Foirer un scénario ne fait pas tout, mais quand même...

Quantième Art


À défaut d'offrir de grands noms et une grande production, L'effet papillon nous fait des promesses. Et la plus grosse d'entre elles, promise par le premier regard, est d'être un film d'ambiance. On peut largement lui accorder le crédit d'avoir accompli cette mission, car il n'a pas peur de se mouiller, autant dans les décors que dans les émotions. On a parfois l'impression que la réalisation est un vélo lancé en roue libre sur une pente forte (c'est la première image du film, d'ailleurs) et qu'il menace de tomber souvent, mais qu'au final elle s'en tire avec une frayeur et le guidon qui a tremblé bien fort. Parfois la mise semble avoir été trop grosse sur certains chapitres du scénario, faisant attendre peu au spectateur, et l'empêchant du coup de savourer le tout. C'est un effet similaire qui se produit avec la fin ; on attend peu, et on en prend tellement dans la figure qu'elle tombe à plat. Le sacrifice, qui est un élément central et vital dans l'équilibre de chaque chapitre, en est presque anonyme. Difficile de déterminer de quel côté de l'écran vient la faute, alors minorons ce défaut au rang de panne de spectation.


Histoire de parler d'un vrai défaut, prenons l'intrigue. Elle présente deux symptômes d'une pathologie grave appelée "maladie de la série télé". D'abord, il semble convenu qu'il doit y avoir du drame partout. À en croire le film, toute famille digne de ce nom doit traverser deux ou trois drames d'envergure en une vingtaine d'années. Ce qu'il se passe entre les drames, on s'en fiche. Bon, après tout, la suspension de l'incrédulité aide le spectateur à tolérer tout ça. Mais l'autre symptôme, c'est le pouvoir qu'acquièrent les personnages, en particulier les enfants, qui deviennent des machines à péter les plombs. Ou à tuer, accessoirement. Et en tant qu'adultes, ça leur paraît normal. À ce stade, la suspension de l'incrédulité crie grâce. Et c'est encore sans compter que la navigation dans les chapitres ne cherche absolument pas à compenser ce manque de rigueur et qu'il arrivera à plusieurs moments qu'on veuille dire au film de ralentir pour se respecter lui-même.


Et cela nous amène au dernier mauvais point : l'œuvre est renfermée sur elle-même. En gros, nous avons un personnage avec des capacités cérébrales hors du commun (ce qu'on n'essaye pas trop d'expliquer, mais bon, vu ce que la suspension de l'incrédulité a déjà dû gérer jusque là, un peu plus ou un peu moins ne fait pas une grande différence) et tout ce à quoi il pense, c'est lui-même ou, au mieux, ses proches. Sans même dire que c'est irréaliste en matière de pensée humaine, il est tout simplement impossible pour une telle aberration scientifique d'être contenue dans un si petit espace – scénaristique en l'occurrence.


C'est un peu dommage de devoir tant parler en mal de ce film, mais son scénario est tout bonnement raté. Après, comme on l'a dit, c'est aussi un film qui tient ses promesses avec dignité, remplit agréablement deux petites heures, et bluffe parfois un peu dans la façon qu'il a de considérer la caméra comme un protagoniste. C'eut pu être pire.

EowynCwper
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le 23 avr. 2018

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Eowyn Cwper

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