C'est en propulsant en 1987 Mel GIBSON et son "Arme Fatale"au rang de stars que Shane BLACK fait ses débuts en tant que scénariste de longs métrages. Poussé par le succès de son 1er essai, il est par la suite demeuré enchaîné une bonne dizaine d'année au genre « gros films d'action hollywoodien & probable block-buster de l'été » et ses productions se sont révélées des réussites bien plus financières qu'artistiques.
Le gouverneur de l'état de Californie lui-même ne saurait dire le contraire à en juger la qualité du résultat de leurs efforts communs : « Last Action Héro ».

Shane BLACK : l'auteur d'un coup de génie, scénariste efficace dans son domaine d'action mais sans grande originalité.

En 2005 sort dans les salles « Kiss Kiss Bang Bang » qui doit signer, après 9 ans d'absence, le retour de Shane BLACK sur le devant de la scène et ses débuts de réalisateur.
C'est l'histoire d' Harry Lockhart, un cambrioleur qui après le casse d'un magasin de jouet se retrouve à auditionner pour un film afin éviter la police. Il obtient le rôle mais, pour améliorer son jeu d'acteur, se voit désigner par la production un binôme à savoir Gay Perry, un détective privé homosexuel. Il retrouve par hasard Harmony, une « amie d'enfance » et tous trois se retrouveront rapidement mêlés à une histoire aussi sombre qu'une nuit sans lune.
Le film se veut un film d'action tendance polar, en tout cas il se présente comme tel et l'affiche ne laisse rien présager de nouveau sous le soleil.

Et c'est de là que vient la surprise, car « Kiss Kis Bang Bang » ne ressemble en rien au film d'action standard tel que l'on s'attend à le voir et se permet à ce titre toutes les libertés et irrévérences possibles. Shane BLACK, en jouant entre autre, sur la narration et une mise en scène déstructurée, brise avec minutie tous les codes qui caractérisent le film d'action, ceux là même qui ont fait son succès mais qui ont également étouffé bien trop longtemps sa créativité.
Et c'est bien à une véritable bouffée d'air frais qu'il nous invite aujourd'hui car même après plus de 3 visionnages, ce film demeure pour moi inclassable.....un ovni qui sous ses airs de film barré aborde bien plus de thèmes sérieux qu'il n'y parait.
Tout d'abord, il faut resituer les choses dans leur contexte.
En 2005, Georges BUSH vient d'être réélu et les USA se battent depuis déjà 2 ans en Irak autrement dit une nation, suivie par bien d'autres, mène une guerre « juste » selon les médias, diffusée au monde sur CNN non-stop, mais dont le motif réel ou tout du moins sa preuve demeure un mystère pour tous.
En 2005 grâce aux médias : personne n'ignore que tout le monde sait aujourd'hui si l'on se bat mais jamais pourquoi on se bat....et ça ne dérange personne si l'on en croit les votes.
Shane Black, lui, prend un malin plaisir à parodier dans chaque scène de son film les médias dans leur ensemble comme une façon subtile de nous dire « arrêtez de croire tout ce que l'on vous dit »
A commencer par les informations TV qui dans leur chasse aux faits divers ne se révèleront qu'un tremplin pour Harmony qui rêve depuis toujours des lumières d'Hollywood.
Car le film multiplie les situations absurdes et les clins d'œil et c'est bien la mort accidentelle dans son appartement d'un « super héros » bourré qui permettra à Harmony d'être enfin remarquée par un producteur.
La littérature y est vu comme une arme à double tranchant ainsi elle permet l'évasion d'un enfant de son tragique quotidien mais demeure également une source d'inspiration inépuisable pour meurtriers privés d'idées.
Ne sont pas épargnés la publicité, et bien entendu le milieu du cinéma qui est littéralement démystifié à chaque intervention du narrateur et héros du film Harry Lockhart.
Tout Hollywood et sa machine aux rouages bien huilés passent à la moulinette de son point de vue décalé et désabusé: références cinématographiques (Octobre Rouge,...), références au fait que l'on regarde un film (même les flash-back ont l'air interactifs) et le milieu du 7ème art est dépeint dans ce qu'il peut avoir de pire.
Sans parler du héros, qui est ici l'inverse de la figure emblématique propre au film d'action, en d'autre terme il s'agit un loser fini que l'on trouve finalement attachant par sa capacité à collectionner bides et coups du sort au fur et à mesure que sa situation se complique.
Dieu sait que Robert DOWNEY Jr en connaît un rayon quand il s'agit de toucher le fond et son expérience se révèle là un plus non négligeable tant il parvient à donner vie et crédibilité au personnage.
Car tel un dernier pied de nez aux médias et leurs stéréotypes, Shane BLACK a cette fois-ci décidé que ce serait le compagnon d'infortune homosexuel du héros, Gay PERRY, qui endosserait le manteau viril jadis porté par Mel GIBSON et Arnold SCHWARZENNEGER.
En effet, le personnage de Gay PERRY, interprété par un Val KILMER en pleine forme, est lui tout à fait dans le ton d'un bon film d'action : classe, intelligent, viril, fort, déterminé et mystérieux......mais il est gay (ou plutôt Gay PERRY) et c'est une 1ère claque pour un genre qui se veut républicain, puritain et plutôt modérément porté sur la tolérance.
Car si l'on peut parfois voir des homosexuels mis en scène dans des block-busters, ils sont généralement exagérément efféminés et tout au plus ne servent que de faire-valoir au héros.
Shane BLACK semble avoir un avis bien tranché sur la question et se fiche complètement des clichés et autres idées reçues car s'il les mets en scène avec humour (discussions d'homophobes, boite de nuit homosexuelle...), ce n'est que pour mieux les bousculer en créant le surhomme « Gay PERRY, mi-gay, mi-bourrin », ou l'homme qui aime les hommes et réussit à flinguer les méchants avec son pénis (véridique, au bout d'1h20 de film).
L'homme qui se décrit lui-même par « je ne suis pas un mec bien » volerait presque la vedette au héros du film s'ils ne se donnaient pas si bien la réplique, il est donc inutile de préciser que les dialogues du film sont brillants et tout à fait aptes à faire pouffer de rire même le plus blasé des cinéphiles.
Shane BLACK livre là un petit bijou d'invention et sa créativité arrive même à rendre intéressante la « love story » propre à tout bon film susceptible d'être regardé avec sa tendre et chère.
Car Harmony, l'héroïne du film et coup de cœur de notre cher Harry, est loin de la potiche pour « super dur à cuir» et Michelle MONAGHAN interprète avec brio et fraîcheur ce personnage haut en couleur.
Harmony se distingue par un caractère fort, prenant l'exact opposé de celui de son compagnon et leur relation intime se construit autour de leurs disputes, malentendus et différences de point de vue.
Shane BLACK a innové pour ce couple, en allant chercher une fois de plus à 1000 lieues des clichés du film d'action et c'est ce qui lui donne ce coté attachant et crédible.
Elle : déterminée voire opportuniste, franche et optimiste
Lui : complètement dépassé par les évènements, pessimiste, lâche et piètre mythomane
Le film est découpé en 4 jours et 1 épilogue rythmés par le destin de ces 2 êtres qui se cherchent depuis toujours sans jamais se trouver, le plus souvent à cause de Harry qui en arrivera presque à foirer également sa « love story ».
Shane Black a fait de son film le Canada Dry du film d'action « ça ressemble à un film d'action, ça se présente derrière une affiche de film d'action, avec un scénariste de film d'action mais c'est on ne peut plus complexe et drôle qu'un film d'action ! »
Et donc comme beaucoup d'œuvres trop originales ou simplement trop éloignées des attentes du grand public, « Kiss Kiss Bang Bang » est passé quasiment inaperçu en salle.
Mais Shane BLACK a, selon moi, réussi son pari en réussissant à aller là où on ne l'attendait pas du tout : « Kiss Kiss Bang Bang » 1ère œuvre culte et maîtrisée d'un bout à l'autre est incontestablement une réussite....mais une réussite ô combien plus artistique que financière.
PhanoudaDogg
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le 29 mars 2011

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PhanoudaDogg

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