Dans la catégorie des cinéastes qui divisent les cinéphiles au gré du temps, force est d'avouer que Terrence Malick y a une place de choix, tant ses films déchainent autant les débats qu'une sortie médiatico-cul de Miley Cyrus.


Plus sérieusement, le bonhomme peut se targuer d'être l'un des seuls à avoir pleinement de son emprunte indélébile l'histoire d'un septième art ricain - et même mondial - qui nous aurait certainement paru moins majestueux et étourdissant sans sa personne.


Incroyable conteur auteur de quelques chefs d’œuvres majeurs (La Balade Sauvage, Les Moissons du Ciel, The Tree of Life mais surtout La Ligne Rouge) tout en étant l'un des metteurs en scènes les plus rares à fouler les salles obscures, le Terrence, motivé par la reconnaissance imprévue de The Tree of Life durant la Croisette 2011 - ou frappé par le syndrome Allenien au choix -, défiait toute la logique de sa production en enchainant la réalisation coup sur coup de trois longs métrages au casting méchamment alléchant : A la Merveille, Knight of Cups et un projet (ex-Lawless) pour le moment toujours sans titre.


Si le premier à déjà eu les honneurs d'une sortie en salles il y a de cela près de deux ans et demi (déjà), et si l'on ne sait toujours pas quand débarquera le troisième; voilà qu'arrive donc dans nos salles obscures cette semaine Knight of Cups, chronique ambitieuse sur la crise existentielle d'un Christian Bale décidément toujours au bon endroit au bon moment, et qui retrouve le cinéaste près de dix ans après le sublime Le Nouveau Monde.


Privilégiant la quantité à la qualité comparé à ses œuvres passées comparable à des tableaux de maitres, il était déjà évident que le poème d'amour sur pellicule qu'incarnait À la Merveille, souffrait grandement du manque d'implication scénaristique d'un Malick impliqué esthétiquement; mais totalement à la ramasse dans sa description manquant cruellement de subtilité et de délicatesse, du Rise & Fall de la romance passionnée entre Ben Affleck et Olga Kurylenko (dont on peinait à croire en l'honnêteté des effusions romantiques) aussi poussive que mal rythmée et constamment plombée par un score classique sur-présent.


A trop vouloir intellectualiser et embellir son film, Malick en oubliait presque la spontanéité et même la simplicité qui émane de toute passion amoureuse, rendant ainsi superficiel son décryptage passionnel déjà pas mal amaigrit par une non-direction scénaristique, un message final pas toujours lisible et une surcharge d'interrogations pas toujours pertinente.


Du bel ouvrage expérimental mais incroyablement décousu et peu surprenant, dans lequel surnageait une pluie de moments de grâce éblouissants tout autant que les prestations charismatiques de Ben Affleck et Javier Bardem, ainsi que celle lumineuse de la mésestimé Rachel McAdams.


A l'instar de son récent ainé, le septième long-métrage du Terrence s'échine à développer une fois de plus le thème du cycle de la vie usé depuis The Tree of Life, soit la méditation d'une figure errante cherchant un sens à sa vie, un cheminement intérieur - mais pas que - passant notamment par une énumération de ses échecs sentimentaux et prenant ici les traits d'un auteur de scénario déchu dans la Cité des Anges.


En prenant pour cadre Hollywood la putain, le cinéaste ne pouvait que taper dans le mille tant la stratosphère du cinéma ricain doit logiquement contenir à la pelle de ses auteurs/acteurs/réalisateurs déambulant sous les affres d'une gueule de bois existentielle sans fin.


Poseur, plus expérimental et sensoriel encore qu’À la Merveille, ou il forçait le spectateur à lui-même trouver les clés des fondements l'amour (ou tout du moins, les réponses qu'il voulait y voir), Knight of Cups est une plongée vaporeuse dans les tréfonds d'une âme perdue aussi hybride et déconstruite qu'elle est pompeuse et radical dans sa volonté d'offrir un divertissement non-traditionnel dont le montage alambiqué doublé à un casting en complet surjeu, ne masquent plus les limites d'un scénario limité à outrance.


Quête philosophique et labyrinthique littéralement égarée dans ce qu'elle cherche pourtant à humblement dénoncé (la superficialité et la vanité putassière qui gangrènent le beau monde et plus directement, l'étrange monde Hollywoodien) appuyée par une mise en scène à l'hyperréalisme écrasant, la péloche est une œuvre assommante, sans surprise même si formellement grandiose - évidemment.
Voir la grandeur du papa de La Ligne Rouge se diriger tête la première vers un cinéma abscons et irritant là ou il émerveillait et touchait jadis, est une expérience aussi déroutante que malaisante.


Pensum désabusé et extrême dans tous les sens du terme bien loin de l’œuvre puissante et fascinante espérée, Knight... est le symbole criant de la perdition du cinéma de Terrence Malick enclenché depuis The Tree of Life, artiste de l'image qui semble engoncé dans une volonté d'offrir une énième redite de sa gloire passée sans inspiration ni poésie.


Comme si celui-ci avait définitivement perdu son mojo dans sa volonté gourmande de ne plus prendre pleinement son temps à peindre chacune de ses toiles sur pellicules.


Prions donc, comme à l'époque d’À la Merveille, que tout ceci n'est qu'une nouvelle sortie de route et que le bonhomme renaitrait bientôt de ces cendres, tel un phœnix flamboyant et unique en son genre.


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.com/2015/11/critique-knight-of-cups.html

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le 25 nov. 2015

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