« M'en voudrez-vous beaucoup si je vous dis un monde ... »
A une époque où on préférait se bidonner de l’occupation, tandis que les nazis avec leur casque à pointe étaient devenus presque des personnages de boulevard dans la comédie franchouillarde, Jean-Pierre Melville rétablit le bon ordre des choses : il est le premier à faire défiler un régiment nazi sur la Place de l’Etoile, l’une de ses plus grandes fiertés de réalisateur. Cette séquence d’ouverture donne le ton pour la suite.
L’armée des ombres rend enfin justice à la Résistance : finalement ce ne sont pas les héros glorieux dont parlaient les livres d’histoire de l’immédiat après-guerre. Les résistants sont des types esseulés, aux aguets, et aux mains souvent très sales. Les performances des acteurs sont toutes bluffantes de dureté, le cadrage implacable renforce encore l’austérité du film. La seule scène où Lino Ventura refuse de courir, puis cède et file à toutes jambes, c’était déjà une idée de génie.
Ce film aura été taillé à la serpe lors de sa sortie, en 1969, pour sa fidélité sans faille à De Gaulle. Finalement la Nouvelle Vague n’avait rien compris : avec sa peinture noire et désespérée de ces quelques résistants éparses, Jean-Pierre Melville renvoie dans les cordes celui qui a dit : « Toute la France a été résistante. »
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