Inverser le temps, le distordre, la narration se faire, d'une façon décalée, suspendue à des dialogues comme à des incises de poèmes, laisser les enzymes des âmes flotter comme des nénuphars, le long de cette incursion dans les montagnes de Chine du sud, d'où le cinéaste Bi Gan est né, c'est donner quelques bouts de fil de la texture onirique qui sous tend ce premier film.
L' intrigue de départ jalonne l'errance mythique de l'un des deux frères, Chen, mi-docteur, mi-Triade repenti, cherchant à retrouver son neveu WeiWei, lui même rejeté par son père.
De Kaili, ville embrumée, industrieuse, où de nombreuses scènes éclairent le quotidien de Chen et sa collaboratrice, dans les bouges de la ville, le propos suit les méandres du parcours en train ou en scooter de Chen, avec des échappées mystiques. S'achève dans un village Dangmai, sombre et misérable, aux creux d'une sublime vallée, où serpente une rivière qui magnétise le regard. Et que l'on traverse derrière une caméra mobile, autant que les ruelles en boucle, longtemps dans l'ultime partie du film, en un seul plan séquence, croisant les même personnages, comme des souvenirs, dans un temps projeté, éclaté, étiré.
C'est forcément décousu, brouillé, mais pour le moins désarmant. Autant que de croiser les bras dans le dos, qui est la marque des criminels...