Cela fait un moment qu’on me parle de Larry Clark en me le présentant comme un réalisateur ayant pour thème de prédilection l’adolescence, et tout particulièrement le mal-être des jeunes et les dérives qui en découlent. A force d’en entendre parler, j’ai voulu voir de mes propres yeux si ce personnage méritait vraiment son statut de Michael Moore tentant de pousser un cri d’alarme sur la situation de la jeunesse aux USA. C’est ainsi que je me suis lancé dans le visionnage de ce que beaucoup de personnes considèrent comme son meilleur film : "Kids". Le sujet est simple : une jeune fille accompagne une amie qui veut faire le test du VIH et apprend à cette occasion qu’elle le porte en elle. Accusant le coup vu qu’elle n’a eu qu’un seul rapport sexuel dans sa vie, elle décide de retrouver le garçon qui lui a transmit pour l’empêcher de contaminer d’autres filles vu qu’il s’agit d’un insatiable queutard…Sujet peu banal et assez dérangeant…et dérangeant c’est le mot qui peut définir entièrement "Kids" : dès le début du film, les scènes osées ou les discussions très crues entre de jeunes adolescents, presque encore des enfants, arrivent à nous faire ressentir un certain malaise. Mais il est clair que c’est ce que recherche Clark, il veut montrer les jeunes tels qu’ils sont au quotidien : ils ne pensent et ne parlent que de cul, passent la plupart de leur temps libre à faire du skate, ils se déchirent au shit tout en s’enfilant des bières, ils se battent pour le plaisir de cogner (même s’il faut le faire à dix contre un !)…le message est assez évident : les jeunes ne sont pas les charmantes têtes blondes que leurs parents croient qu’ils sont et ils souffrent d’un incontrôlable syndrome d’auto-destruction. Et la grande force de Clark est de réussir à insérer dans son portrait de cette génération perdue un certain suspense par l’intermédiaire de la quête de Jennie qui recherche son ancien amant afin de l’empêcher de contaminer à nouveau une autre : on suit cette aventure avec intérêt en espérant jusqu’au bout que la jeune fille touche à son but, tout comme on suivrait un film catastrophe nous relatant l’expansion d’une pandémie. D’un autre coté, au travers de cette histoire tragique, Clark nous montre l’insouciance totale des jeunes garçons qui se croient invincibles (leur bêtise n’a aucune limite : l’un d’eux prétend même que le sida n’existe pas car il ne connait aucune personne ne l’ayant !!) Mais ce qu’il y a de plus effrayant dans "Kids", c’est de voir que, aujourd’hui en 2014 (soit presque 20 ans plus tard !), les jeunes sont toujours comme ça…alors, visionnaire le Larry Clark ? On peut réellement se le demander après réflexion surtout quand on sait qu’aujourd’hui les jeunes ont beaucoup plus de moyens de se renseigner sur les drogues et les dangers du sexe sans protection (ne serait-ce qu’avec internet ou les campagnes de prévention dans les établissements scolaires) que leur homologues de 1995. Pour une première incursion dans le cinéma de Larry Clark, j’avoue avoir été agréablement surpris par le ton réaliste et assez nihiliste (je crois que la phrase de l’un des protagonistes résume toute la perdition de cette jeune génération : Spoiler : « Baiser, c'est ce que j'aime faire. Si on m’enlève ça alors il ne me reste vraiment plus rien ! ») de son film. Pourtant, le thème très grave qu’il illustre n’est jamais surjoué (la prestation des jeunes est vraiment bluffante de crédibilité) et le scénario est extrêmement bien ficelé pour nous captiver. Réaliste, froid, dérangeant, "Kids" se contente de constater une bien triste réalité, sans jamais se permettre de juger ou de désigner des responsables. En tout cas, on devrait le diffuser dans tous les collèges, lycées et universités de France : c’est le meilleur message sur la prévention des MST que je n’ai jamais vu.