Un film de transition qui en fait une certaine force

Cinq étoiles, ce n'est pas terrible quand il est possible de monter jusqu'à dix. Mais ce second volet de l'ancienne trilogie Star Wars est particulier. La réalisation est bien meilleure que dans le film précédent. Les cadrages sont meilleurs, on peut avoir des plans qui ont un début d'impact ou de signification (je pense d'ailleurs à une scène où 6P0 est éteint, mais impose son corps et son regard à gauche de l'image à côté de Leia et Han Solo), on vibre plus avec les personnages, on ressent la dimension épique.
Mais surtout, le film tire aussi un parti de son statut intermédiaire. Le premier film introduit la saga mais se suffit à lui-même, alors que ce film a un commencement, mais il repose sur des mises en place du premier film et surtout il a une fin en suspens, avec le cas évident de Han Solo qui est moulé dans une dalle de carbonite et toujours en danger. On attend bien évidemment la suite de la confrontation entre Skywalker et Vador, et on remarque la quasi absence de l'empereur dans toute la fin du film. L'empereur se manifeste au début, puis disparaît, ce qui annonce nettement une suite. Ce n'est pas que ce traitement de l'empereur soit bien fait, mais ça montre bien que ce film est intermédiaire et ne s'impose pas du tout comme un film autonome, ce qui est bien évidemment un énorme défaut, mais c'est paradoxalement aussi ce qui permet au film de poser ce qu'il a de plus intéressant à proposer : on a une histoire tragique, tendue, avec aucune victoire franche ni du bien, ni du mal. Personnellement, surtout dans la mesure où je connais la suite Le Retour du Jedi, j'aurais fait une fin plus sombre, car les héros s'échappent dans l'hyper espace, alors qu'on aurait pu avoir une fin beaucoup plus sombre. Il faut bien que Luke s'échappe pour aller faire remplacer son bras amputé, mais le "happy end" relatif gâche l'atmosphère convaincante du reste de ce second volet de la trilogie.
Maintenant, le film n'a pas un scénario consistant, il est clair encore une fois qu'il a un caractère de récit intermédiaire et que l'enchaînement de scènes d'action donne l'illusion d'un scénario alors qu'en fait il n'y en a pas vraiment, contrairement au premier et au troisième volet.
Tout le début du film est un peu un hors-d'oeuvre, mais c'est un peu creux. Luke Skywalker se perd sur une planète enneigée, n'arrive pas à rejoindre la base et cela parce qu'il se fait attraper par une sorte de yéti. C'est incroyablement ballot comme histoire : on a le Jedi, as du pilotage de vaisseaux, disciple prometteur de la Force, un gars qui affronte les puissances technologiques d'un empire interstellaire, qui se fait choper comme une merde par un yéti, sachant que dans le premier film il se fait choper déjà comme une merde par des hommes des sables. Dans les deux cas, il se fait sauver par une aide extérieure, là Obiwan Kenobi ici Han Solo. Quitte à nous proposer un tel paradoxe, il aurait fallu le mettre en scène, lui donner du sens. Comparaons avec le début mythique des Aventuriers de l'arche perdue. Dans ce premier volet d'Indiana Jones, on a un préambule assez long qui prend une bonne partie du début du film et qui est d'ailleurs meilleur que tout le reste du film, voire que tout le reste de la trilogie, mais ce début scénaristiquement pose les bases et fait connaître qui est Indiana Jones et à quelles aventures s'attendre. Le début de L'Empire contre-attaque, on nous raconte un truc qui n'a pas de sens pour la trilogie, qui fait redite avec les hommes des sables, qui n'a aucun intérêt, qui n'est même pas génial à regarder pour soi-même. Et pire encore, ça rend peu crédible tout ce qui se passe, puisque ce héros si important pour la rébellion peut s'égarer ainsi dans la neige et commettre une imprudence aussi bête et aussi facile à éviter.
Bon, ensuite, on a des combats, des poursuites, tout le long du film. Je n'en pense pas grand bien. Les combats à l'épée laser sont nuls. Pas de chorégraphie. Les personnages n'escriment pas, mais ont l'air de soulever des masses et se battent à deux à l'heure encore une fois, car sur ce point-là la réalisation ne s'est pas améliorée. Les rayons lasers sont toujours aussi peu convaincants et on tique quand le vaisseau subit un tir de plein fouet qui le fait tanguer, mais s'enfuit quand même comme si de rien n'était. Sur la planète enneigée, on voit des robots quadrupèdes géants dont le blindage ne craint pas les lasers (décidément ces lasers n'arrivent pas à illustrer le progrès dans cette série ! Vive le 22 long rifle, vivent les bazookas !). Mais, on les fait tomber en enroulant un filin autour de leurs jambes. OK d'accord ! Soyons indulgents, ça permet au moins de raconter un combat étonnant, même si ce n'est pas vraisemblable, mais ensuite on voit Luke Skywalker jeter une grenade dans un de ces engins qui explose, puis qui réexplose quinze fois. La grenade est plus puissante que le tir laser des navettes. Non, là, il faut être sérieux, c'est du n'importe quoi !
Les soldats de l'empire, tout le long du film, ils ne savent pas tirer, c'est hyper fatigant, moi ça me lasse ! C'est un peu différent dans l'espace avec les navettes, encore que les navettes de l'empire tuent plus de navettes de gentils dans le premier film, mais bon les tirs même quand ils font mouche ne sont pas efficaces. On dirait que l'espace est un milieu de vie comme un autre. Sur Terre, un bateau, tu lui tires dessus, si c'est au-dessus de la ligne de flottaison il peut s'en sortir, il a des dégâts, si c'est sous l'eau, ben l'eau entre et fait couler l'engin. Un avion, tu lui tires dessus, ben il ne va pas voler bien longtemps. Là, on a des vaisseaux qui encaissent les chocs et repartent pour un trajet à la vitesse de la lumière. J'aurais plutôt conçu une science-fiction où les coups ne pardonnent pas et donc il faut les éviter, et au minimum un engin qui va à la vitesse de la lumière j'en ferais quelque chose à protéger du moindre choc.
Mais on ne s'arrête pas en si bon chemin question conneries. Nos héros arrivent à éviter les radars en se posant dans un angle mort d'une navette amirale. Par je ne sais quel miracle, la navette amirale de l'empire n'a aucun détecteur suppléant efficace (bon il y aura bien un espion qui suivra nos héros, mais quand même on nous fait vibrer sur le fait qu'ils aient réussi à se cacher, ce qui est débile) et on a des militaires aguerris qui n'envisagent même pas l'hypothèse qu'ils se soient cachés sur la navette.
Il faut bien comprendre la tricherie du genre science-fiction paresseux. Pour le spectateur, les coups tactiques sont nouveaux vu qu'il voit un truc d'imagination inhabituel, mais on nous fait passer les personnages du film pour aussi peu informés, aussi naïfs que les spectateurs du film, alors que les personnages c'est leur monde !!!
Un autre truc délirant. Han Solo fait se poser son vaisseau sur un immense astéroïde, il se lance dans une galerie souterraine sans savoir si elle est large, il pilote en aveugle avec l'assurance de quelqu'un qui connaît déjà l'endroit. Mais, en plus, lorsqu'ils sont attaqués par des bestioles à ventouses, ils sortent du vaisseau sans équipement, cheveux au vent, alors que l'astéroïde n'a sans doute pas plus d'atmosphère que la Lune, avec juste un masque sur la bouche avec un tuyau plastique dérisoire relié à une bonbonne. Et ils ne se protègent pas, alors que les monstres à ventouses peuvent les attaquer et se jettent effectivement sur eux.
Moi, ça me sort du film.
Je ne vais pas m'attarder sur tout ce qui me fait tiquer. Le casque de Darth Vador vu de dos, mais c'est ridicule. Mais comment ça a passé les tests de crédibilité ? Et le moment où il est dans un cercle, les jambes croisées ?
J'ai tiqué aussi au début. On est en vue subjective dans une navette qui passe entre les jambes d'un quadrupède mécanique, puis dix secondes après un plan avec deux quadrupèdes nous montrent que les pattes sont hyper serrées donc une navette ne peut passer entre à aucun moment. Puis l'idée par un pilote est débile.
Dans le premier film, j'avais été frappé par le manque de distance des personnages quand une porte métallique se ferme en s'abattant verticalement devant eux, mais là j'ai des sensations bizarres quand je vois une navette frôler la tôle d'un quadrupède, ou il y a d'autres passages où l'absence de distance me fait tiquer.
Passons à l'autre grand intérêt du film. Luke part enfin suivre une formation de jedi. Yoda, modèle du chevalier d'or de la Balance dans Les Chevaliers du zodiaque, est pas trop mal conçu pour sa façon de parler, pour son esthétique grotesque mais efficace. Son visage et ses yeux sont expressifs. Il y a juste qu'il apparaît avec le poncif du gros connard débile, mais bon passons ! Il y a une scène également bien conçue où Luke se décourage de dégager son vaisseau du marais, il doit utiliser la Force, mais n'y arrive pas, et là le maître lui montre ce qu'il sait faire. Ce passage était bien fait. En prime, Luke n'a pas vu le moment où Yoda est impressionné de le voir sortir si précocement le vaisseau du marais puis désenchanté de le voir échouer si rapidement. En revanche, l'entraînement physique est bâclé et peu convaincant. Pareil pour le pouvoir de faire bouger les choses. Le héros a appris que ça existait et hop très vite il y arrive aussi. Le côté formation, je ne le ressens pas du tout. Il faudrait du temps d'entraînement.
La scène où Luke affronte un fantôme de Vador, le bute, mais voit son propre visage se superposer au casque de Vador, mouais, c'est un peu poncif, ce n'est ni bien ni mauvais. Ce n'est pas inintéressant, mais ce n'est pas efficace. D'abord, je me demande, vu que l'essentiel des spectateurs vont suivre passivement ce qui se passe, si ceux-ci comprennent bien que cela signifie le basculement du côté obscur de la Force dans un jeu de miroir du combat qui a mobilisé la haine. La mise en scène est inexistante pour faire vivre le truc. Ensuite, et la mise en scène aurait été dans ce sens, il faut montrer concrètement que le héros monte en haine, en émotions troubles, ce qui fait que la tentation de l'obscur est un danger, ce qui n'a pas été fait.
Le discours entre Yoda et Obiwan pose énormément de problèmes de cohérence pour le bloc conceptuel sur la Force. Luke se laisse trop dominer par ses émotions, Yoda n'en veut pas comme élève, mais Obiwan arrondit les angles et lui dit que lui Obiwan était aussi impulsif. Il faut savoir ! L'entraînement, il est sérieux ou il n'est pas sérieux ? Justement, Luke découvre que ses amis sont en danger, refuse d'être patient et part pour les aider. Yoda et Obiwan essaient de le retenir, lui expliquent qu'il a tort. Yoda considère que c'est une catastrophe. Puis, une fois qu'il est parti, Yoda retourne sa veste, il fait "il est insouciant". Obiwan croit que Yoda enterre Luke comme Jedi, et Yoda fait "non, il y a encore une chance ou un espoir !" N'importe quoi ! En clair, il dit que son enseignement est de la merde, Luke peut bien réagir avec les émotions de coeur qui le portent. Je me doute que ceux qui veulent défendre le film à tout prix vont faire une explication bien triangulaire. Oui, il y va avec son coeur, mais c'est le coeur des valeurs, des émotions pures, alors ça va. Ce n'est pas nécessaire de contrôler le coeur pur comme de contrôler la peur, la colère ou la haine. N'importe quoi ! Luke ne tient plus en place en sentant ses amis en danger, qu'on ne parle pas d'une conviction du coeur pur !
Tout ce récit sur la Force est artificiel, il y a juste des personnages avec des pouvoirs magiques qui sont en petit nombre et sur qui repose l'essentiel des péripéties. Ne cherchez pas à en savoir plus, acceptez ça et bonsoir !
Venons-en à la cité des nuages avec sa tour qui a inspiré la tour Karin dans Dragon Ball. Donc, effectivement, esthétiquement, il y a des inventions qui se tiennent et qui font des émules. Mais le problème, c'est le copain de Han Solo. Il fait des choses pas très légales vis-à-vis de l'Empire, il était en passe d'accueillir des rebelles, mais bizarrement on a un personnage qui la ramène face à Vador, et celui-ci le calme tout de suite, mais rien que le mouvement de rébellion du copain de Han Solo n'a aucun sens. Il croit à un contrat, Vador ne le respecte pas, etc., mais au plan du scénario c'est du n'importe quoi. Qu'est-ce que c'est que ce délire de nous entretenir dans l'idée qu'il y a un contrat, que Vador va faire tel truc souple avec un prisonnier aussi important que la princesse Leia, etc. ? Vador est là, le copain de Han Solo n'a rien à négocier, n'a aucun contrat, aucun pouvoir. Point barre. Ou alors il aurait fallu montrer que Vador n'était pas assez en situation de force et qu'il avait besoin d'un peu de temps pour bluffer, mais ces idées qui donneraient du punch au scénario Lucas et sa bande n'y pensent jamais. On n'a droit qu'au pipeau, ça pipeaute beaucoup dans ce film. C'est pareil pour le sort de Han Solo. Il est figé dans une dalle de carbonite, ce qui permettra à la princesse Leia d'avoir une vision nette pour occuper les cauchemars des restants de ses jours, mais même si on nous fait passer la pilule qu'on fige ainsi Han Solo parce que ce n'est qu'un test avant de capturer Skywalker ce truc vient comme un cheveu sur la soupe dans le scénario. C'est juste qu'on a besoin que Han Solo soit figé et prisonnier sur une planète pour justifier une action de la suite de l'histoire, du film suivant, mais là à ce moment du récit ça sort de nulle part. Puis pourquoi Vador n'élimine-t-il pas Han Solo définitivement ? Tout cela n'a aucun putain de sens !
On passe sur D2R2 (ou R2D2, mais j'ai entendu D2R2 au début du premier film) qui connaît trop bien les raccourcis lors de l'évasion finale où il passe de Skywalker au groupe de Leia.
Le combat entre Vador et Luke, je l'ai déjà dit, c'est de la merde, ils soulèvent leurs épées comme de lourds sacs à patate, il n'y a aucune esthétique subtile du combat.
Seul moment fort, mais ultra connu pour le coup, c'est quand Vador révèle à Luke qu'il est son père, encore que ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe et que la mise en scène n'est pas ouf, puis il propose de trahir l'empereur à deux ce qui permet de deviner des choses sur sa psychologie sans les dire à tous les spectateurs, et enfin on a une scène symboliquement intéressante où le père tend la main pour une association, et Luke qui devient un Jedi sent la Force du côté de l'univers, et prend confiance et se jette dans le vide... Au moins, ça, symboliquement, c'était bon, cette opposition entre le père corrompu et la confiance du vide.
Voilà, j'ai un peu dit l'essentiel de ce qui me reste en tête après avoir revu le film tout à l'heure. Hier, j'ai fait une critique plus pointue du premier volet...

davidson
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le 7 août 2020

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davidson

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