Un Ulster à l'estomac ... (j'ai honte, mais j'ai honte)

... c'est ce qui risque de m'arriver en m'essayant à critiquer ce film.
D'abord à cause du réalisateur : quand on examine la filmo de Michael Anderson, on a envie d'en jeter un tiers aux orties ( l'Age de cristal , Orca, Opération Crossbow ), on a un peu honte mais envie d'en voir un tiers (le secret du rapport Quiller, Cargaison dangereuse avec Gary Cooper et Charlton Heston , ou Doc Savage qui nous rappelle notre enfance même si on subodore un gros navet (il est très bien classé sur le site Nanarland) ). Et puis enfin un tiers nous attire vraiment : la 1ère adaptation du ''1984'' d' Orwell en 1956, Jeanne la Papesse du diable ou les Jeunes Loups ( rien que pour le titre original, All the Fine Young Cannibals, magnifique !! ) avec Natalie Wood.
Et d'autres sont sans doute aussi curieux que nous comme Martin Scorcese qui a déclaré voir en Anderson un cinéaste qu'il faudrait sans doute réévaluer...


Ensuite à cause du film lui même ; on se dit d'abord qu'on voit un film d'une banalité extrême : les braves gars de l'IRA, qui luttent contre les méchants Black and Tans, qui oppriment horriblement tous les gentils irlandais ( le John Ford du Mouchard mélangé avec '' les Celtiques'' de Corto Maltese et un brin du ''Vent se Lève '' de Ken Loach, en beaucoup moins fort ). Bref, du déjà vu ...


Mais voilà que çà se complique : le personnage interprété par James Cagney se révèle plus complexe qu'il n'y parait; au départ on se dit ''et encore un héros caché de la lutte des opprimés, un type qui, c'est certain, finira en martyr à la fin du film''; Finalement non, il finit en fanatique obtus, misogyne, voire obsédé sexuel . Et çà fait plaisir de retrouver le Cagney violent et ô combien ambigu des débuts.


Et les surprises continuent avec les autres interprètes : si Michael Redgrave et le falot Don Murray se contentent du minimum syndical, dans des rôles il est vrai assez convenus, on est très agréablement surpris de la bonne tenue des autres seconds rôles ( un surprenant Richard Harris débutant ou le flegmatique mais vibrant poète gaélique interprété par Cyril Cusack ) et surtout des rôles féminins : la belle et froide Dana Winters et surtout l'étonnante Glynis Johns qui, je ne sais pourquoi, m'a rappelé l'Annie Girardot des débuts ( Rocco et ses frères par exemple ) dans son approche d'une femme populaire et sensible.


Mais la principale qualité du film n'est ni dans l'interprétation, ni dans les surprises d'un scénario , finalement moins manichéen qu'il n'y parait.
Elle vient de la magnifique photographie de Erwin Hillier.
Hillier a travaillé avec Murnau sur son dernier film ''Tabu'' et Michael Powell pour le splendide ''Je sais ou je vais ''; il a aussi beaucoup travaillé avec Anderson ( Les Souliers de Saint-Pierre, The Quiller Memorandum ) mais n'ayant vu aucun de ces films, je ne saurai dire s'ils sont aussi réussis visuellement.
J'ai vu, des mêmes, les Briseurs de barrage, intéressant film de guerre ''réaliste'' dont les Britanniques ont le secret, mais où la photo d'Hillier m'a semblé moins brillante et moins imaginative ( je crois bien avoir lu que techniquement, les photographies aériennes sont remarquables, mais bon, j'y connais rien).
Ce dont je suis sur c'est que l'Epopée dans l'Ombre est magnifiquement photographiée et éclairée, et que la mise en scène sert remarquablement la dramaturgie du film ( plusieurs scènes sont vraiment épatantes : la scène du pub au remarquable suspense ou la dernière embuscade sur le port où les remarquables convergences géométriques de la photo et de la mise en scène exacerbent la puissance dramatique de l'ensemble )
On peut regretter les quelques facilités d'écriture du début de l'histoire mais on se retrouve au final avec un film plus ambigu qu'il n'y parait, et surtout visuellement absolument passionnant. Recommandé.

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le 9 sept. 2015

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