Devenir fou est parfois une réponse appropriée à la réalité. (Philip K. Dick)

[Science Fiction (Anticipation, Post-Apocalypse, Voyage dans le Temps)]


L'Armée des Douze Singes est film aujourd'hui culte que ce soit pour la filmographie de Bruce Willis, pour le cinéma de SF ou pour le septième art en général.
On y suit le parcours de James Cole (Bruce Willis), un prisonnier condamné à perpétuité pour avoir commit "des crimes de la pensées" (si l'on peut dire), comportement anti-social, marginalité, idées contraires aux bonnes mœurs, etc... qui, du jour au lendemain, va être choisi comme "volontaire", pour une mission des plus importantes, sauver le futur.


Les premières scènes nous annonces déjà la couleur, les êtres humains vivants sous terre pour protéger l'espèce de l'extinction suite à un virus, la surface désolée où la nature et le règne animal ont repris leurs droits, une population à l'étroit, entassée, des prisons glauques, des blessures, de la sueur, des cris, l'odeur de rouille et de cambouis, des lumières rouges, oranges, jaunes foncées, etc... Tout est fait pour montrer et insister sur l'horreur du monde de 2035.
Si au début, le spectateur ne comprend pas grand chose à l'intrigue, si ce n'est la description de l'univers, le scénario va vite nous perdre dans les méandres de la science-fiction "TechNoire" pure et dur, car, c'est bien tout l'attrait de ce film, sa noirceur tout droit inspirée de la philosophie Dickienne.
James Cole apparaît rapidement comme un personnage au passé flou, que l'on devine légèrement à travers son rêve récurant, où on le découvre petit entrain d'assister à une fusillade dans un aéroport, mais à part ça, il est juste volontairement vide, creux, perdu, on le sent mort, il ne paraît que soumît, livide. Il est donc choisit pour une mission des plus importante qui permettrait de sauver l'humanité, il doit juste aller dans le passé, en 1996, et trouver des indices sur la personne qui a créé l'armée des douze singes, cette même organisation qui a lâchée le virus sur la planète.
Manque de bol, Bruce Willis se retrouve propulsé en 1990, six ans trop loin dans le passé, cherchant quand même par tous les moyens à accomplir ce pourquoi il fut envoyé, il passe pour fou aux yeux de la population, finit en prison où il va faire la rencontre de Kathryn Railly, une psychologue persuadée de l'avoir déjà vue quelque part mais qui ne va pas se gêner pour autant de l'enfermer dans un asile.
Notre visiteur du futur va alors y faire la connaissance de Jeffrey Goines (Brad Pitt), un allumé paranoïaque, admirablement crédible par le jeu d'acteur d'ailleurs.


Voilà donc grosso-merdo comment s'introduit l'histoire. Nous naviguons donc sur deux plans en ce début, la réalité du personnage, 2035 et la réalité passée de l'humanité, 1990-1996. La rencontre avec la psy et l'entrée dans l'asile du héros vont créer et installer très vite un sentiment de confusion chez le spectateur et l'amener à se poser la question "est-ce que c'est réel ou non?", mais alors, dans quel sens va cette question? Est-ce que c'est le futur qui est réel, ou est-ce que c'est l'asile? Cole est-il fou ou vit-il vraiment toutes ces expériences?
Nous avons donc un bel exemple d'inspiration Dickienne poussée jusqu'à une certaine frontière, on se croirait réellement dans un roman de Philip K. Dick, pourtant, ce n'en est pas un. Si la trame avance un peu plus rapidement après ce premier voyage dans le temps, il n'en reste pas moins intéressant de suivre l'évolution de la perception que les deux personnages principaux ont l'un sur l'autre, Kathryn pense au début que Cole est fou, dérangé, qu'il vit dans son monde et voit des choses qui n'existent pas et n'existeront jamais que dans sa tête alors que lui est convaincu que tout est réel, qu'il n'invente rien, qu'il doit accomplir sa mission, jusqu'au moment où les rôles vont s'inverser, qu'il va commencer à se penser fou, voulant alors aller jusqu'à se faire soigner pour ne plus avoir à osciller d'une époque à l'autre dans son subconscient, à l'inverse, elle va commencer à croire à son histoire à comprendre qu'ils doivent empêcher Brad Pitt d'éliminer 5milliard d'individus. Ce qui est alors fascinant, c'est de voir comment le suspense nous pousse à croire tout ce que pense James Cole, à croire tout ce qu'il se dit à lui-même, une schizophrénie naissante prend place au milieu de la paranoïa, le Géant, Philip K. Dick s'incarne dans ce sentiment.


Bien sûr, je pense que pour vraiment apprécier l'œuvre il faut d'abord laisser glisser le seul vrai problème du film, le paradoxe temporel, Bruce Willis créé l'armée des douze singes à cause de son voyage en 1990, le problème c'est que si l'armée n'existe pas, il ne voyage pas dans le temps, etc..., etc..., etc... Arrêtons de chipoter pour si peu, le voyage n'est pas la thématique première du scénario, elle n'a pour but ici que de créer une texture à l'histoire, d'enrichir l'univers de l'œuvre et surtout de servir d'élément déclencheur à l'intrigue, bien que dans un sens elle soit aussi la résolution du mystère du récit, certe il n'était pas nécessaire d'en parler, mais j'ai jugé bon de ne pas oublier trop d'éléments.
Ce paradoxe à en plus pour effet de renforcer la sensation d'irréalité, il nous emprisonne dans une boucle sans fin permettant de créer l'illusion d'un destin, d'une simulation, d'un simulacre enfermant Bruce Willis sur lui même, le rendant encore plus fou, mais aussi plus réel qu'il ne l'est peut-être vraiment, une sorte de paradoxe de réalité rappelant bon nombre d'œuvre de (encore une fois), Philip K. Dick, cela s'illustrant très bien par la chute, l'anadiplose basée sur le parallélisme entre son rêve et la réalité se réalisant.


Bien sûr, on ne peut tout dire sur ce film, il faut le voir pour comprendre, j'ai ici essayé d'en dire le maximum tout en disant le moins possible pour ne pas gâcher le plaisir de celles et ceux qui ne l'ont pas encore vus.


VR_

ubik48
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le 17 nov. 2016

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