste tout de même dans le haut du panier et les nouvelles technologies permettent au moins de donner un côté « humain » aux créatures : comme les raptors, chacun ayant sa personnalité. Rassurez-vous, les dinosaures évoquent toujours la même fascination.


Le problème, c'est que Colin Trevorrow n'est pas Steven Spielberg. Dur de passer après un tel maître du grand spectacle me direz-vous... A défaut de créer de nouvelles situations, Colin Treverrow les réemprunte à sa manière, ou du moins il y fait référence assez souvent en renvoyant systématiquement aux plus grands moments des anciens films, ce qui pourra gêner les ultra-anti-fan-service. J'avoue ne pas avoir été gêné par cela car j'y ai senti du respect et un côté humble à ces choix. J'ai même trouvé ça bien vu par moment, bien que le film n'arrive jamais à retrouver l'intensité de la maestria de Spielberg, malheureusement.


Déjà, le scénario fait un peu souffler du nez par moments avec quelques incohérences et facilités un brin exaspérante (le second degré ne suffit plus dans ces cas là)... Mais surtout, Jurassic World souffre de sa réalisation, trop impersonnelle et peu risquée voire même morne comme cette première balade en hélicoptère qui manque clairement de virtuosité, la musique épique dépassant la mise en scène du réalisateur. On pourra tout de même se réjouir de quelques audaces : Colin Trevorrow n'a pas peur et ose la violence, quelques morts réjouissantes font leur effet, surtout que le cinéaste n'est pas effrayé de la surenchère comme en témoigne cette mort sans fin d'un personnage insipide (la « baby-sitteuse » des enfants), c'est gratuit et ça donne le sourire.


Jurassic World est d'ailleurs un film plutôt drôle, très second degré. Quelques punchlines se retiennent plutôt bien, signe qu'elles marchent. Malgré tout, il y a quelques dérapages, un peu trop gras à mon goût (regardez cette scène coupée, vous comprendrez ce que je veux dire... ICI ). Un manque de justesse par moments. C'est surtout le duo Chris Pratt / Bryce Dallas Howard qu'on apprécie. Les seconds rôles autour d'eux emballent moins. L'un des points noirs de Jurassic World, c'est cette attention inégale portée aux caractères du film. Certains personnages sont à la fois caricaturaux mais jouissifs, leur procurant un côté attachant voire charmant grâce à la prestance de leur comédien, d'autres ne sont qu'une parodie un peu vulgaire de personnages vus et revus ou bien leurs personnages manquent tellement de substance qu'on se demandent à quoi ils servent (désolé Omar Sy même si je t'aime bien). Le réalisateur a au moins cette capacité d'installer les personnages en très peu de temps et quelques plans, comme pour l'introduction iconique de Chris Pratt en contre plongé sous soleil.


Côté musique, on retrouve quelques thèmes des anciens films mais jamais dans la surenchère, ce qui est très appréciable et laisse place à de nouvelles compositions plutôt bienvenues et arrivant à créer de l'émotion à certains moments.


J'entends encore les claquements des talons de Bryce Dallas Howard fuyant un tyrannosaure. Plus c'est gros, mieux ça passe. Jurassic World n'a peur de rien et surtout pas d'être quelque part un produit dérivé dont il se moque même parfois. Conscient de ce qu'il est et de ce qu'il ne pourra jamais égaler, Jurassic World fait miroir au Jurassic Park de Spielberg sans le savoir-faire du maître mais avec légèreté et respect. Colin Treverrow ré-ouvre le parc de manière humble et cynique sans jamais se prendre trop au sérieux. Dommage que ce manque de sérieux se soit aussi reporté sur le scénario...
Oui, le film n'est pas exempt de défauts mais il ne mérite pas non plus l'acharnement critique qu'il a subi et je suis pourtant un grand fan du film Jurassic Park pour dire ça. Jamais ennuyant et tout à fait divertissant, Jurassic World est un film lucide sur son époque et sur lui même qui sait se montrer réjouissant par quelques bonnes idées et moments de panique réussies. N'en déplaise à certains, c'est du vrai fun service, et j'insiste bien sur le fun. Et puis merde, Chris Pratt qui dresse des raptors, ça marche et ça marche même bien. Il l'a fait, il y est arrivé ce vieux dégénéré !


SUR POPCORNOGRAPHIE :

-veloutou
7
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le 8 févr. 2016

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-veloutou-

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