A ne pas voir si vous êtes avocat général.

L'abolition de la peine de mort. Pas le sujet le plus folichon du monde, n'est-ce pas ? Et vous avez raison: si vous voulez vous divertir ou rire un peu pour oublier les soucis de ce monde, passez votre chemin et allez regarder les Inconnus. Ou Gad Elmaleh. Enfin peu importe après tout.

Si vous continuez à lire cette critique, j'en déduis que ce film suscite en vous ne serait-ce que l'ombre du soupçon d'un intérêt quelconque. Alors continuons.

L'abolition est un téléfilm français de qualité. C'est suffisamment rare pour être souligné. Pour une fois, tout est réussi, à défaut d'être parfait (ne crachons pas dans la soupe, celle-ci est en plus succulente).
Charles Berling est parfait, incarnant Robert Badinter avec une force peu commune. Hurlant dans les procès, calme avec ses clients, sa famille et ses proches, mais toujours fort et droit dans ses bottes, il me rappelle le juré N°12 de Douze hommes en colère : résolu à défendre le droit coûte que coûte, jusqu'à risquer son emploi. Les autres comédiens, à défaut d'être plus mémorables, remplissent correctement leurs fonctions (on retiendra tout de même Monique Chaumette dans le rôle de la mère de Badinter, et Gérard Depardieu, impérial comme à son habitude, dans celui du mentor de notre héros).

Le film repose principalement sur les dialogues, la réalisation étant (vieille habitude française) trop sobre pour raconter une histoire à elle seule. Il faut donc se rattraper sur les dialogues. Ça tombe bien, le film est remarquablement bien écrit, en particulier les scènes de procès, qui créent une tension palpable et bienvenue.

Bien sur, on pourra ne pas être d'accord avec les idées de Badinter (qui semblent être aussi celles du film lui-même), mais on ne pourra nier la force de la mise en scène, et la belle dimension humaine du projet: l'oeuvre est émouvante sans être larmoyante, posant la question de la peine de mort avec justesse. Même si on peut estimer que les arguments en faveur de celle-ci sont mis de côté un peu trop vite (et qu'on regrettera l'absence du discours final de Badinter), on comprendra très vite et très facilement les tenants et les aboutissants d'un problème d'autant plus préoccupant qu'il se pose encore dans de nombreux pays... et dans le nôtre, ressuscité par les récents événements qui l'ont ensanglantés.

Un film puissant, noble et captivant.